SCIENCES & AVENIR No 307 SEPTEMBRE 1972 PRIX FRANCE 4,20 FRANCS BELGIQUE 42 FRANCS ESPAGNE 52 PESETAS CANADA $1,50 DESASTRONOMES OUVRENT LE DOSSIER DES OBJETS VOLANTS NON IDENTIFIES concorde: le verdict de l'ozone LE DOSSIER DES OVNI GPUN IL EXISTE UN PROBLÈME 1 Partisans et adversaires des << objets volants non identifiés >> les OVNI - ont suffisamment embrouillé le problème depuis une vingtaine d'années pour qu'il ne soit plus possible de l'aborder sans poser un certain nombre de prin- cipes préalables. Il s'agit de redéfinir une attitude d'objectivité, fondement même de toute recherche, mais qui semble parfois avoir disparu face à un objet qui suscite des positions éminem- ment subjectives. Dans le clan des « soucoupistes >> se rencontrent, à côté de témoins par- faitement dignes de foi, et de chercheurs honnêtes, des individus assoiffés de fantastique dont l'action n'a pas peu contribué à discréditer le sujet. On a vu des faussaires fabriquer de toute pièce des témoignages photographiques ou des gens comme Adamsky présenter pour véridiques des récits romancés de voyages en soucoupe sur la planète Vénus. Dans le clan opposé se trouvent des hommes jouissant d'une réelle autorité scientifique et qui ont prononcé des condamnations sans appel. Entre les deux, la masse des astronomes, et des scientifiques en général n'a ni le goût, ni le temps de consacrer des travaux personnels à cette question. Peu sou- cieuse de frayer avec les sortes de << soucoupistes >> que nous avons dé- noncés, elle tend naturellement à s'en remettre aux enquêtes officielles. Or celles-ci, que ce soit le rapport Condon ou les communiqués de l'Armée de l'Air américaine, concluent à l'inexistence des OVNI. Dans ces conditions, le fait même de s'interroger à ce sujet peut paraître << hérétique ». Tout astronome qui pré- tendait remettre en cause les jugements péremptoires des autorités officielles encourait naguère encore, le risque de voir sa réputation entachée. N'adop- tait-il pas une attitude contraire au consensus général de la communauté scientifique? Ne se lançait-t-il pas dans une démarche de caractère « anti- scientifique >> ? Il convient ici de bien préciser ce que l'on entend par « autorité scientifique >>. Est-ce celle de la méthode scientifique, c'est-à-dire, à ce stade du problème, une simple attitude d'objectivité face aux données? Est-ce celle de personnes qui tirent une certaine crédibilité de leurs fonctions officielles? Dans le premier cas, effectivement, toute démarche de nature non objec- tive devrait être condamnée par les scientifiques. Dans le second cas, la remise en question des vérités profes- sées à un moment donné par les auto- rités ne fait souvent que s'inscrire dans la dialectique normale du progrès scientifique. Nous avons souligné que la majorité des scientifiques avaient adopté la position officielle plus par réaction à l'encontre de certains excès des << sou- coupistes » qu'à la suite d'un travail cri- tique personnel. Ils se sont fiés plus à l'autorité de ceux qui affirment la non- existence des OVNI qu'à l'autorité de la méthode d'analyse objective des données, dont ils n'ont pas eu l'occa- sion de vérifier la saine application en cette matière. Or les arguments fondés sur l'autorité personnelle ne sont pas plus de mise pour trancher de l'existence des OVNI que de tout autre problème. C'est l'examen impartial du dossier, vrais ou faux c'est-à-dire des faits rapportés par les témoins, et l'étude cri- tique des différents arguments, qui doivent permettre de fonder une con- clusion. Mon opinion personnelle est que, de ce point de vue et quoi qu'aient voulu en penser certains, la confusion avec des phénomènes ou des objets con- nus n'explique pas tout. On a trop voulu mettre les données au service d'une vérité officielle préalablement définie. Il s'agit d'inverser le processus, d'étu- dier les données sans but préalable, et de voir à quelle conclusion elles peu- vent conduire. Ces vérités commencent à s'imposer. Je vois un nombre restreint, mais qui s'accroît peu à peu, d'astronomes 697 français surtout des jeunes, mais aussi des moins jeunes affichant maintenant en public une position totalement ouverte, voire franchement positive, vis-à-vis de l'existence des OVNI, la plupart des autres réservent leur opinion, et seuls quelques-uns restent inconditionnellement << contre >>. commença Ce début de revirement dont il ne faudrait pas minimiser l'importance n'est pas propre à la France. Aux USA, citons le physicien James E. McDonald, Doyen de Physique de l'Institut de Physique Atmosphérique de l'Arizona, qui reprit, au cours des années ayant précédé sa mort accidentelle (1971), l'analyse d'un grand nombre d'observa- tions classiques de « soucoupes »>, et démontra que ces observations ne pou- vaient absolument pas s'expliquer par des confusions avec des objets connus ou des phénomènes atmosphériques. Citons aussi le Dr J. Allen Hynek, Direc- teur du Dearborn Observatory (North- western University), qui fut pendant 20 ans l'astronome conseiller de l'U.S. Air Force pour les UFOS (Unidentified Flying Objects); Hynek par nier l'existence des UFOs, puis changea d'avis à partir des années 65, devant l'accumulation des détails con- cordants fournis par d'innombrables descriptions indépendantes auxquelles sa fonction lui donnait accès. Comme, dans le même temps, le responsable militaire des enquêtes de l'Air Force (le major H. Quintanilla) continuait de rédiger, à l'usage du public, les habituels communiqués négatifs dont la presse mondiale s'est faite l'écho, Hynek sus- cita les débats parlementaires qui de- vaient aboutir au dessaississement de l'étude des UFOs par les militaires, pour la confier à des scientifiques. Telle fut l'origine du Comité Condon, créé en 1966 par contrat entre l'Université du Colorado et l'Air Force. Trois ans plus tard, le Comité donnait à son tour son verdict, qui peut se résumer ainsi: il n'existe aucune preuve de l'existence des UFOs. Cette conclusion n'avait cependant pas été obtenue à l'una- nimité, puisque deux des membres du Comité avaient été révoqués, entre temps, par Condon lui-même: ils avaient eu le tort de découvrir par ha- sard, en consultant des dossiers, un mémorandum révélant les dessous de l'opération dans laquelle eux et leurs collègues avaient été engagés, et ils l'avaient divulgué. Nous reviendrons à la fin de cet article sur les termes de ce mémorandum. Disons tout de suite que les deux universitaires en question, mieux placés que quiconque pour con- naître les méthodes de travail du Comité Condon, sont devenus, comme tant d'autres, convaincus de la réalité des UFOs, après qu'ils eurent étudié dans le détail de nombreux rapports d'ob- servations. L'un de ces universitaires donne maintenant à ses étudiants des sujets de diplômes sur le traitement 609 statistique des rapports d'UFOs, ce- pendant qu'à la Northwestern Univer- sity, le Dr Hynek a inauguré le premier cours mondial d'ufologie. La publication du rapport Condon a surtout influencé les chroniqueurs scientifiques des journaux, mais n'a pas eu pour effet de diminuer le nombre des observations d'OVNI. Celles-ci ne sont plus guère citées dans les quotidiens français, qui ont maintenant pris le parti systématique de rapporter surtout quelques cas criants de confusion avec une météorite ou un satellite artificiel Les photographies de McMinnville (Oregon). Date: 11 mai 1950. Heure: 19 h 30. Temps couvert et sombre, légèrement brumeux L'enquêteur du Comité Condon (plafond nuageux à 1 500 m). a pu interroger de nombreuses personnes connaissant les témoins et qui se sont portées garantes de leur honnêteté. La description faite par les témoins est en complet accord avec les détails révélés par les clichés. L'objet apparaissait argenté et était silencieux. Une étude approfondie des négatifs, qui ont été passés au microphotomètre, a exclu toute possibilité de fraude. En effet, une fausse « soucoupe >> et lancée en l'air, à distance modérée des témoins, n'aurait pas eu sa luminance rentrant dans l'atmosphère. Seule, la presse hebdomadaire dite à sensation << ressort » de temps à autre quelques dossiers d'OVNI, et c'est à ce titre que d'aucuns parleront d'une résurgence épisodique du phénomène. Mais en fait, les revues plus ou moins confi- dentielles spécialisées dans la question de petite dimension continuent toujours de relater à leurs lecteurs d'innombrables cas nouveaux. étayés souvent par des enquêtes sé- rieuses et des rapports de gendarmerie. sensiblement modifiée Autrement dit, le «phénomène soucoupe volante » (car il faut bien l'appeler ainsi, même s'il est la somme de plu- sieurs phénomènes distincts) est tou- jours un phénomène actuel. Et ce phé- nomène affecte toutes les parties du monde, sans exception, y compris les pays socialistes d'où plusieurs rapports arrivent, de temps à autre, à filtrer. Les impossibilités théoriques d'une vue à l'autre, comme c'est le cas ici. L'objet photographié est au contraire plus clair sur la vue où il apparaît plus pet et cette augmentation de la luminance est exactement celle à laquelle il fallait s'attendre du fait de l'interposition du voile atmosphérique avec l'éloignement, compte tenu des conditions météorologiques. La discussion des données << Il y a une différence entre ce qui conduit à fixer à l'objet est possible dans la nature et ce qu'il est possible d'imaginer dans un délire verbal... C'est à partir de la connaissance des lois de la nature que peut se former et s'élaborer l'esprit critique. Prenons comme exemple un phénomène qui a des résurgences de temps à autre, le phénomène des soucou- pes volantes... Le thème général est qu'il s'agit d'objets ayant des vitesses incroyables, parfaitement silencieux, pouvant s'arrêter ou démarrer en un instant, et les thèmes les plus extravagants con- cernant les sources d'énergie... de ces objets ont pu être proposés... Je dois dire que la connaissance des lois physiques extrêmement élémentaires et la connaissance du fait qu'il s'agit de lois, ... aurait pu suffire à elle seule pour écarter chez les spectateurs l'idée qu'il s'agissait d'un phénomène aussi extraordi- naire. En particulier... il est abso- lument impossible qu'un objet ma- tériel placé dans l'atmosphère puis- se déplacer aux vitesses inven- tées par les spectateurs sans pro- duire le bang supersonique. >> Professeur Evry Schatzman, As- trophysicien. (in: Cahiers Ratio- nalistes, oct.-nov. 1971). un diamètre d'une dizaine de mètres, la distance excédant 1 km. L'aspect de l'objet sur les photographies est celui d'une classique « soucoupe >>> telle que d'innombrables témoins en ont décrites. du domaine des réalisations possibles? En apparence, oui. Et pourtant... Que la science humaine ne soit pas finie, personne n'en doute. Mais lorsqu'on dit cela, on pense en général aux dé- veloppements et aux extrapolations à partir des connaissances actuelles. On pense beaucoup moins souvent à de nouvelles Révolutions de la physique, qui pourraient nous révéler des proprié- tés encore inconnues de la nature, à un niveau auquel nous n'avons pas pré- sentement atteint, et qui, sans détruire les acquis de notre science, permet- traient de dépasser ceux-ci un peu à la façon dont la Relativité et l'énergie nucléaire ont permis de dépasser les limitations de la chimie classique. Toute l'histoire passée de la science est là pour suggérer qu'un tel dépassement est non seulement concevable, mais probable à plus ou moins longue échéance. On reproche parfois à ceux qui tiennent de tels propos de croire, ou de vouloir faire croire, que << tout est possible ». Certes non, tout n'est pas possible dans la nature! Mais nul ne peut dire ce qui est possible et ce qui ne l'est pas, s'agissant d'un domaine encore totalement inexploré qui trans- cende le domaine connu. Il est donc parfaitement injustifié, sur le plan de la dialectique, de récuser a priori un futur dépassement radical de nos concep- tions actuelles d'espace, de temps et d'énergie, qui, par l'introduction de concepts et de paramètres nouveaux, permettrait de résoudre le problème des << navettes >> interstellaires. Mais, en ce cas, il ne s'agirait plus de voyages au sens où nous l'entendons actuelle- ment, puisque ce terme s'applique uniquement au continuum à 4 dimen- sions de la physique contemporaine. Bien entendu, je n'affirme rien : je ne fais que de la prospective. Que l'on ne m'accuse pas de tomber dans le « dé- lire verbal »: les expressions que j'em- ploie sont nécessairement vagues, puis- qu'il s'agit d'évoquer des possibilités que nous n'avons pas encore explici- tées. Tout cela ne prouve pas que les OVNI existent. Cela prouve seulement que si des civilisations extra-solaires biologiquement en avance sur nous de millions, voire de milliards d'années (car telle est la disparité des âges des étoiles de type solaire) ont résolu le problème des « navettes » interstellaires, il ne faut pas s'attendre à les voir atterrir en fusées, mais avec des << engins >> n'obéissant pas, apparemment, aux lois de notre physique. J'insiste sur le mot: apparemment. Les lois de notre physique sont vraies dans les domaines où elles s'appliquent, et de tels engins, s'ils existent, y obéissent. Mais ils obéissent également à d'autres lois qui transcendent les premières, et qui doi- vent conférer aux objets un comporte- ment d'apparence magique. Que l'on cesse donc, une fois pour toutes, d'invoquer des arguments théo- riques à l'encontre des OVNI allégués. Et, par la même occasion, que l'on cesse aussi d'objecter notre incompré- hension des mobiles qui pousseraient leurs occupants à venir sur Terre sans rechercher apparemment un contact avec nos chefs de gouvernement et nos savants. Nos explorateurs se présentent ils aux «< chefs » des tribus de singes? Cependant, la supériorité psychique de l'Homme sur le singe traduit au plus un million d'années d'évolution biologique, et non pas des millions, voire des mil- liards d'années... Des êtres du cosmos issus d'une planète immensément plus âgée que la Terre devraient, si la loi biologique d'accroissement du niveau psychique à mesure que se créent des espèces nouvelles, est une loi univer- selle, nous dépasser irrémédiablement par la pensée, au même titre que nous dépassons les mammifères inférieurs, et tout espoir de comprendre entière- ment les motivations de ces êtres et de formuler les problèmes qu'ils sont aptes à poser et à résoudre, nous serait en ce cas interdit. Que les intellectuels férus de tradition humaniste me pardonnent, mais l'étude de l'astrophysique est bien faite pour remettre l'Homme à sa vraie Un fait est sûr, en tout cas: si les place dans l'Univers: celle d'un bipède << navettes >> interstellaires (ce mot pre- nant un sens nouveau) deviennent un jour possibles ce que j'ignore elles impliqueront nécessairement la maîtrise d'une physique « élargie >> sem- blable à celle que je viens d'évoquer. - De ce fait, les « astronefs >> effectuant de telles « navettes » devront différer obligatoirement, dans leur forme, leur principe de fonctionnement et leur comportement évolutif, de nos actuelles fusées, plus encore que la bombe ther- monucléaire ne diffère d'une bombe au TNT. Le contact actuel avec de tels << engins >> si ce terme peut encore être employé ne pourrait donc nous confronter qu'avec de l'incompréhen- sible qualifié à tort d'irrationnel. Un << jet » relève nécessairement de la magie pour les indigènes de Nouvelle- Guinée. - ayant juste dépassé le stade de la pure animalité, un bipède d'un niveau tout à fait moyen, habitant d'une planète quelconque quelconque comme son Soleil, petite étoile ordinaire de la série principale, ni très jeune, ni très vieille... Le poids des témoignages « Un simple témoignage n'a aucune valeur scientifique, même s'il est fait par une personne d'une indis- cutable bonne foi, même si cette personne a la réputation d'être un observateur intelligent et a une formation scientifique, et même enfin si cette personne a fait des découvertes scientifiques géniales. Ce n'est pas seulement le témoi- gnage individuel qui manque de force: de même un très grand nombre de témoignages concor- dants n'a aucune valeur. (Ceci) sur le plan scientifique, bien en- tendu: je ne m'occupe pas ici des témoignages historiques ou juri- diques, que l'on est bien forcé de prendre en considération, malgré leur fragilité, quand on ne trouve pas de preuve matérielle à se mettre sous la dent. >> Écrivain François de Lionnais, scientifique (in: Dictionnaire Ra- tionaliste, pp. 42-43). - la tion de principe aux recherches sur les Ainsi, l'on oppose une autre objec- OVNI : elles reposent sur des témoigna- ges qui, par nature, seraient sans valeur scientifique. Je pense que ce jugement est excessif et qu'il contribue à donner En premier lieu, toute connaissance est de la science une idée fausse au public fondée d'abord sur le témoignage hu- main, et qu'on le veuille ou non- science elle-même n'échappe pas à cette règle, pour la raison évidente que scientifique est l'observation du réel par la démarche première de la recherche le chercheur, au moyen de ses sens et des instruments qui en augmentent la portée. En second lieu, tout scientifique sait que la réputation du chercheur en- tre en ligne de compte lorsqu'il s'agit d'évaluer la crédibilité d'une observa- tion. En troisième lieu, enfin, il est vrai que le témoignage d'un seul chercheur, observent ensemble et peuvent donc ou même le témoignage de plusieurs qui s'influencer réciproquement, est dans certains cas sujets à caution: c'est pour- quoi au moins deux témoignages con- cordants obtenus en toute indépendan- objet ou un phénomène nouveau soit ce sont en général requis avant qu'un accepté comme vrai par l'ensemble d la communauté scientifique. C'est seu- acquis, que l'objet ou le phénomène lement lorsqu'un tel consensus peuvent commencer à être étudiés, de tous côtés, grâce aux ressources con- juguées de la théorie et de l'expérience, dont l'appui réciproque permet de est remonter des effets aux causes. Telle est la démarche de la recherche scien- tifique. En matière d'ufologie, la situation se présente, pour le moment, un peu dif- féremment. D'une part, le phénomène n'est pas répétable ni observable à volonté (mais il en va de même de nom- breux phénomènes astronomiques). D'autre part, il relève du témoignage oc- casionnel de « n'importe qui », et non pas principalement de celui de l'homme de science. Enfin, aucun modèle théo- rique satisfaisant n'a pu encore être proposé, dans le cadre de nos connais- sances actuelles en physique, pour expliquer les formes et les comporte- ments d'objets semblables aux OVNI allégués. En dépit des études statisti- ques faites dès à présent sur les dates, les heures et les lieux d'apparition des Dessin d'un ballon-sonde d'après photographie. Des ballons-sonde ont souvent été pris pour les OVNI par des témoins ignorants qui, par ailleurs, les ont généralement très correctement dessinés. Actuellement, les organismes privés les plus sérieux qui s'occupent des OVNI ont appris à les reconnaître, ainsi que les bolides et les satellites artificiels. (Document L.D.L.N. 43-Le Chambon- sur-Lignon). Photographie de la fusée Tibère. Lancée le 23 février 1971, à 18 h 09, de la base de Biscarosse, elle a été vue dans tout le sud-ouest de la France, et photographiée par des amateurs, dont certains ont pu penser qu'il s'agissait d'un OVNI. En réalité, les observations probantes d'OVNI se rapportent toujours à des objets rapprochés, dont les évolutions sont bien différentes de celles d'une fusée, d'un satellite ou d'une météorite. Un objet vu simultanément par des témoins répartis sur une grande étendue de terriroire, évolue nécessairement à très grande hauteur, et aucun détail réel de structure ne peut y être distingué. (Document LD.L.N.). << objets >> décrits, ainsi que sur la fré- quence des différents types d'OVNI, on voit que le problème se situe pour le moment au niveau de la recherche « ju- diciaire » ou historique, et non à celui de la recherche scientifique. Je voudrais cependant qu'on ne s'y trompe pas: les faits historiques établis grâce à la comparaison de nombreux témoignages indépendants, sont sou- vent plus sûrement prouvés que bien des théories scientifiques modernes. Il en va de même des preuves judiciaires: en matière de droit commun, où les pressions politiques jouent rarement, les erreurs judiciaires sont rares. Tout au plus faut-il remarquer qu'en la matière, le manque de rigueur fréquent des témoignages doit être compensé par leur nombre, bien plus encore qu'en science où cette rigueur est (ou devrait être) la règle. Seuls, des recoupements obtenus en comparant de multiples témoignages indépendants émanant de personnes n'ayant pu s'influencer réci- proquement, sont susceptibles de con- duire à des certitudes. Et ils y condui- sent, en effet, dans de nombreux cas. Ajoutons que les témoignages histo- riques, comme les témoignages judi- diciaires, sont fréquemment assortis de véritables preuves matérielles « à se mettre sous la dent ». Je prétends que la situation est exactement la même en ufologie. 702 On raconte que le Dr Edward U. Condon aurait déclaré un jour: << Je croirai aux UFOs lorsqu'on m'en aura amené un dans mon laboratoire >>. Au lieu de dire: « Je croirai »>, Condon aurait dû dire: « Je pourrai étudier scientifi- quement » (au moyen de spectrogra- phes, de magnétomètres, etc.). Car, pour ce qui est d'« y croire »>, ou plus exactement de savoir si, parmi les OVNI allégués, il en est qui ne résul- tent pas de confusions ou de mystifica- tions, point n'est besoin d'en avoir un sous la main; les témoignages (et aussi certaines preuves matérielles, com- me les marques d'atterrissages) sont maintenant suffisamment nombreux et variés pour que leur analyse nous appor- te une réponse. Ce fut toujours, du reste, le prétexte qui a prévalu officiel- lement lorsqu'on a mis sur pied les dif- férents organismes américains chargés d'étudier le phénomène. Il était oppor- tun de le rappeler à ceux pour qui les OVNI sont tellement << impensables » que mieux vaut dénier d'avance toute valeur aux témoignages. Les faux O.V.N.I. «Il n'existe pas un phénomène soucoupe volante, mais un certain nombre d'observations... qui ne définissent nullement un phéno- mène commun, tant elles sont dis- parates, et souvent influencées par des lectures. Si les observations actuellement non expliquées se rapportaient vraiment à un phéno- mène ou à un fait unique, il y a longtemps qu'on l'aurait reconnu. J'en parle pour en avoir consulté énormément. On peut en tirer n'importe quoi, en particulier la preuve des soucoupes volantes quand on y croit d'avance. >> Paul Muller, Astronome (in Réponse à un questionnaire d'enquêtes sur les soucoupes vo- lantes, 1969). On a répertorié, de par le monde, plusieurs dizaines de milliers de témoi- gnages relatant des observations d'OVNI- vrais ou faux- et ce nombre s'accroît sans cesse. Parmi ces innom- brables témoignages, on en compte plus de 1500 où les objets allégués ont été vus et décrits, parfois avec de nom- breux détails, à très faible hauteur ou même posés au sol, par des témoins qui s'en trouvaient à quelques mètres ou quelques dizaines de mètres seulement (catalogues de Vallée, de Saunders, etc.). Il est impossible, dans un article comme celui-ci, de décrire ne serait-ce Nuage lancé par la fusée Tibère. (Photo prise à Muret.) que les plus marquants de ces cas. Cela a été fait ailleurs, dans des ouvra- ges favorables ou non à la réalité des objets, et cela continue d'être fait dans les Revues spécialisées qui signalent régulièrement les nouveaux cas qui se ésentent sans cesse. Nous renvoyons lecteur à ces ouvrages et à ces Re- vues. Plutôt donc que de sélectionner quelques observations, je tenterai une classification en analysant la connais- sance que peuvent avoir du dossier, à des degrés divers, les scientifiques qui s'y sont intéressés. Parmi ces scienti- fiques, l'astronome est l'un des plus sollicités, sans doute parce qu'il «étu- die le ciel ». Tout astronome un peu << en vue >> reçoit souvent des lettres ou des communications téléphoniques émanant de personnes qui «< croient » ou non aux OVNI, et qui parfois disent en avoir observé. L'immense majorité de ces personnes sont ignorantes des choses de la science, mais équilibrées et objectives. Le plus souvent, elles ont vu, haut dans le ciel, soit une météo- rite, soit un satellite artificiel, soit une capsule spatiale rentrant dans l'at- mosphère, soit un ballon-sonde, soit planète Vénus (qui brille beaucoup plus qu'une étoile), soit même un faisceau de phares éclairant les nuages. Dans des cas infiniment plus rares, elles peuvent avoir été témoin, à faible dis- tance, du phénomène de la foudre en boule. Elles décrivent correctement ces différents objets dans 95 % des cas environ (ce qui prouve incidemment la qualité de leurs témoignages), y ajou- tant des détails illusoires (hublots, etc.) dans les 5% de cas restants (sous l'influence probable de leurs lectures). Ce caractère illusoire des détails ajou- tés apparaît clairement lorsque c'est le même objet qui a été observé et dé- crit indépendammment, au même mo- ment, par de nombreux autres témoins plus objectifs (des trajectoires et des points de chute de météorites ont ainsi pu être déterminés à partir de nombreux témoignages indépendants, ce qui dé- montre le bien-fondé des certitudes basées sur de telles enquêtes, qui s'apparentent pourtant aux enquêtes judiciaires ou historiques, et que les astronomes réfutant les OVNI sont les premiers à mettre en pratique). Ainsi, les témoins ont baptisé OVNI des objets qui n'en étaient généralement pas (1), mais dans la majorité des cas, ils les ont correctement décrits. çoivent des lettres de fous ou d'illumi- nés: inventeurs de cosmogonies fan- taisistes, théoriciens de la propulsion des « soucoupes », schizophrènes con- tactés journellement par les Extra- Terrestres, et j'en passe. Certaines re- vues de « soucoupes volantes >>, sur- tout aux USA, donnent parfois la partie belle à ces « théoriciens » et à ces «< initiés ». L'astronome qui entre dans cet univers n'a guère envie, la plupart du temps, de continuer plus avant. Et il est tenté, bien naturellement, de reje- ter dans la même catégorie les innom- brables descriptions d'atterrissages de « soucoupes » et de petits « Martiens >>, qu'il découvre occasionnellement à la lecture de la presse à sensation et des revues spécialisées. Comme, par ail- leurs, il a eu connaissance des conclu- sions des enquêtes officielles améri- caines: 95 %, voire 98% des cas ex- pliqués par des confusions avec des objets ou des phénomènes connus les autres cas restant non identifiés faute, ou non, de données suffisantes, il est évidemment tenté de faire un rapprochement avec les résultats de sa propre expérience, qui donnent le même pourcentage. Si l'on ajoute à cela (1) Il y a des exceptions (« météorites»> lents décrivant qu'il n'a jamais, pour sa part, vu d'OVNI des trajectoires brisées, avec arrêts sur place, etc). On dans le ciel, on comprend aisément que trouve de telles observations, non seulement dans les revues modernes traitant des OVNI, mais aussi dans les sa conviction soit faite: il n'y a pas Outre ces rapports d'observation de prétendus OVNI, les astronomes re- - journeaux scientifiques du siècle dernier (à une époque d'OVNI, mais de nombreux phéno- mènes disparates et explicables. Telle où aucun aéronef ou satellite artificiel terrestre ne pouvait prêter à confusion avec un OVNI). 703 A B D est l'opinion la plus répandue chez les invention. Signaions enfin que cer- astronomes. Pour en terminer avec les faux OVNI, disons quelques mots des mystifica- tions. De l'avis de tous ceux qui ont étudié les dossiers, ces mystifications ne représentent qu'un pourcentage infime de tous les cas enregistrés. Mais leur répercussion n'en a pas moins été considérable. La légende des << petits hommes verts » relève d'une telle mys- tification (les personnages décrits par- fois à côté d'OVNI posés au sol ne sont en général jamais verts). Les récits d'Adamsky sont également de pure taines photos d'OVNI (que connaissent bien les ufologues sérieux) sont des trucages grossiers. Un commerce, d'ailleurs limité, a été fait de tels documents, surtout aux États-Unis. Les observations rapprochées d'OVNI Nous abordons ici une classe d'ob- servations bien différentes de celle des objets énumérés au début du paragra- phe précédent. En effet, il ne s'agit plus de descriptions se rapportant à des objets lointains, dont les dimensions angulaires sont en général trop petites pour révéler une structure visible à l'oeil nu, mais d'observations faites à distance modérée ou faible (estimée, souvent de façon précise, par référence à des repères terrestres devant lesquels I'OVNI s'interpose), et révélant, sel les témoins, des objets vus sous diamètre apparent notable (compara- ble à celui de la Lune), voire très grand (celui d'une voiture à quelques mètres). Un tel diamètre oblige à considérer Marques au sol à la suite du stationnement allégué d'un OVNI à Delphos, Ottawa-Contry (Texas). Date: 2 nov. 1971. Heure: 19 h. Deux groupes indépendants constitués chacun de trois témoins ont rapporté le stationnement au ras du sol, dans une clairière située près d'une ferme, d'un « objet » aveuglant en forme de vesse-de-loup. L'enquête a été menée le lendemain par le shérif Ralph Enlow, et un mois plus tard par un collaborateur du Pr. Hynek, le Dr Ted Phillips. Juste après le départ de l'«< objet », un anneau luminescent s'observait, de nuit, au sol, à l'endroit du stationnement allégué. Le lendemain, on constata (a) que le sol était devenu sec et « croustillant » à cet endroit, contenant une substance poudreuse blanche. A proximité immédiate de la zone, une forte branche d'arbre située sur le parcours allégué de l'« objet » prêt à atterrir, était brisée net (b). Le bois présente des brûlures et les rameaux sont devenus cassants comme du verre. La teneur en calcium de la terre de l'anneau est de 20 à 30 % supérieure à celle du sol aux alentours, et la végétation n'y pousse plus - fait confirmé indépendamment par des cultures en bacs dans de la terre prélevée sur l'anneau et en dehors (c). Pendant plusieurs jours, le chien évita l'anneau, et au moment du quasi-atterrissage allégué, les moutons de la ferme donnèrent des signes d'agitation. Tests de radioactivité négatifs. L'anneau clair est resté visible pendant plusieurs mois (d). Toute possibilité de mystification est définitivement exclue à la suite des enquêtes extrêmement serrées qui ont été menées. A noter que ce cas présente une analogie complète avec d'autres cas observés indépendamment en d'autres régions du monde : Argentine, Canada, Nouvelle-Zélande, France. Lors de l'atterrissage allégué de Valensole sur un champ de lavande (1er juillet 1965), la terre devint également «< croustillante >>, et les plants de lavande dépérirent inexplicablement, ce que l'auteur de cet article a constaté par lui-même ainsi que des dizaines d'enquêteurs; une analyse de la terre révéla également une augmentation significative de la teneur en calcium. (Photos Ralph Enlow, communiquées par Ted Phillips. Document L.D.L.N.) comme possiblement significatifs les structures et les détails rapportés par les témoins, quelles qu'en soient les expli- cations finales. Seule, l'étude con- jointe de très nombreux témoignages absolument indépendants est suscep- tible de révéler ou non des invariants, ou tout au moins des concordances, et donc de nous renseigner sur le carac- tère significatif ou non des structures et des détails allégués. - Une telle étude n'a jamais été entre- prise, à ma connaissance, par aucun des scientifiques récusant la réalité des OVNI, y compris ceux qui en très petit nombre ont pris, tel M. Muller, la peine de consulter des dossiers et n'en ont retenu qu'une énorme disparité de cas tous différents, et non un phé- nomène unique revêtant des aspects variés. La même remarque s'applique aux enquêtes officielles américaines, qui ont porté sur un nombre considéra- ble d'observations rapprochées d'OVNI : ces observations ont toujours été ana- lysées séparément je dirai plus loin comment, et avec quelles arrière-pen- sées, ce qui éclairera le lecteur sur le bien fondé des conclusions de ces en- quêtes. Le fait important à signaler dès à présent est le suivant: à l'inverse des observations lointaines de prétendus OVNI, qui s'expliquent le plus souvent par des confusions avec des objets con- nus et identifiables, les observations rapprochées soulèvent presque toutes un problème terriblement difficile à ré- soudre. Ce sont du reste de telles ob- servations qui sont à l'origine de la dé- nomination initiale de « soucoupe vo- lante »>, et surtout de sa pérennité, inex- plicable autrement. Les groupements << soucoupistes » privés les plus éclai- rés, qui ont appris à identifier les satelli- tes, les météorites et les ballons-sondes, ne publient pratiquement plus, à ce jour, que des observations non inter- prétables de cette façon, et ce sont pour la plupart des observations rapprochées. Certains témoins de ces observa- tions sont des pilotes ou des passagers d'avions en vol. On en cite de moins en moins, mais il y a une bonne raison à cela: les pilotes de lignes qui décla- rent avoir vu un OVNI sont soumis à un questionnaire extrêmement contrai- gnant, et on leur impose parfois de se faire examiner par un psychiatre. La plupart des témoins connus d'OVNI vus de près, sont des témoins au sol. En ce cas, les objets allégués sont dé- crits comme survolant le sol à faible hauteur, ou même s'y posant en y lais- sant fréquemment des traces qui subsis- tent quelque temps après leur départ, et que la gendarmerie constate et con- signe parfois dans ses rapports, photos à l'appui. Les survols à très faible alti- tude (au niveau des sommets des ar- bres ou des toits), et ceux-là seulement, ainsi que les atterrissages allégués, sont très fréquemment (mais pas toujours) associés à des effets secondaires: pannes d'allumage des véhicules pas- Sons émis par les OVNI. Contrairement à une idée qu'accréditent généralement les personnes hostiles à la réalité des OVNI, et qui n'ont des dossiers qu'une connaissance fragmentaire ou nulle, les OVNI ne sont pas toujours silencieux, tant s'en faut. En général, le silence n'est noté que pour les OVNI en vol, à distance notable des témoins. Les OVNI vus de près, en revanche, émettent fréquemment des sons variés, surtout au moment des atterrissages ou décollages allégués. Les dépouillements révèlent une grande similitude entre les statistiques établies à partir des cas rapportés en France (Document Claude POHER.) et dans les autres parties du monde. SUR 273 CAS MONDIAUX BRUITS DIVERS SIFFLEMENT OBJETS SILENCIEUX BOURDONNEMENT SUR 97 CAS FRANÇAIS OBJETS SILENCIEUX BRUITS DIVERS SIFFLEMENT BOURDONNEMENT sant à proximité (les véhicules Diesel font exception), brouillage des émis- sions de radio ou de télévision, alté- ration de la marche des montres pou- vant aller jusqu'à l'arrêt de ces dernières (vraisemblablement par aimantation des spiraux, de balanciers, ce qui a été constaté parfois par des horlogers), effets sur les animaux et les témoins. Les objets allégués vus de près sont rarement silencieux (bourdonnements, sifflements, etc.), ils dégagent parfois une odeur forte. La forme alléguée n'est celle d'une assiette creuse renversée (soucoupe) ou d'un cachet pharma- 705 NOMBRE D'ATTERRISSAGES 18 18 12 MINUIT 24 6 6 362 CAS DE « MAGONIA » AVANT 1962 375 CAS DE « MAGONIA », 1963-1970 OBSERVATIONS IBERIQUES - Nombre des atterrissages allégués d'OVNI en fonction de l'heure locale. Un maximum prononcé s'observe dans toutes les parties du monde aux alentours de 20-21 heures, et un minimum secondaire vers 2 h du matin. Compte tenu du sommeil nocturne de la plupart des humains, est probable que les courbes devraient subir une dilatation dans la zone 22 h - 6 h. 706 12 D'après le premier catalogue de Vallée (jusqu'en 1965). D'après un catalogue plus récent de Vallée (« Magonia», jusqu'en 1970) et d'après les récentes observations ibériques. (Document «Lumières dans la Nuit »>, 43-Le Chambon-sur-Lignon.) ceutique que dans moins de 30 % des cas: des formes cylindriques, fuselées, coniques et surtout ovoïdes, sont éga- lement signalées, dans toutes les par- ties du monde. La dimension de ces différents objets excède rarement quel- ques mètres, ainsi que celle des traces qui subsistent éventuellement au sol après leur départ. De jour, les objets allégués apparaissent le plus souvent brillants comme du métal, et semblent réfléchir la lumière solaire. Ce que les té- moins appellent, par analogie avec nos aéronefs, des hublots ou des portes, n'est signalé que dans une assez faible proportion des cas; bien souvent, au- cune << ouverture »> n'est visible. De nuit, les engins allégués brillent en général par eux-mêmes, comme si leur surface était incandescente; mais cette lumière peut s'éteindre brusquement, pour se rallumer en devenant éblouissante au moment du démarrage; des zones mul- ticolores, qui semblent « palpiter >>, sont parfois signalées, ainsi que des lumières, clignotantes ou non, situées à la péri- phérie ou au sommet des engins, et qui évoquent des feux de position. A de nombreuses reprises, les témoins ont rapporté que des faisceaux lumineux aveuglants avaient été braqués sur eux; ces faisceaux peuvent également éclairer le paysage environnant. Il en est des OVNI allégués comme des véhicules terrestres à moteur, ou comme des étoiles: aucun n'est tout à fait identique à l'autre, mais cela ne constitue nullement une présomption de non-existence, car les statistiques faites à partir des innombrables descrip- tions disponibles permettent une clas- sification, chaque objet allégué ren- trant dans une catégorie bien définie (A. Michel, J. Vallée, etc.). Il est fréquent que des entités, pres- que toujours bipèdes, souvent petites (mais presque jamais vertes), soient décrites comme s'affairant autour des engins allégués lorsque ceux-ci sta- tionnent au sol ou à quelques mètres du sol. Ici encore, une classification des différents types d'« humanoïdes >>> a pu être faite. Contrairement à ce que représentent les dessins humoristiques, il est extrêmement rare qu'une échelle permettant d'accéder aux engins ou d'en descendre ait été signalée. En revanche, un grand nombre de descrip- tions s'accordent sur l'existence de béquilles portant sur le sol au moment des atterrissages; certaines traces ob- servées après coup pourraient corres- pondre aux points d'appui de ces bé- quilles. Lorsqu'ils sont en vol, les engins allé- gués peuvent être animés d'un mouve- ment régulier et continu, lent ou rapide. De nombreux témoins rapportent que leurs véhicules ont été suivis ou escor- tés à hauteur d'arbre ou d'homme, sur des kilomètres, en rase campagne, par des OVNI, avec interruption temporaire de la poursuite au moment de la traver- sée des bourgs ou des villages. De nombreux aviateurs prétendent égale- ment avoir été témoins de l'évolution d'OVNI rapprochés autour de leurs appareils. Les manoeuvres avec accé- lérations et décélérations quasi ins- tantanées, voire disparition apparente sur place, constituent une caractéris- tique essentielle des OVNI, en contra- diction avec les lois de l'inertie s'ap- pliquant à des engins matériels tels que nous les concevons. La descente verti- cale des objets s'accompagne souvent d'oscillations évoquant la chute d'une feuille morte. Tous les détails que je viens de citer sont ceux dont n'importe qui peut pren- dre connaissance en feuilletant les rap- ports publiés par la grande presse, lorsqu'elle en fait état (ce qui est de plus en plus rarement le cas en France). Ce sont donc des détails connus, ou pouvant être connus du public - qui les ignore souvent, en fait... Mais enfin, reconnaissons qu'en 1972, n'importe qui pourrait, en relisant les quotidiens, fabriquer un assez << bon >> rapport jour- nalistique d'observation d'OVNI vu de près. Cela dit, la situation n'était pas la même il y a une vingtaine d'années, lorsque les chercheurs qui collec- taient les premiers rapports et cela est vrai a fortiori des témoins eux-mê- se trouvaient encore dans l'incapacité de dégager, comme je viens de le faire, les structures géné- rales du phénomène. Car il semble bien, en première analyse, qu'on puisse par- mes - l'objet se déplaçant de la droite vers la gauche (de l'ouest vers l'est). Un intervalle de temps d'approximativement 8 s sépare chaque vue. Silence total, aucun balancement, aucune sinuosité de trajectoire. L'objet a été ensuite observé à la jumelle et a disparu comme « sur place », ce qui a fait douter le témoin d'avoir observé un engin matériel assimilable à un astronef tel qu'on l'imagine communément. Cependant, les contours de l'objet sont parfaitement nets sur les négatifs, et l'on observe clairement un liseré lumineux sur la tranche supérieure du disque, comme en produirait la réflexion des rayons solaires par une surface métallique. Les agrandissements à grande échelle révèlent une tache noire excentrée sous l'objet, qui semble avoir échappé à l'auteur des photographies au moment des prises de vues. Si l'on tient compte du fait que la trajectoire horizontale décrite faisait s'abaisser l'objet vers l'horizon à mesure qu'il s'éloignait, on voit que la tache excentrée reste orientée, sur toutes les vues, à l'opposé du sens du mouvement, s'inclinant progressivement vers le haut, tandis que par l'effet de la perspective, le grand-axe de l'ellipse demeure à peu près horizontal. Ce fait exclut pratiquement toute possibilité de trucage et me fait considérer cette exceptionnelle série d'images comme parfaitement authentique. Aucun aéronef connu ne ressemble à l'objet photographié, qui correspond tout à fait, en revanche, à d'innombrables descriptions de « soucoupes volantes >>> faites par des témoins ne se connaissant pas. Il convient de noter également qu'à la date de l'observation, la prétendue << psychose des soucoupes » n'avait pas encore atteint la France. L'auteur des photographies était, à l'époque, ingénieur, et ne s'était jamais préoccupé de la question des OVNI. Ajoutons que l'apparente disparition « sur place >>> de nombreux OVNI a été signalée depuis lors par de nombreux observateurs dans toutes les parties du monde. connaissent tout le monde à la campa- gne, sont généralement unanimes à dire que ce sont des gens qui avaient vécu jusque-là «< sans histoire >> Au mo- ment de leur observation, et parfois dans les jours qui la suivent, les témoins d'OVNI très rapprochés sont parfois su- jets à divers effets physiologiques (2). Certains de ces effets sont maintenant classiques, on les retrouve à travers des dizaines de descriptions totalement in- dépendantes et jamais publiées dans la grande presse, émanant de tous les pays du monde, et à toutes les époques. 2º Dans la masse des faits d'obser- vation allégués, concernant aussi bien les objets que les entités humanoïdes éventuellement décrites à côté d'eux lors des atterrissages, on retrouve bien les détails généraux énumérés plus haut, mais une analyse approfondie du phénomène, portant sur plusieurs dé- cennies, révèle les faits suivants: 1° L'apparence générale des objets allé- gués, le comportement et l'accoutre- ment de leurs occupants semblent fonction du contexte culturel et techno- (2) C'est à dessein que je m'abstiens de donner des précisions sur les effets physiologiques, et les détails « étranges ». Moins ces détails seront connus du public, et mieux cela vaudra pour la recherche ufolo- gique. La comparaison entre les témoignages, répétons- le, n'a de sens que si ces témoignages sont indépendants et non influencés par des lectures. 709 logique humain à l'époque où les ob- servations sont faites (J. Vallée); il s'agit là d'attributs secondaires, dont le caractère «< caméléon »> ne manquera pas, à juste titre, d'être attribué à des causes psychologiques: mais s'agit-il de la psychologie de témoins qui croient voir des OVNI, ou de celle d'Intelli- gences non humaines qui créent les OVNI? 2° D'autres détails, en revanche, dont beaucoup ne sont pas connus à l'avance par les témoins (car ils ne sont guère rapportés que dans les revues spécialisées), sont permanents et carac- térisent véritablement le phénomène. Une telle permanence ne s'observerait pas si ces détails étaient inventés ou résultaient d'interprétations erronées. La plupart d'entre eux sont sans signi- fication aux yeux de l'ingénieur ou du scientifique, ils définissent alors le degré d'« étrangeté » du phénomène, comme l'a écrit Hynek (3). Leur nombre est d'autant plus élevé que les objets ont été vus sous un plus grand diamètre apparent, c'est-à-dire qu'ils ont été mieux observés. (Cette loi n'est pas vérifiée lorsqu'il s'agit de mystifica- tions, comme celles d'Adamsky.) 3° Les marques laissées éventuelle- ment au sol par les objets allégués ont le mérite de pouvoir être mesurées, photographiées et étudiées après coup lorsqu'on a la chance d'arriver assez tôt sur les lieux. Elles dépendent pour une part de la nature du terrain et de la végétation, mais révèlent aussi, d'un cas à l'autre, des différences intrinsè- ques. Toutefois, on peut les classer en quelques groupes bien définis, à l'in- térieur desquels s'observent des simi- litudes précises, les mêmes détails étant rapportés dans tous les pays. J'ai vu personnellement des cas où rien d'ac- tuellement connu, et surtout pas les outils agricoles dont disposait le té- moin, ne pouvait les avoir faites. Comme d'innombrables enquêteurs, j'ai constaté aussi que la croissance de la végétation peut être affectée loca- lement pendant des semaines et des mois à l'endroit d'un atterrissage allé- gué. 4° Il n'existe, à ma connaissance, aucune photographie authentique d'OVNI vu de très près et posé au sol. Il existe en revanche un nombre non négligeable de photographies d'OVNI en vol à moyenne altitude, montrant clairement la forme et les structures de I'« objet »>, prises par des témoins qui disposaient d'un appareil chargé et qui ont eu tout le temps de déclencher l'obturateur, parfois à plusieurs repri- ses. J'ai eu en main dejà plusieurs né- gatifs ou diapositives à expertiser. Il s'agit, dans de nombreux cas, d'artefacts (taches de développement, etc.), mais dans d'autres cas, l'examen du film ne laisse aucun doute sur la réalité phy- sique de l'«< objet »> photographié. Le problème se pose alors de savoir s'il s'agit d'un trucage (disque lancé en (3) Voir note page 709. 710 l'air, etc.). Dans deux cas au moins, j'ai pu acquérir la certitude qu'il n'en était rien, par l'examen des contours de l'image et l'observation des effets de la perspective sur certains détails de l'«< objet >>. La commission Condon a examiné de son côté plusieurs négatifs. Dans un cas (n° 48) elle a pu conclure, à tort je crois, à un trucage. En effet, les ombres sur le dôme de l'« objet » photo- graphié sont à l'opposé de ce que don- nerait l'éclairement par le soleil. Mais cet argument, contrairement aux appa- rences, n'est pas décisif. En effet, trois photographies prises, à la suite, d'un autre « objet », en Roumanie, et qui ont été publiées récemment, montrent à l'évidence que, sur le dôme de cet << objet » les zones d'ombre et de lu- mière ne sont nullement dues à l'éclai- rement par le soleil et qu'elles corres- pondent à une émission propre de l'« objet »>, car elles s'inversent d'une vue à l'autre, selon le mouvement tel qu'il a été observé par les témoins au moment de la prise des photos; l'exa- men des négatifs ne laisse ici aucun doute sur une telle inversion, qui ne peut résulter d'un trucage de laboratoire. (Que les OVNI puissent briller d'une lumière propre en plein jour n'est d'ail- leurs pas étonnant, si l'on se souvient qu'ils sont presque toujours décrits com- me intrinsèquement lumineux la nuit.) Un autre cas (n° 46) a fait l'objet d'une étude approfondie de la Commission Condon: il s'agit des photos de Mac Minnville (Oregon, 1950), qui mon- trent un même << objet » - une classique << soucoupe >>, avec une structure et des détails sous deux angles et à des éloignements différents. Les négatifs ont résisté à tous les tests faits en vue de mettre en évidence une supercherie: étude densitométrique de la luminance de l'«< objet » avec la distance, sous l'ef- fet du voile atmosphérique, etc. Finale- ment, l'enquêteur a dû se résoudre à publier la conclusion suivante: «This is one of the few UFO reports in which all factors investigated, geometric, psychological, and physical appear to be consistent with the assertion that an extraordinary flying object. silvery, metallic, disk-shaped, ten of meters in diameter, and evidently arti- ficial (c'est moi qui souligne), flew within sight of two witnesses >>. Les interprétations Le Dr Donald Menzel, astrophysi- cien célèbre, s'est fait une spécialité, en analysant séparément de nombreux cas (préalablement sélectionnés) d'ob- servations d'OVNI en vol, et en disso- ciant arbitrairement les uns des autres les différents détails notés ensemble dans chaque observation, d'expliquer l'un après l'autre ces détails par des confusions avec des phénomènes ou des objets connus. Cette méthode, disons-le tout de suite, a été systéma- tiquement reprise par les enquêteurs militaires de l'Air Force, et souvent adoptée aussi par les chercheurs du Comité Condon. Indépendamment du fait que ce type d'analyse est pour le moins sophistiqué, et qu'il coupe à la base toutes les informations fournies par une confrontation des témoignages entre eux, au point qu'aucun OVNI ou presque n'y résiste (mais c'est préci- sément là, sans doute, sa raison d'être), il faut remarquer qu'on n'a le droit de l'utiliser que si une preuve (et pas seulement une vague possibilité) est apportée de l'existence effective, au moment de l'observation, des phé- nomènes ou des objets naturels invo- qués pour justifier les confusions: ha- los atmosphériques, mirages, avions, météorites, etc. Il est bien évident, en effet, que de tels phénomènes ou objets doivent intervenir simultanément dans le champ de vision du témoin pour arriver à produire l'apparence (?) d'un objet artificiel solide en forme de disque ou de cylindre, montrant des détails et évoluant à la façon d'une feuille morte, etc. J'ai infiniment de respect pour l'astrophysicien Menzel, mais en matière de phénomènes atmosphéri- ques, je préfère c'est normal référer à un spécialiste de la physique de l'atmosphère. Dans une publication maintenant classique, McDonald a pu prouver scientifiquement, en recher- chant quelles étaient les conditions météorologiques réelles lors de cer- taines des observations les plus typi- ques d'OVNI analysées par l'Air Force et par Menzel, que les phénomènes naturels invoqués pour expliquer ces observations étaient totalement absents, et de toute façon quantitativement exclus (4). - me De toute façon, il ne viendrait à per- sonne de sensé l'idée d'expliquer par un halo atmosphérique ou un mirage une observation d'OVNI au sol, posé sur des béquilles à quelques mètres de dis- tance des témoins. La même remarque s'applique aux prétendus disques de plasma atmosphérique qu'un ingénieur- journaliste américain. Ph. Klass, a ima- giné pour les besoins de la cause. Tout cet ensemble de faisceaux con- cordants (et de nombreux autres, qu'il serait trop long d'exposer ici), ne cons- titue pas, et ne saurait constituer, par nature, une preuve scientifique de l'existence des OVNI. Mais j'estime qu'il n'est pas loin de constituer, si ce n'est déjà fait, une véritable preuve «judiciaire » ou «< historique ». Il y a bel et bien un phénomène OVNI, qui pos- sède ses caractéristiques propres, en dépit d'une certaine variété des «objets » trouve p. 61 de son livre: «The world of Flying Saucers ». et des humanoïdes décrits. Il reste à passer en revue les tentatives faites pour en rendre compte. (4) L'une des plus belles « perles » que l'on doive à Menzel, et qui fera sourire tous ses collègues astronomes (même les plus « antisoucoupistes »), est celle que l'on Menzel y invoque la possibilité, pour une étoile, d'appa- raître à l'oeil nu comme un disque atteignant plus du tiers du diamètre apparent de la Lune, sous l'effet des réfractions dues à une inversion de température atmos- phérique. سه SUR 66 CAS MONDIAUX (SOIT 8% DES 823 CAS D'OVNI ETUDIES) REGION DESER- TIQUE REGION ISOLEE (PAS D'HABITATION) SUR 20 CAS FRANÇAIS (SOIT 9% DES 220 CAS D'OVNI ETUDIES) PRES D'UNE ZONE URBAINE PRES D'HABITATIONS ISOLEES PRES D'UNE ZONE URBAINE REGION ISOLEE SANS HABITATIONS PRES D'HABITATIONS ISOLEES Répartition des atterrissages allégués d'OVNI en fonction de la densité locale de la population. Toutes les statistiques concordent, dans le monde entier, pour révéler que les atterrissages allégués d'OVNI se font préférentiellement dans les régions rurales à faible densité de population, ou dans les régions désertiques. La prétendue « psychose » des soucoupes vues de près se propage donc dans les zones où les témoins se trouvent les plus isolés, ce qui va à l'encontre de la thèse des hallucinations dites « collectives >>. (Documents Claude Poher et Jacques Vallée.) (Précisons ici qu'il ne s'agirait pas de la foudre en boule, mais d'hypothé- tiques disques de grande dimension apparaissant même par beau temps). On a donc cherché à invoquer, non plus des interprétations physiques, mais des explications psychologiques: c'est le « syndrome » des soucoupes volantes, responsable de la cohérence des des- criptions, dont l'origine tient à la pro- pagation des «hallucinations collec- tives ». Les personnes qui se sont donné le mal d'interroger les témoins souri- ront, et bien des gendarmes aussi. Qu'importe: cette « explication » doit être examinée comme les autres. Du point de vue psychiatrique, elle postule l'existence d'un phénomène tout à fait nouveau, qui a été inventé ici pour les Les points d'atterrissages allégués en France lors de la vague de 1954. (Les lignes en gras délimitent les zones où la densité de population excède 60 habitants au km/carré.) (Document Jacques Vallée.) Répartition des atterrissages allégués dans le monde (66 cas) et en France (20 cas), selon le degré de peuplement. (Ces statistiques sont extraites d'un catalogue qui est extrêmement loin de fournir une documentation exhaustive, puisque plus de 1500 cas d'atterrissages mondiaux allégués sont maintenant répertoriés depuis un siècle. La loi de répartition se confirme d'autant mieux que le nombre de cas examinés est plus grand.) (Document Claude Poher.) à cela que les hallucinations qu'étu- dient les psychiatres n'ont jamais laissé de marques au sol, ni aimanté les montres et calé les moteurs à bougies, ni brouillé les émissions radio, ni enfin impressionné les couches photogra- phiques. Des hallucinations qui crée- raient de tels effets physiques ne se- raient pas, à coup sûr, des hallucina- besoins de la cause: celui de l'appari- tion en série de visions hallucinatoires détaillées et précises, objectivement ressenties à l'état d'éveil par les témoins comme traduisant la réalité extérieure, et affectant l'une après l'autre, dans le monde entier, des milliers de person- nes de tous milieux et de toutes con- fessions dont il est absolument certain que l'immense majorité d'entre elles ne sont aucunement psychosées (5). D'au- Unis, a invoqué dans la revue « Science » (6 nov. 1970), tre part, toutes les statistiques faites dans le monde montrent à l'évidence que la densité des témoignages d'atter- rissages d'OVNI est fonction inverse de la densité locale de la population, et l'on devrait apparemment constater le contraire dans le cas d'une psychose dite «< collective ». Enfin, on doit ajouter (5) A défaut de psychose, le Dr Warren, aux Etats- une propension des personnes ayant un statut social « incohérent », à voir des UFOs plus que les autres. (Par statut social « incohérent », il faut entendre un statut qui, par discordance dans un sens ou dans l'autre, entre le << standing »> social et le niveau culturel, crée une insa- tisfaction psychologique de « marginalité »). Si les statistiques du Dr Warren sont correctes (ce qui est controversé), elles prouvent seulement que la « margi- nalité » entraîne le sujet qui a vu un UFO à le proclamer contre l'opinion générale bien pensante de la société. Au contraire, un sujet non « marginal » qui a vu un UFO hésitera beaucoup à le dire, par respect du conformisme. 711 tions psychotiques classiques, et elles témoigneraient d'un tel pouvoir de l'esprit humain sur la matière, que l'on ne voit pas du tout, à la limite, pour- quoi elles ne seraient pas capables aussi bien de créer physiquement les OVNI eux-mêmes! Il semble donc difficile, en tout état de cause, d'échapper à l'idée que les OVNI existent réellement. Cela dit, que sont-ils ? Ma réponse sera que je l'ignore. Ils ne sont pas ce qu'en disent les tenants des explications naturelles et psycho- logiques classiques. Ils ne sont pas non plus des engins militaires secrets fa- briqués de main d'homme: par certains aspects de leur comportement, les OVNI sont les mêmes, depuis des dé- cennies, au-dessus de tous les pays, et ces aspects semblent défier tout ce que notre science et notre technologie per- ettent d'imaginer. Tout ce qu'on peut aire est que les OVNI apparaissent, lorsqu'on les voit de près, comme des << engins >> structurés, et qu'ils semblent guidés par une Intelligence. Sont-ils des « astronefs >> venant des «< étoiles » ? C'est, en l'état actuel de nos préoccu- pations, l'explication la plus immédiate. Mais pourquoi serait-ce la seule ? Les consignes militaires américaines en vue de la réfutation des UFOs A plusieurs reprises, j'ai fait allusion dans cet article aux enquêtes de l'US Air Force et du Comité Condon. L'im- à l'issue de ces enquêtes, sur le grand pact des communiqués officiels publiés public et les scientifiques de tous les pays, a été considérable. C'est pourquoi je terminerai par la production de quelques documents officiels améri- cains qui devraient suffire à éclairer complètement le lecteur sur l'objec- tivité de ces conclusions. La vague d'OVNI la plus ancienne que l'on connaisse avec certitude re- monte à la fin du siècle dernier, aux États-Unis. Elle ne fut découverte qu'en 1966, grâce à la collecte des informa- tions publiées dans les petits journaux locaux américains au cours de l'année 1897. On y retrouve certaines carac- téristiques essentielles des témoignages actuels, assorties de détails en rapport avec le contexte culturel et technique de l'époque. Cependant, les premiers rap- ports d'observation d'OVNI, par des mi- litaires, datent du début de la seconde guerre mondiale, et le Rapport Condon lui-même nous apprend que, dès ce mo- ment-là, les services de renseignement ont cherché à connaître la nature et l'origine des objets allégués, ne serait-ce que dans la crainte qu'ils soient des engins lancés par l'adversaire. Mais ce fut seulement lorsque les premiers témoignages civils eurent sérieusement commencé d'inquiéter l'opinion pu- blique, après la guerre, que le gouver- nement américain se résolut à créer 712 la première « Commission Soucoupe >>, qui fut mise sur pied en 1947, six mois après que Kenneth Arnold eut, pour la première fois, baptisé du nom de «< soucoupe volante » les disques qu'il disait avoir vus voler en formation à plus de 2000 km/h au-dessus du Mont Rainier. (Un an plus tôt, une vague d'OVNI semblables à ceux que les témoins rapportent de nos jours avait été signalée au-dessus des pays scan- dinaves et de la Baltique.) Au cours des années suivantes, sous la pression de l'opinion publique, l'Air Force an- nonça qu'elle allait procéder à une étude approfondie du problème. Elle réunit, à cet effet, en janvier 1953, un jury de scientifiques présidé par le Dr Robertson, physicien du Caltech. Telle fut du moins la version donnée au public. Après avoir examiné le dossier, les membres du jury publièrent un com- muniqué disant qu'aucune preuve n'existait d'engins artificiels, et recom- mandant d'éduquer le public en lui expliquant la nature des phénomènes et des objets naturels qui sont confon- dus avec des UFOs. De là, date l'opi- nion généralement répandue que les enquêtes américaines ont tranché défi- nitivement la question. Chaque année, par la suite, la Commission de l'Air Force pour les UFOs a publié les com- muniqués officiels négatifs que l'on sait, à l'usage du public. C'est seulement en 1966 que fut dé- couvert et révélé, par McDonald, le compte rendu officiel des séances du jury Robertson. Ce jury avait été con- et comprenait, outre les scientifiques voqué par les services de renseignement cités (dont l'un au moins, le Dr Robert- son, avait appartenu à ces services pendant la guerre), quatre personna- lités importantes de la CIA. Les mobiles de cette convocation étaient les sui- vants : « Il semble urgent de réduire le << bruit de fond » susceptible de cou- vrir les informations acheminées par la voie des services de renseignement ». Le jury n'examina que huit cas présen- tés sous une forme détaillée! Quant au verdict livré à la presse, il ne constituait que la couverture d'une recommanda- tion secrète de la CIA exigeant << une dépréciation (debunking) systémati- que des soucoupes volantes » en vue de « réduire l'intérêt du public envers les soucoupes ». Simultanément, des ordonnances étaient promulguées afin que la Commission d'enquête de l'Air Force n'ait connaissance des rapports d'observation que dans la mesure où ceux-ci avaient déjà pu être examinés par les services de renseignement de l'Air Defense Command, qui se réser- vait le droit de ne communiquer que ceux pouvant être expliqués par des confusions avec des objets ou des phénomènes naturels! Autrement dit, les cas soumis à la dite Commission d'enquête ont presque toujours été des cas sélectionnés préalablement. Qui s'étonnera encore, dans ces conditions, 《 que 95% ou 98% de ces cas, en moyenne, aient reçu une « explication naturelle »? Ce qui peut sembler éton- nant, c'est qu'il soit quand même resté un résidu non expliqué, mais on com- prend aisément qu'une partie de ce résidu ait résisté aux analyses << faute de détails fournis suffisamment nom- breux ». Quand à l'autre partie, elle fut bel et bien classée comme « unidenti- fied >> en dépit des détails fournis (6), car il s'agissait de rapports dont la presse avait eu connaissance, et qu'il était impossible de garder secrets. J'avoue ignorer complètement les mo- tivations profondes qui sont à l'origine de cette volonté délibérée de dépré- ciation des UFOs dans l'esprit du public par les services de renseignements américains. Un tel comportement serait assurément explicable si ces services ne faisaient pas grand cas de la réalité des UFOs, or il semble qu'il n'en soit rien, si l'on en juge par leur empresse- ment à soumettre les témoins-sur- tout ceux d'atterrissages à de longs interrogatoires parfois assortis de me- naces en vue d'obtenir que les faits rapportés ne soient pas divulgués. - On aurait pu penser que la situation allait enfin changer lorsque fut mis sur pied le Comité Condon, puisqu'offi- ciellement, l'Air Force se déssaisissait des dossiers pour les confier à des scientifiques. Or, voici un extrait du mémorandum établi par le Dr Robert Low (qui devait par la suite devenir l'Administrateur du Comité) au moment des négociations avec l'Air Force (c'est l'avaient découvert par hasard): << Notre la divulgation de ce texte qui entraîna la révocation des deux universitaires qui étude serait conduite presque exclu- sivement par des sceptiques qui, bien que ne pouvant peut-être pas démon- trer un résultat négatif, pourraient pro- duire... un ensemble de preuves établis- sant de façon frappante qu'il n'existe aucune réalité dans les observations. trick) consisterait, je pense, à décrire le La ruse (ou l'astuce en anglais: the Projet de telle façon qu'aux yeux du public, il semblerait être une étude par- faitement objective, et qu'aux yeux de l'ensemble des scientifiques il offrirait l'image d'un groupe de sceptiques s'efforçant d'être objectifs mais n'ayant pratiquement aucun espoir de mettre la main sur une soucoupe. Un moyen d'arriver à ce résultat consisterait à faire porter les recherches, non sur les phénomènes physiques, mais plutôt sur les témoins - la psychologie et la sociologie des personnes et des grou- pes qui font les observations... J'ai l'impression (qu'en agissant ainsi) nous pourrons emporter l'affaire à notre profit ». Il était dans la logique des choses que ces propositions soient suivies d'effet, puisqu'elles allaient dans le sens des recommandations de « debunking >> dic- (6) Beaucoup de scientifiques croient par erreur que les cas classés « unidentified » l'ont toujours été par manque de données, ce qui est absolument faux. tées par la CIA. Le Comité Condon fut donc mis sur pied et travailla. Sur quels documents? Ceux que l'Air Force lui céda, bien entendu... Pour plus de sûreté, et faute de confiance, sans doute, dans le « scepticisme » des membres du Comité, certains de ces documents furent soumis à une cen- sure préalable, et édulcorés. En voici un exemple. Il s'agit du cas n° 9, page 274 de l'édition de poche du Rapport final. Ce cas est ainsi décrit dans le Rapport: deux gardes (d'une base non précisée) signalent, en 1966, durant l'été, un objet brillant en forme de soucoupe descendant vers eux puis s'éloignant. Le radar confirme l'objet, mais un avion d'interception se révèle incapable de le localiser. Une patrouille envoyée sur place rapporte la présence de lumières blanches inexpliquées à l'horizon. Ces lumières peuvent être attribuées à un avion, l'objet du début de l'observation étant l'étoile Capella (dont on voit mal comment elle aurait pu s'abaisser et s'élever, mais passons...). Il se trouve que, bien avant la création du Comité Condon, j'ai pu avoir en ma possession, pendant quelques minutes seulement, et par un canal que je n'ai pas à préciser, la version originale de ce rapport. C'était un très long document de plusieurs pages, tapé sur télex, et comportant d'innombrables indications codées incompréhensibles pour moi. Il se terminait par la mention: « Re- transmitted to CIA». Voici un résumé des faits, tels qu'ils étaient rapportés dans le document en question: la base est celle de Minot (North Dakota); c'est une base de missiles interconti- nentaux; l'affaire se déroula au cours des trois journées du 19, 24 et 25 août 1966; à plusieurs reprises, un ob- jet (et même deux, à un moment donné) fut détecté par le radar de la base et ceux des bases voisines, qui suivirent sa descente, et fut observé visuellement par de très nombreux témoins, sous le plafond des nuages, pendant plusieurs heures d'affilée; cet objet s'abaissa une fois jusqu'au ras du sol (à 3 mètres) et y stationna une minute, à proximité im- médiate d'un témoin (un officier de renseignement) qui le décrivit comme circulaire et d'apparence métallique. Une patrouille fut alors lancée vers lui, mais le moteur du camion tomba en panne d'allumage lorsqu'il arriva en vue de l'objet; ce dernier s'éleva alors rapi- dement et disparut dans un nuage; pendant toute la durée de son station- nement au ras du sol, toutes les com- munications radio de la base furent brouillées par des interférences inex- plicables; le témoin le plus rapproché fut malade dans les jours qui suivirent. La comparaison entre ce rapport et celui sur lequel travaillèrent les enquê- teurs du Comité Condon est instructive. Photographie de l'aire de stationnement allégué d'un OVNI aux Nourradons (Var). Date: 29 mars 1971. Heure non précisée (le soir). Un grand disque rougeâtre évolue à 150 m de deux jeunes gens de Draguignan, il décrit des zig-zags et se stabilise à 10 mètres au-dessus du sol. Deux minutes plus tard, les témoins le voient osciller puis foncer à l'horizontale en direction de Flayosc. L'enquête faite peu après révèle que l'herbe (du genre graminée, très drue) est dépigmentée et couchée, comme écrasée, sur la circonférence d'un cercle parfait de 5,60 m de diamètre situé à la verticale du point de stationnement allégué du disque. Aucune trace de brûlures, radioactivité nulle. Des marques semblables (herbe couchée sur un cercle) associées à des stationnements ou atterrissages allégués d'OVNI, ont été observées et photographiées à d'innombrables reprises dans le monde entier depuis deux décennies. (Document L.D.L.N.) 713 On voit de quelle façon les détails essentiels de l'observation - je devrais dire des observations ont été édulcorés ou supprimés, de façon qu'un avion et l'étoile Capella puissent ren- dre compte (?) des faits. Sans doute l'intégrité scientifique du Dr Condon et de la plupart de ses collaborateurs ne doit-elle pas être mise en cause. Mais ne sont des scientifiques, précisément, et le problème qui leur a été soumis ne peut être traitée, dans certains de ses aspects, que sous l'angle de la recher- che « judiciaire » ou historique. D'autre part, ils ont abordé ce problème avec l'idée préconçue évidente qu'il n'existe << aucune réalité » dans les observations d'OVNI, et le fait qu'ils aient travaillé sur des documents préalablement sélec- tionnés, voire expurgés, ne les a pas aidés à se départir de cette idées. La règle du jeu de toute recherche im- partiale fut donc faussée dès le départ, et je n'ai même pas besoin de dire que cela fut voulu: le Dr Robert Low l'a écrit à ma place. Conclusion Les arguments que nous avons four- nis en faveur de la réalité des OVNI convaincront difficilement ceux qui scientifiques ou non- ont des raisons inconscientes, sans doute d'ordre émo- tionnel, de craindre une possible remise en cause du postulat humaniste au cas où il s'avérerait que les OVNI nous confrontent avec la venue sur Terre d'Intelligences non humaines qui trans- cendent la nôtre. Une telle remise en cause trouve en face d'elle le scepti- cisme irraisonné de l'homme de la rue, tout comme les rationalisations de certains scientifiques qui vont conti- nuer, envers et contre tout, de faire état de graves distorsions faites << cer- tainement » à la réalité par les témoins d'OVNI vus de près. Ce refus des con- clusions « judiciaires >> tirées des témoi- gnages ne relève-t-il pas d'une résis- tance psychologique au principe de réalité. au même titre que le refus oppo- sé par les tenants de l'astrologie au résultat des contre-épreuves établissant la fausseté des horoscopes? Ne s'agit-il pas, dans les deux cas, d'un besoin in- conscient de sécurisation les uns satisfaisant ce besoin en rejettant né- vrotiquement ce qu'ils craignent, et les autres en cherchant à s'attirer, par un réflexe infantile, la bienveillance du Destin? Ceux qui n'éprouvent pas, d'une fa- çon contraignante, ce besoin de sécu- risation, chercheront à aller plus loin dans l'étude du phénomène. Ils œu- vreront d'abord pour que les témoins osent parler sans crainte d'être ridicu- lisés. Ils chercheront ensuite à dépasser le stade de la recherche « judiciaire >> pour entrer dans celui de l'observation scientifique, au moyen d'enregistreurs impersonnels (caméras, spectrographes, magnétomètres, etc), disposés en des lieux où la fréquence des OVNI semble plus élevée qu'ailleurs. Le succès d'une telle entreprise n'est d'ailleurs pas assuré, même si les OVNI existent réellement: car, s'ils sont sous la dé- pendance d'Intelligences, il est conce- vable que celles-ci soient capables de déjouer nos tentatives d'identification. A tout le moins est-il déjà possible de mettre scientifiquement en évidence les modifications physico-chimiques af- fectant parfois le sol à l'endroit des atterrissages allégués, ainsi que les effets produits sur la végétation. De telles recherches ont déjà commencé, et elles ne nécessitent pas de gros moyens. semble, toutefois, ne pourra être véri- Le problème des OVNI dans son en- tablement appréhendé que si notre science devient un jour à même de proposer des modèles physiques ren- dant compte des phénomènes obser- vés. Nous ne pouvons pas savoir si elle y arrivera jamais, et de toute façon nous sommes encore très loin de ce stade. P. GUÉRIN Maître de Recherches au C.N.R.S. BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE Ouvrages généraux traitant de la question: MENZEL, D.H. Flying Saucers. Cam- bridge, Mass.: Harvard University Press, 1954. MENZEL, D.H. and BOYD, L. The World of Flying Saucers. New York: Dou- bleday & Co., 1963. VALLEE, J. and VALLEE, J. Challenge to Science, The UFO Enigma. Chica- go: Henry Regnery Co., 1966. MICHEL A. et LEHR G. Pour, contre les soucoupes volantes. Paris: Berger- Levrault, 1969. VALLEE J. Passeport to Magonia, from Folklore to Flying Saucers, Chicago: Henry Regnery Co., 1969. HYNEK J.A. The UFO Experience, a scientific Inquiry. Chicago, Henry Regnery Co., 1972. Documents: HYNEK J.A. UFO's Merit Scientific Study, Letter to Science (21 October, 1966). (Dans ce document, le Dr Hynek réfute un certain nombre d'idées fausses communément ré- pandues sur les UFOs et les témoins.) McDONALD J.E. UFOs: Greatest Scientific Problem of our Times ? Washington: annual meeting of the American Society of Newspaper Editors, 1967. Une traduction fran- çaise de ce papier maintenant clas- sique, a été publiée par le G.E.P.A. (Paris, 69, rue de la Tombe-Issoire). Le Dr McDonald révèle ici les dessous du jury Robertson, et réfute scienti- fiquement les interprétations de Men- zel et de l'Air Force en analysant d'une façon approfondie un grand nombre de rapports sur les UFOS. CONDON E.U. Scientific Study of Uni- dentified Flying Objects. New York: Bantam Books, 1969. Cet ouvrage de 965 pages constitue le rapport final du Comité Condon. HYNEK J.A. The Condon Report and UFOS. Bulletin of the Atomic Scien- tists, april 1969. SAUNDERS D. and HARKINS R. UFOs: Yes! New York: The New Ame- rican Library, 1968. Dans ce docu- ment rendu public en même temps que le Rapport Condon, David Saun- ders (l'un des deux universitaires du Comité Condon révoqués à la suite de la divulgation du mémorandum de Robert Low), et R. Harkins, retracent l'historique de la mise sur pied du dit Comité, analysent ses méthodes de travail, et reprennent l'étude d'un cer- tain nombre de cas examinés par le Comité, pour conclure à la réalité des objets. 714 LES OVNI SONT DANS LE VENT OU CONCLUSION POUR UN PROLOGUE 2 Les objets volants non identifiés, ou OVNIS, n'ont pas encore de réalité. Pour que l'un des phénomènes observés mérite le nom d'objet, il faudrait, à dé- faut d'une capture, pouvoir disposer d'un document définitif établissant sa matérialité. Nous n'en sommes pas à ce stade. Comme la terminologie joue un rôle important dans la constitution des mythes, il y aurait intérêt à dénommer différemment les phénomènes bruts, dont les observations sont innombra- bles, et ceux d'entre eux qui résistent à une analyse sérieuse. Les premiers seraient les PRÉOVNIS; l'étude des se- conds, quasi-OVNIs ou QUOVNIS, se ferait avec moins de passion qu'actuel- lement, du fait qu'aucune interprétation aventurée ne s'y trouverait impliquée. Les passions qui s'attachent au sujet entraînent, pour celui qui s'y livre, le besoin de se libérer d'un coup de tout ce qu'il a sur le cœur son degré de confiance dans les témoignages, son opinion sur les interprétations, ses con- clusions, et aussi une appréciation du niveau intellectuel de ceux qui ne pensent pas comme lui. On comprend que le lecteur ou l'auditeur, s'il s'amuse un moment, n'est guère entraîné dans la voie de la connaissance. Objets non identifiables Il s'agit bien entendu de quasi-objets, car ce n'est qu'après l'interprétation, donc dans un avenir non datable, qu'ils pourraient éventuellement recevoir le nom d'objets. Notre connaissance du monde phy- sique et des lois naturelles est très partielle. Cette constatation est rassu- rante pour ceux qui se livrent à la re- cherche scientifique et qui, autrement, seraient en chômage définitif; mais elle est en contradiction avec l'idée géné- ralement acquise que ce que nous per- cevons doit toujours pouvoir être ex- pliqué. Il n'y a donc aucun mystère au fait que, dans un lot important de phéno- mènes observés se rapportant à un même groupe de perceptions, certains d'entre eux ne peuvent aujourd'hui être << identifiés », c'est-à-dire rattachés à nos connaissances du moment; bien au contraire nous avons à l'avance la cer- titude de leur existence, et, lorsqu'ils sont décelés, ils constituent la pâture de nos chercheurs. De ce fait, l'existence de ce que nous avons appelé les QUOVNIS est une cer- titude a priori. Mais y en a-t-il parmi les PREOVNIs, dont nous avons su dès l'origine qu'ils comprennent un échan- tillon de chacune des illusions imagi- nables, ou au moins y a-t-il des chances qu'il y en ait ? Tout le problème est là. Curieux mais méfiants, les scientifi- ques savent que l'erreur humaine n'a pas de bornes. Un exemple, qui serai* incroyable si les journaux de l'époque n'avaient abondamment fait état de l'événement au cours de son déroule- ment, est donné par le « phénomène de Cherbourg » de 1905. Cette année-là, à partir du 1er avril, apparut dans le ciel de cette ville une lueur remarquable dont les détails étaient décrits diffé- remment selon les témoins, les éléments les plus constamment retenus étant la forme ovale et l'irrégularité du mouve- ment. Il fallut quinze jours d'observa- tion pour que la lueur puisse être iden- tifiée avec la planète Vénus. On notera, parmi les multiples enseignements de cette affaire, que l'étude effectuée le 11 avril, sur l'ordre de la Préfecture mari- time, par les officiers, de marine de la base, n'avait abouti à aucun résultat et aussi que, si l'on cherchait aujourd'hui à analyser les témoignages recueillis seulement le premier jour, on devrait rejete: « l'hypothèse Vénus >> comme inconciliable avec les faits. Ainsi, au cas où le ciel de Cherbourg aurait été couvert du 2 au 15 avril, il y aurait dans les archives un OVNI de première grandeur... 715 manipuler avec précaution Les sujets qui ne touchent qu'à ce qui est de la compétence des spécialistes sont parfaitement inoffensifs; on peut certainement tout écrire sur la mutation des drosophiles. A l'opposé, ceux qui concernent un domaine d'intérêt public sont parfois explosifs; il suffit que soit publiée l'annonce d'une étape dans le travail d'un cancérologue pour que des articles tapageurs proclament que le cancer est guéri. Le problème des OVNIs se situe à un niveau intermédiaire. Sans conséquence directe pour nous, même dans l'optique des hypothèses les plus fantaisistes, il prête à des spéculations qui peuvent troubler les esprits faibles. La lecture de l'article qui précède celui-ci, et qui sur bien des points restitue aux éléments du sujet leur place réelle, ne peut induire en erreur; mais si l'on en extrait certains passages, il est aisé de les prendre comme base pour développer des idées préconçues. Il n'est même pas besoin de tronquer les citations, technique commode qui permet de leur faire dire le contraire de la pensée de l'auteur; ainsi les frères Tharaud, dans une de leurs critiques, ayant écrit d'un ouvrage qu'il constituait un monument d'im- bécillité, l'éditeur a utilisé ce jugement pour présenter l'ouvrage avec une bande portant la mention: « Cet ou- vrage est un monument... Signé: les frères Tharaud ». Il suffit d'isoler les paragraphes concernant différents té- moignages, sans mentionner les réser- ves d'ordre général figurant dans le cours du texte, pour édifier un roman de science-fiction dont le lecteur pour- ra croire de bonne foi qu'il s'agit d'une présentation de données objectives. Or, il n'est pas possible d'accepter que l'on introduise la moindre confusion entre l'imaginaire et le réel. Le domaine de la poésie et du rêve est aussi néces- saire à la pensée humaine que celui de la raison, mais ils sont distincts; les confondre est d'ailleurs le symptôme d'une maladie mentale très grave. Une collectivité qui ne se défend pas sys- 716 tématiquement contre les atteintes à la tater, même en donnant une valeur vérité sé désagrège ou se sclérose. Le label scientifique Le scientifique a pour mission de participer à la construction de l'édifice de la Connaissance; protéger celui-ci contre les attaques, volontaires ou inconscientes, est un de ses devoirs. Aucun brevet ne désigne l'homme de science; titres et diplômes n'y font rien. Le seul critère possible, bien imparfait, est celui du métier; être payé pour faire de la recherche scientifique, fondamen- tale ou non, fait présumer que l'on en a assimilé les principes. La catégorie des scientifiques « amateurs >> n'est pas moins estimable que celle des profes- sionnels, mais son accès est libre, ce qui exclut toute garantie. Individuellement, le scientifique pro- fessionnel est un homme comme les autres, ni meilleur ni plus intelligent. Il se trompe aussi souvent que quiconque lorsqu'il traite de sujets qui ne sont pas de sa compétence propre, et ne doit jamais être invoqué comme un oracle pour ce qui est de sa spécialité, même s'il y est éminent; d'ailleurs les travaux publiés par les plus grands ne sont pas exempts d'erreurs de calcul, de raison- nement ou même de jugement. En revanche, la collectivité des scien- tifiques, lorsqu'elle est unanime, ne se trompe pas. Encore faut-il penser à distinguer la simple prise de position, que l'on est sollicité d'énoncer bien avant qu'un dossier soit solide, de l'af- firmation catégorique; et ne pas oublier que celle-ci s'accompagne souvent de précisions ou de réserves. Ainsi l'ab- sence de toute trace de vie à la surface de la Lune était une certitude très an- térieure à l'exploration directe; il existait toutefois une (très faible) réserve con- cernant les bactéries et les virus, sur lesquels nous savons encore trop peu pour que la preuve expérimentale de leur absence n'ait pas été nécessaire. Il ne s'agit pas d'une infaillibilité dogmatique. On peut seulement cons- relative au terme « unanime >> employé plus haut et en acceptant un léger pourcentage d'opposition, que le fait est patent depuis qu'il y a une commu- nauté scientifique délimitée, ce qui n'est guère antérieur au 18e siècle. Le public est mal informé sur ce sujet; il peut parfois exercer son discerne- ment lorsqu'on lui présente comme acquis ce qui n'est qu'hypothèse, mais il est désarmé si une théorie attrayante est enseignée par une école scienti- fique, car la presse fait peu d'échos aux opposants. Ainsi en a-t-il été un mo- ment de la phrénologie, qui localisait toutes les facultés intellectuelles dans des régions précises du cerveau, et dont il n'est resté que l'allusion courante à la bosse des mathématiques; la neu- rologie n'a pas à supporter de discrédit du fait de ces énoncés hasardeux, qu'elle n'a pas entérinés, mais qui ont été assez largement répandus pour que le public ait eu l'illusion qu'elle l'avait fait. Le « label scientifique » a une valeur considérable sinon absolue. Il n'est accordé que sur preuves et sur des points très précis. Il ne peut être donné à ce qui s'appelle la théorie de la rela- tivité générale, domaine trop vaste, mais seulement aux divers éléments du sujet; certains d'entre eux, tel celui relatif à l'équivalence de la masse et de l'énergie, le possèdent; d'autres non, car il y a encore des choix à faire entre plusieurs types de lois. Il va de soi que rien de ce qui touche aux OVNIs, pour lesquels la phase observationnelle est à peine commen- cée, ne saurait actuellement avoir le label scientifique. Concours de pronostics Il arrive qu'un phénomène, dès qu'il est établi expérimentalement, se trouve susceptible d'être interprété de façon définitive; d'Alembert put expliquer mathématiquement le phénomène de la nutation, ou oscillation de l'axe de tation de la Terre, moins de deux ans rès sa découverte par Bradley. D'autres sont coriaces; les étoiles de Wolf-Rayet, connues depuis un siècle, forment une classe singulière dont les spectres présentent de larges bandes brillantes; on n'a guère pu en déceler qu'une centaine, et leur structure n'a pas encore fait l'objet d'une théorie satis- faisante. Rien ne presse: les phéno- mènes difficiles sont parfois d'un grand intérêt par les travaux qu'ils suscitent, parfois l'occasion de vérifier des théo- ries élaborées par ailleurs, parfois illu- soires ou fortuits. Les civilisations primitives nous ap- prennent que l'homme est avide d'af- firmer avant de savoir. Malgré les règles que nous nous imposons, nous n'échap- pons pas cette tendance; lorsqu'un résultat est établi, nous avons coutume de rechercher les noms de ceux qui l'ont énoncé antérieurement, donc avant qu'il ne soit justifié, et nous mêlons s le palmarès les chercheurs qui t pris comme hypothèse de travail et les simples rêveurs, auxquels on prête de l'intuition faute d'accepter les effets des lois du hasard, comme on en prê- terait au gagnant d'un gros lot. Il n'y a rien de commun entre l'ato- mistique et les idées des Anciens sur l'atome: Lucrèce n'a pas plus de mérite que ceux de ses contemporains qui pensaient que la matière est infiniment divisible, ses conceptions n'ont joué aucun rôle dans les progrès de la scien- ce. De façon générale, tout ce qu'on peut dire d'une hypothèse qui n'est pas la base d'un travail créateur de la part de son auteur, c'est qu'il s'agit d'un jeu d'esprit toléré par la loi, une sorte de participation à un concours de pronos- tics auquel aucun prix ne serait attaché. Lorsqu'une hypothèse ne fait que distraire la galerie, il n'y a pas de mal à la laisser courir. Si elle commence à faire illusion, donnant lieu à des con- ires en chaîne pouvant conduire à une sorte de croyance non fondée (ce qui ne veut pas dire fausse), il y a lieu d'intervenir. Sans aller aussi loin que le Grand Arnauld, qui conseillait de << réfuter fortement » et d'attaquer les présomptueux jusque dans leur hon- neur, il faut remettre les choses au point vigoureusement; la délicatesse n'est pas de mise. On a fait grand bruit du silence des OVNIs, incompatible avec le mouve ment supersonique d'objets matériels; on a eu raison. Pourtant, même si nous n'avions aucune idée sur les moyens permettant de chercher à s'attaquer à l'onde balistique, nous ne pourrions affirmer qu'il n'y en a pas: en toute ri- gueur, il n'y a d'impossibilités que lorsque l'ensemble des données d'un problème est strictement défini, ce qui est le cas en mathématiques, ou pour les exercices proposés aux examens. Mais en accumulant les hypothèses improbables, on ne construit qu'un château de cartes, il est impératif de souffler dessus, pour que sa fragilité soit évidente à tous, et que l'on s'en tienne à ce qui peut faire l'objet d'études sé- rieuses. Singeries Les considérations qui précèdent, auxquelles on pourra reprocher d'être banales, mais pas d'être contestables, déterminent la place que peuvent prendre actuellement les OVNIs dans le contexte scientifique: aucune attention ne doit être portée, sauf à titre de diver- tissement, sur autre chose que l'analyse des données. s'y Recueillir et discuter les données est une entreprise considérable, en raison du déchet auquel conduit leur examen; des groupes officiels et officieux, et des particuliers, s'y sont livrés ou livrent. Si la bonne volonté ne manque pas, il semble que l'on rencontre trop souvent deux sortes de difficultés réticence des autorités à livrer des do- cuments de première main, réticence des témoins sérieux à se faire connaître; il est probable qu'il faudra attendre que le caractère passionnel du sujet s'atté- nue pour que ces difficultés soient levées. Il ne saurait être question de deman- der aux scientifiques professionnels d'effectuer les enquêtes, d'autant qu'ils n'ont pas reçu de formation de juge d'instruction (les autres intéressés non plus, d'ailleurs, ce qui ne laisse pas d'inquiéter sur leurs rapports). Ceux d'entre eux qui sont volontaires peuvent servir d'expert, à condition qu'il n'y ait pas, au total, trop de temps perdu à une tâche qui n'a rien d'urgent ni d'es- sentiel. Aucun cas ne peut, isolément, être classé comme QUOVNI d'une façon irréfutable; il faudrait n'avoir jamais entendu parler d'erreur judiciaire pour prétendre le contraire. Seuls les pro- cédés statistiques permettent, sur des documents partiellement inexacts mais non truqués, d'obtenir des résultats précis affectés d'un facteur de proba- bilité défini. La statistique est un art difficile, qui ne peut être pratiqué que par des spécialistes lorsqu'il ne s'agit pas uniquement de traduire des données homogènes; il est souvent aisé, en traitant un même matériel numérique, de parvenir à des conclusions opposées par simple modification du poids relatif des données. Peut-on éviter que des travaux sé- rieux ne soient utilisés, après avoir été dénaturés, à l'appui des activités dou- teuses de monomanes ou de certains polygraphes? Certainement non, mais l'appui est faible si l'on reste vigilant; il se trouve, somme toute, moins efficace que celui que les professionnels du fabuleux puisent dans l'absence de ces travaux sérieux, en inventant à ce propos un mystérieux interdit dont ils tirent ensuite grand parti. Le symbole oriental représentant trois petits singes se masquant les yeux, les oreilles, et la bouche n'est pas de mise chez les scientifiques; le singe qui, suspendu par la queue et la tête à l'envers, cherche à se rendre intéres- sant en hurlant frénétiquement, n'a pas davantage leur sympathie. Jacques LÉVY Astronome titulaire de l'Observatoire de Paris 717 LA DÉCOUVERTE DE MARS C'est un exploit de photographier une planète avec un engin automa- tique. C'en est un autre de rendre ces photographies compréhensibles. En mai 1971, les opérations Mariner orbite martienne de 1 392 sur 17 816 avaient mal commencé. C'était en km, inclinée à 64,28° et décrite en effet deux de ces engins que les spé- 12 h 34 mn. Une orbite provisoire: le cialistes américains se proposaient 16 novembre, le moteur est remis à feu alors de lancer vers Mars pour des mis- pendant 6 secondes pour réduire la sions orbitales. Il fallait profiter de période à 11,98 h et synchroniser ainsi circonstances astronomiques excep- les révolutions martiennes de la sonde tionnelles, les plus favorables rencon- avec les périodes de visibilité depuis trées depuis les débuts de l'ère spa- Goldstone. Alors se déroule la plus tiale. Depuis plusieurs années, tout extraordinaire mission photographique le programme planétaire des États- de tous les temps. Unis s'orientait dans ce sens. Le matériel avait été testé en 1969 lors d'expé- riences de survol. Malheureusement, le 9 mai 1971, le système de pilotage automatique de l'Atlas-Centaur AC-22, porteuse de Mariner 8, se dérègle. La fusée sombre dans l'Atlantique avec sa précieuse charge. Mais Mariner-9 venge cet échec. A lui seul, il apportera plus que tout ce que l'on attendait des deux sondes. Ce qui apparaît remarquable, c'est d'abord la souplesse et la précision avec laquelle l'engin a été télécom- mandé. Mariner-9 (1 031 kg) part de Cap Kennedy, le 30 mai 1971, à 22 h 23 T.U., lancé par la fusée Atlas Centaur AC-23. La trajectoire est cor- rigée une seule fois, le 5 juin à 1 h 22, alors que l'engin se trouve encore près de la Terre. Cela suffit pour que, six mois plus tard, après un parcours dans le système solaire représentant près d'un milliard de kilomètres, Mari- ner-9 arrive dans le domaine martien à 61 km seulement du point objectif. Le programme de vol a été respecté à 2 minutes près... La satellisation a lieu dans d'excel- lentes conditions, le 14 novembre à Oh 17. Fonctionnant pendant 15mn 15s, le moteur place Mariner-9 sur une 718 Deux caméras, respectivement grand angulaire et petit angulaire, équipent Mariner-9. La première a un champ de 11 x 14° et 5 cm de focale: L'image grand angulaire découvre Mars comme un satellite voit la Terre. Avec un champ de 1,1 x 1,4° et une focale de 50 cm, la seconde caméra fait voir en gros plan un fragment de cette image. Mars est découvert comme par une photographie aérienne. Ces deux caméras contiennent une petite cible vidicon (1,25 x 0,96 cm). Sur cette cible, l'image se forme, est explorée, puis enregistrée en 41 s sur un ruban magnétique. Le déroulement du ruban est commandé pour envoyer les images en direction de la Terre sous forme de signaux radio-électriques. Le rodage de ce matériel a commencé pendant l'approche. Rodage à blanc d'abord, puis on lui fait prendre à trois reprises 31 images (telle est la capacité du magnétophone) à des distances décroissantes. Mariner photographie non seulement la planète, mais égale- ment ses satellites Deimos et Phobos. Les spécialistes profitent de l'occasion pour améliorer les contrastes. Les débuts sont décevants car sur Mars sévit la plus violente tempête de poussière qui ait peut-être jamais été enregistrée de mémoire d'astronome. Les premières images montrent peu de détails; beaucoup d'efforts sont néces- saires pour les interpréter. Toutefois, la tempête s'apaise. Elle n'est plus qu'un souvenir au début de 1972. Alors, au cours d'une première période de travail, 6 284 photographies sont recueillies. Cette campagne prend fin le 2 avril : à ce moment, la rotation du plan orbital conduit Mariner-9 à passer dans l'om- bre de la planète. Cela réduit l'énergie disponible pour la recharge des batteries qui doivent être ménagées. L'engin est donc mis en sommeil. Mais le 8 juin, la sonde gravite à nouveau sur une orbite toute ensoleillée et la mis photographique reprend avec une t taine de photographies qui font voir les régions australes. L'éloignement dépasse 360 millions de kilomètres, à ce moment-là, mais il ne constitue nullement un obstacle. Le débit est simplement réduit: 4 000 bauds au lieu de 16 200. Le 15 juillet, avec un total de 7 100 clichés, toute la planète Mars a été photographiée. Prise par Mariner-9 (en haut) à 3422 kilomètres de la planète Mars, cette photographie montre une région située près du pôle Sud. Selon les spécialistes, des couches de glace seraient emprisonnées sous le plateau ovale, et les contours clairs et sombres représenteraient des dépôts de poussière, de cendres volcaniques, de gaz carbonique ou de glace. Dans la partie inférieure du cl ces couches ser recouvertes de dépôts creusés de puits et de sillons; les ombres indiquent que ces puits seraient profonds de 50 mètres.