Portrait DOUX RÊVEUR OU PARFAIT CINGLÉ ? Il peint pour les petits hommes verts Artiste reconnu, Yvon Cayrel a deux passions, ies ovnis et la peinture. Mais un seul objectif : rencontrer des extraterrestres. Une lubie qui le coupe des Terriens. D epuis longtemps, d'hu- meur vagabonde, le pe- tit Yvon Cayrel se pro- menait la tête dans les étoiles dans l'espoir de rece- voir un signe des extraterres- tres. Et, ce soir-là, en cette fin d'année 1957, alors qu'il n'avait que 14 ans, il les a vus. Enfin, vus... Yvon était chez son père, à Mauvezin (Gers), quand il a entendu le cri d'une Terrienne affolée. << La voix provenait de la rue, raconte-t- il. J'ai regardé par la fenêtre et j'ai observé une lumière bril- lante qui éclairait les bâtisses. Je n'ai pas bien vu ce dont il s'agissait, mais on a parlé d'une boule bleue avec une queue de couleur grenat. >> Aujourd'hui, cette même lueur scintille dans les pru- nelles de celui qui, à 55 ans, se définit comme un peintre << astro- Sur l'une de puis que ce Ver- saillais est tombé en pâmoison de- vant les petits ses toiles astro-surréaliste »>. De- surréalistes, Yvon a peint Marlene Dietrich sortant d'un vaisseau spatial hommes verts, il ne se connaît que deux passions: la peinture et les ov- nis. Et voilà plus de trente ans qu'Yvon Cayrel utilise son art pour entrer en contact, ainsi qu'il l'affirme, avec les entités d'un autre monde ou d'un autre temps. Puisant son inspiration dans sa fascination pour l'espace, il peint un univers étrange qu'il nomme EASEI (espace astro- surréel extra-infini). Des toi- les visionnaires d'une grande A S Une fois le rendez-vous fixé, Yvon Cayrel revêt une combinaison cos- mique pour être facilement repéré. virtuosité technique vendues jusqu'à 50 000 francs. Sur l'une d'elles, Marlene Dietrich sort d'un vaisseau spatial et se déplace dans l'espace à l'aide de petites sphères qu'elle serre dans ses mains. Une autre montre Jacques Dutronc vêtu d'une combinaison antima- gnétique et assis sur un fauteuil à coussin d'air. Le chanteur-acteur est d'ailleurs amateur des œuvres d'Yvon Cayrel. Il en possède sept. Rendez-vous intergalactiques. Pour établir le contact, le pein- tre inscrit sur chacune de ses toiles un message destiné à << fixer des rendez-vous aux humanoïdes des galaxies voi- Le peintre dans son lit surélevé. A 55 ans, il a gardé l'âme d'un enfant qui a toujours barboté dans un bain de science-fiction. sines qui comprennent notre langue ». Dans un coin du ta- bleau ou sur son verso, on peut lire une vague et systématique missive exhortant les << oura- niens (êtres à l'apparence hu- maine, NDLR) et humanoï- des des temps futurs, présents et passés » à se manifester. «L'espace astro-surréel extra- infini est parvenu à vous, écrit Cayrel aux ressortissants des autres planètes. J'attends de recevoir un indice de votre temps par phénomène annexe surmagnétique, mécanique, ultrasonore ou corporel, au château de Versailles, à l'ex- trémité du Grand Canal. » << Le fait que ce message soit écrit sur une œuvre d'art est primordial, estime l'artiste. Un tableau est immortel. Peut- être que, dans plusieurs siècles, des extraterrestres de passage sur notre planète liront mon appel et me rejoindront dans mon époque. Car évidem- ment, ils pourront voyager dans le temps. » Evidemment. Choc spatio-temporel. Plu- sieurs fois par an, Yvon Cayrel les attend près du château, sous l'oeil généralement médusé des Versaillais. Ces moments d'espérance sont toujours une fête pour celui qui brûle de faire la connaissance des ex- traterrestres. Afin de << se pro- téger du choc spatio-temporel d'une éventuelle rencontre >> et surtout pour << se faire repé- rer »>, il troque ses blue-jeans pour des tenues plus cosmi- ques. Visible, Yvon le devient assurément, engoncé dans une curieuse combinaison confec- tionnée à la diable. « Pourtant, à première vue, l'homme ne semble pas sortir d'X-Files. Précisons aussi qu'il ne boit pas. Plutôt réservé, c'est même de la façon la plus posée qu'il évoque ses expé- riences paranormales, comme celles de Rose, sa mère. En 1973, cette dernière a été le témoin d'une lueur pour le moins inexplicable, elle aussi. A croire que c'est de famille. וד L'artiste travaille en ce mo- nent à une nouvelle œuvre intitulée "EASEI 1 407". Elle représente une "entité oura- nienne qui enfante l'Univers". Pour Cayrel, les E. T. existent. C'est une évidence. L'artiste ignore superbement les scep- tiques que nous sommes, et dégoise à n'en plus finir. Une question le taraude cepen- dant: « Pourquoi ne répon- dent-ils pas ? >> Les rendez- vous sont fixés au bon endroit. Le message envoyé est effi- cace, il en est bien persuadé. Des lutins de la forêt voisine se seraient même manifestés. En effet, pour rigoler, la com- pagne d'Yvon aurait un jour remplacé «ouraniens » par <> en répétant l'obsé- dant refrain. Le couple aurait aussitôt entendu << des clochet- tes » tintinnabuler. Alors, pourquoi ces appels n'ont-ils pas davantage d'écho? Peut- être, tout simplement, que les << ouraniens » n'apprécient guère la peinture d'Yvon Cay- rel. A moins qu'ils ne soient terrifiés par le personnage. LUDOVIC POMPIGNOLI 100 • VSD