QUESTIONS D'ECONOMIE No 1 L'ARGENT ET LA RICHESSE par J. F. Drouet Avez-vous parfaitement compris les mécanismes qui ont déclenché la crise actuelle ? Etes-vous capable de juger et alors approuvez-vous les méthodes utilisées pour en sortir et combattre en même temps l'inflation et le chômage ? Pensez-vous qu'il vaut mieux payer les chômeurs à ne rien faire ou à travailler ? Lorsqu'une créance ne vous est pas réglée à cours terme, cela revient à avancer de l'argent à vos clients et c'est vous qui payer les intérêts pour l'argent que vous prétez ainsi. Et si votre client fait faillitte cet argent risque même de ne jamais vous être versé. Estimez-vous normal cet état de fait ? Connaissez-vous les mécanismes de création de la monnaie ? Distinguez-vous bien la différence entre crédit mutuel et collectif ? Estimez-vous normal que ces deux sortes de crédit soient ouverts et gérés de la même manière ? Vous est-il possible d'établir en économie des équations aussi exactes qu'en mathématiques par exemple pour définir les relations entre dettes et créances, ensemble des ventes et pouvoir d'achats, salaires, marges, prix de revient ... ? Si vous répondez oui à toutes ces questions, nous vous devons double félicitations. D'abord pour être plus compétents que bien des économistes mais surtout pour votre philosophie qui accepte que tout aille si mal! Mais peutèêtre aurez-vous répondu non au moins à certaines questions. Dans ce cas ce qui suit peut vous intéresser. Ce sont vos problèmes d'entreprise qui nous intéressent en premier lieu mais vous avez bien conscience qu'ils sont en étroite dépendance de l'en- vironnement économique. Il importe donc de savoir analyser celui-ci, et encore plus être capable d'en prévoir l'évolution. C'est à cette condition seulement que l'on peut espérer ne pas ên être le jouet sinon la victime. .../ I - 2 Un point de vue global.- Pour y voir clair dans les multiples imbrications des facteurs économi- ques, il est nécessaire de prendre du recul. Cela signifie que, pour un temps, on va devoir quitter les cas particuliers. En effet, si on regarde l'économie dans tel ou tel secteur, du point de vue de la production ou de l'investissement, en se préoccupant du pouvoir d'achat, de l'inflation ou du chômage, les aspects vont être différents. Il est bien évident que les points de vue d'un patron, d'un salarié ou d'un chômeur seront diffé- rents sinon opposés. Et pourtant il s'agit bien de la même réalité écono- mique et tous ses aspects sont absolument liés les uns aux autres. Seul un point de vue global permet de resaisir cette réalité dans une vérité indépendante non seulement des situations particulières mais aussi des facteurs psychologiques car ceux-ci influent autant sur les comporte- ments que sur la vision et la compréhension de l'économie. Vérités simples ou confusions.- Dès que l'on adopte ce point de vue global, les réalités deviennent sur- prenantes par leur simplicité et leur vérité. On obtient des vérités de Lapalisse, apparemment toutes bêtes mais qui appliquées aux situations concrêtes même aussi complexes que les situations actuelles les rendent parfaitement compréhensibles.. Mais avant d'en arriver là, il est absolument nécessaire de définir ou clarifier certaines notions et surtout d'éviter les confusions : Or des confusions, il en est d'énormes et elles sont d'autant plus graves qu'on ne s'en aperçoit pas tellement elles sont monnaie courante ! Les plus dangereuses sont surtout celles qui tournent autour des notions d'argent, de capital, de crédit. Sous les mêmes mots, on classe des réa- lités tout à fait distinctes et on a alors en tête un concept-amalgame de notions ou de réalités différentes. Ainsi derrière le mot capital, on peut penser à quatre ordres de réalités distincts d'abord le capital-travail puis le capital naturel c'est-à-dire les richesses naturelles, ensuite le capital artifi- ciel, création de l'homme comprenant aussi bien les biens matériels issus de la transformation des richesses naturelles que le capital technologi- que et jusqu'au capital culturel. La 4ème sorte de capital est le capital financier c'est-à-dire l'argent. L'argent n'est pas la richesse.. Parler de capital sans plus de précision risque de faire confondre l'ar- gent et la richesse concrète et une petite histoire va nous montrer com- ment le langage aboutit à cette confusion courante. En même temps cette histoire illustre comment on risque de déformer ou même d'inverser la réalité si on ne voit qu'une partie des opérations en s'arrêtant à un point de vue particulier. Pour éviter ce risque, il vaut mieux emprunter le point de vue d'un habitant d'une planète lointaine comme cet habitant de Sirius qu'affectionne Jacques Dartan. ../ I 3- " "Confions à un sirien, dont l'impartiale lucidité est bien connue, le soin de surveiller la fabrication de quelques pioches. Il voit le minerai sortir de la mine, devenir barre puis pioche et enfin disparaître à l'usage. La production de pioche, dit-il, coûte du minerai de fer et du charbon à la collectivité française. Mais notre sirien a l'ouï fine et voici qu'il entend les propos du patron de la fabrique de pioches: "Pour fabriquer une pioche, je prends du fer dans mon magasin, puis de l'argent dans ma caisse,, histoire de payer 1'ouvrier forgeron. Puis pour reconstituer mon stock de fer il faudra une nouvelle ponction dans la caisse. En fin de comptes, cette production matérielle aura coûté de l'argent et encore de l'argent." La production de pioche coûte Hu fer, du vin, du saucisson etc.. mais pas d'argent, car même 'argent liquide ne se consomme pas ! Notre sirien entre dans une grande confusion : Ses yeux et ses oreilles se contredisent ? Mais il a suivi des yeux le forgeron qui emporte sa paye, s'achète un litre de vin et dix rondelles de saucissons, qu'il avale aussitôt pour restaurer ses forces; et de conclure : la production de pioches coûte du fer, du vin, du saucisson et bien d'autres matières, mais vraiment pas d'argent: je n'ai vu personne en avaler ni en consommer d'aucune autre manière. L'argent n'entrant ni dans la composition des biens matériels ni dans celle des hommes qui concourent à leur production, la production de ces biens ne coûte pas d'argent. L'argent stimule l'activité des producteurs. C'est un agent catalyseur qui favorise les réactions éco- nomiques et se retrouve intact à la fin : il a passé d'une poche dans l'autre et c'est tout." Extrait de "Le Défi Européen" p. 70 (chez J.E. Hermelin 6, rue du Commerce 41000 Blois) Et la meilleure preuve, c'est qu'on n'a jamais oui dire que la masse monétaire soit consommée, bien au contraire puisqu'elle s'accroît sans cesse. En fait, l'argent a aussi une fonction de comparaison: il sert de mesure commune à des productions différentes. Le travail d'un ouvrier vaut "tant" de pièces à l'heure ou "tant" de francs à l'heure : le salaire est en quelque sorte la mesure du travail. De même que le kilo de pain ou de prunes, le mètre de tissus.. valent "tant" de francs du kilo ou du mètre. Mais encore une fois il ne faut pas plus confondre les heures, les kilos ou les mètres avec le travail ou la production de l'ouvrier, le pain, les prunes ou le tissu, que les francs, c'est-à-dire l'argent, avec ce qu'il représente. Ce qui n'est pas nier leur utilité à partir du moment où ils ont été adoptés par convention mutuelle comme étalons de mesure et moyen pratique d'échanges. On peut être aussi ennuyé de n'avoir pas de poids pour peser 2 kg de pru- nes que si on n'a pas d'argent pour les payer. Des confusions aux crises.- Il ne faudrait pas croire qu'il ne s'agit dans tout cela que d'une ques- tion de langage finalement pas très importante. En fait les conséquences de cette confusion sont beaucoup plus importantes qu'on ne l'imagine à première vue.ivec quelques autres confusions aussi dangereuses parce qu'aussi méconnues, elle pourrait bien être à l'origine des crises que MAUS connaissons. 1-4- T C'est en tout cas ce que pense Allan Watts (dans la revue "Playboy") "Vous rappelez-vous la grande crise des années trente ? L'économie de consommation était florissante et chacun vivait à l'aise. Du jour au lendemain, ce fut le chômage la misère, des queues pour recevoir du pain gratuitement. La raison ? les ressources physiques du pays les cerveaux, les muscles, les matières premières restaient intactes, mais il se pro- duisit une brusque raréfaction de l'argent liquide, un effondrement des cours. Les experts des problèmes bancaires et financiers, à qui l'arbre cache la forêt, ont à leur disposition toute sorte d'arguments subtils pour expliquer en détails ce type de désastre. wwwwww Désolé mon gars, on ne peut pas travailler aujourd'hui, nous avons consommé trop de millimètres. Plus simplement ce fut comme si vous étiez venu aider à la construction d'une maison et que le matin de la crise le chef de chantier vous ait déclaré : "Désolé mon gars, on ne peut pas travailler aujourd'hui. Nous manquens de millimètres". "Qu'est-ce que vous voulez dire par nous manquons de millimètres ? Nous avons du bois, du métal, nous avons même des mètres à rubans" "D'accord, mais vous ne comprenez rien aux affaires. Nous avons consommé trop de millimètres et il ne nous en reste plus assez pour continuer". Quelques années plus tard les bons esprits affirmaient qu'il était impossible à l'Allemagne d'équiper une armée nationale et de s'engager dans une guerre parce qu'elle ne détenait pas assez d'or. Cе que кешзxxx l'on ne comprenait pas alors, et que l'on ne comprend toujours pas vraiment aujourd'hui, c'est que la réalité de l'argent est de même nature que celle des centimètres, des grammes, des heures et des degrés de longitude. L'argent est un moyen de jauger la richesse, mais de n'est pas en soi la richesse. De quelle utilité peut être un coffre rempli de pièces d'or, un porte feuilles rempli de billets de banque à un naufragé abandonné seul sur un radeau ? Ce que réclame cet homme en détresse, c'est un bien réel: une canne à pêche, un compas, un moteur auxiliaire, de l'essence et... une compagne." La 2ème confusion : celle qui confond le crédit mutuel avec le crédit collectif est encore plus répandue. Elle résulte de la méconnaissance de la nature et des mécanismes de la création monétaire. Mais nous illustrerons cela dans l'article n° 2 avec les 2 scénarios de l'histoire d'Arnaud.