RENCONTRE Ils sont persuadés d'avoir croisé la route d'un ovni ou d'un extraterrestre. Une expérience qui a bouleversé leur vie. Mais comment être pris au sérieux au pays de Descartes? Par Marc Belpois Photos Sébastien Duijndam pour Télérama LE CIEL LEUR EST TOMBÉ SUR LA TÊTE ILS LES ONT VUS Ce matin d'été, après avoir nagé quelques lon- gueurs dans la piscine de sa villa corse, Valérie Lucchini sort de l'eau lorsque, dans son dos, un bruit inhabituel attire son attention. Un son que le cerveau ne reconnaît pas, «une sorte de vrombissement d'avion de chasse, mais doux comme un murmure». Elle se retourne et voit... «Notre lan- gage n'est pas en mesure de décrire ce que j'ai vu, entendu, res- senti.» Elle essaye tout de même. «Il y avait cet engin, à une petite centaine de mètres au-dessus des arbres, qui s'est lente- ment approché avant de se stabiliser. Je le voyais bien, il était massif, peut-être métallique, en tout cas fait d'un bloc, sans vis ni jonctions. » À cet instant, dit-elle, les oiseaux se taisent. La mer, les feuillages, le monde environnant ne produit plus au- cun son, le silence est total. Les arbres sont comme transpa- rents, la densité de la matière semble modifiée, le fond de l'air est empli d'une forme de sérénité. «Il m'était physique- ment impossible de détourner mon regard, mais je n'avais pas peur du tout. C'était un moment de grâce.» Immobile, l'ovni se dématérialise soudain, puis se rematérialise graduellement, «de la gauche vers la droite». Un message lui parvient: << Voilà ce que tu auras à raconter. » Ce n'est pas une voix, le mode de communication aussi lui paraît inconnu. Mais la «phrase » ré- sonne alors dans tout son être, limpide, évidente. Valérie Lucchini sait bien qu'elle prend des risques en se confiant à Télérama. Les lecteurs - ses voisins, ses collè- gues? - la prendront-ils pour une folle? Les histoires de soucoupes volantes font sourire, bien davantage que les apparitions religieuses, que notre société accueille avec plus d'égards. Elle s'en moque. «Notre planète est une micro- poussière dans l'immensité cosmique, il faut avoir l'esprit sa- Valérie Lucchini devant la piscine de sa villa corse, où elle a vu un objet volant et entendu une voix étrange s'adresser à elle. 22 Télérama 3734-3735 04/08/21 crément étriqué pour penser que nous sommes seuls. Mais c'est ainsi, les gens ne sont pas prêts à entendre ce genre de témoignages.» Elle n'en veut pas aux amis qui suggèrent qu'elle a peut-être été éblouie par le soleil. Son entourage proche, lui, réagit « avec bienveillance»>, c'est l'essentiel. De toute façon rien ne l'ébranle, «je sais ce que j'ai vécu!»> Reste ce mystère: les intentions de cette chose étrange, invisible à tous sauf à elle qui aurait pour mission de révéler sa présence. Tout ce qu'elle sait, dit-elle, c'est qu'elle ne sait rien. Et cette ignorance emplit l'ancienne chirurgienne-dentiste, aujourd'hui coach en entreprise, d'une sorte de zé- nitude, voire d'une forme de sagesse. «Tant de choses nous échappent, le sa- voir est une illusion. » Dès lors, à quoi sert de s'en faire? «Depuis ce jour-là, j'ai appris à lâcher prise...>> Jean-Louis Lefevre, lui, aurait pré- féré ne jamais avoir eu affaire à «eux»>. La première fois, c'était il y a plus d'un demi-siècle, alors que son père mili- taire, membre des forces françaises d'occupation, est affecté dans une ville d'Allemagne. «J'ai 4 ou 5 ans, je suis allongé sur mon lit, mes deux frères dorment profondément. Une espèce d'angoisse m'envahit soudainement. L'énergie ambiante a changé, il y a des infrasons, un phénomène vibratoire. Je suis paralysé mais je perçois mon envi- ronnement de façon extrêmement ai- guë. Une lumière bleue prodigieuse- ment intense balaye la pièce. Et soudain, au pied de mon lit, je vois un être qui émerge progressivement du sol... >> À l'époque imprégné d'éducation catholique, le jeune Jean-Louis est convaincu d'avoir «vu le démon »>. C'est une séance d'hypnose régressive il y a quelques années qui lui remet les yeux en face des trous. Alors qu'il arpente les méandres de son subconscient, des «séquences >> surgissent avec une netteté telle que, pour lui, pas de doute, elles ont bien eu lieu à différents âges de sa vie. Toutes sont iden- tiques: il est allongé sur son lit lorsqu'une présence dans la pièce se fait sentir. Comme paralysé, il entre en télépathie avec des entités humanoïdes. Puis son corps lévite, traverse la matière de la maison, la carcasse d'un vaisseau spatial en vol stationnaire. Le voilà sur une table d'opération, examiné par des êtres dont il ignore les intentions. Il subit << un viol de l'esprit »>. Et ressent «une terreur immense », qui ne le quittera jamais vraiment. «Et pourtant, je ne suis pas un trouillard»>, tient-il à préciser. Chaque soir, craignant d'être à nouveau << visité »>, il repousse le moment de se coucher, «au moins jusqu'à deux heures du matin ». Et prend toujours soin de ne pas faire dépasser les pieds de son lit, «c'est idiot, ça ne change rien...» Depuis qu'il est convaincu d'avoir une relation au long cours avec des aliens qui effacent de sa conscience les << Il m'était impossible de détourner mon regard, mais je n'avais pas peur. C'était un moment de grâce. >> Valérie Lucchini, coach en entreprise traces de chacune de leurs venues, tout a pris sens. Sa passion précoce pour les étoiles et l'astrophysique, qui l'ont conduit à devenir technicien en avio- nique spatiale et astronome de haut vol. Sa compréhension profonde de la vul- nérabilité de notre planète, qui explique sa reconversion dans la gestion des espaces verts. Il sait, mais il souffre. Son seul réconfort: savoir qu'il n'est pas tout seul à léviter dans des engins venus des confins du cosmos. se moquent après. Il faut dire qu'en sa qualité de présidente du Cero (Contact et enlèvement lors de rencontre ovni), «la seule association qui en France ré- pond aux interrogations des personnes ayant vécu une expérience d'enlèvement de contact avec des entités humanoïdes», elle est régulière- ment sollicitée. Télérama lui inspire confiance, elle continue. «La solitude pèse fort sur les hommes et les femmes qui toquent à notre porte. Certains n'en ont jamais parlé et nous arrivent dévastés: ils ont perdu leur travail, leur vie de famille, ne dor- ment plus. D'autres sont émerveillés par ce qu'ils ont vu. Décou- vrir l'altérité à cette échelle cosmique, c'est bouleversant!»> Reste que leur éveil à une réalité invisible aux autres les en- combre. Alors ils se serrent les coudes. Ils créent des ré- seaux, recoupent les témoignages, échafaudent des théo- ries sur le sens à donner à ces approches d'ovnis. Les enlèvements sont-ils destinés à prélever du sperme et des ovules d'humains, comme beaucoup s'accordent à le dire? >>> Myriame Belmyr aussi connaît bien ce sentiment terrible- ment désagréable d'être à leur merci, à bord de leur engin, «comme un animal de laboratoire». Elle dit l'avoir vécu plu- sieurs fois, de façon plus ou moins traumatique. Tout dé- pend si l'on a affaire aux «grands gris » ou aux « petits gris », des espèces distinctes, explique-t-elle. Les uns sont bienveil- lants, les autres d'une froideur extrême. Elle hésite à nous en dire davantage. Trop souvent, cette femme chaleureuse s'est confiée à des journalistes qui compatissent d'abord et Télérama 3734-3735 04/08/21 23 RENCONTRE LE CIEL LEUR EST TOMBÉ SUR LA TÊTE >>> « Lorsque nous lui relatons ces témoignages de rencontres du troisième type, Jacques Arnould, chargé de mission au Centre national d'études spatiales (Cnes), écoute attentivement, sans lâ- cher le début d'un ricanement. << Les ca- nulars sont extrêmement rares, je ne doute pas que ces gens sont intimement convaincus d'avoir vécu ce qu'ils disent. >> Cet ancien séminariste sait de quoi il 24 Télérama 3734-3735 04/08/21 parle, il est également membre du comité de pilotage du Groupe d'études et d'informations sur les phénomènes aé- rospatiaux non identifiés (Geipan) - que les abonnés de Ca- nal+ connaissent bien, la série Ovni(s) en a fait son décor. De- puis 1977, ce département du Cnes s'efforce de répondre aux inquiétudes des Français en tentant de trouver des explica- tions rationnelles aux centaines de signalements annuels de soucoupes volantes et autres manifestations extraterrestres. «Nous prenons très au sérieux ces témoignages, manquer de respect à leurs auteurs serait une faute professionnelle. Mais nos enquêteurs doivent faire preuve d'esprit critique. Soyons clair: nous n'excluons pas la vie extraterrestre comme domaine d'étu- de recherche, c'est d'ailleurs l'objet de l'astrobiologie que dier la vie ailleurs que sur Terre. Mais pour l'instant nous la re- jetons comme explication aux récits extraordinaires des uns et des autres. Tout simplement parce que l'existence d'une intelli- gence extraterrestre n'a jamais été démontrée.» Pour Jacques Arnould, les aliens sont plutôt l'expression contemporaine d'un besoin qui taraude l'humanité depuis toujours. << L'être humain est une sorte d'arbre cosmique. Il a les pieds enracinés dans notre planète, dans son quotidien, et le regard comme le feuillage d'un arbre tourné vers le ciel. Nous avons besoin d'ali- menter notre imaginaire, de nous proje- ter dans l'espace. Le jour où nous n'en au- rons plus envie, nous aurons perdu une part de notre humanité. » Voilà qui n'éteindra sûrement pas la flamme de ceux qui disent avoir été «en contact >>. Eux savent ce qu'ils ont vu «Nous prenons très au sérieux ces témoignages, manquer de respect à leurs auteurs serait une faute professionnelle.>> Jacques Arnould, chargé de mission au Cnes Jean-Louis Lefevre raconte être visité, la nuit, depuis l'âge de 5 ans, ce qu'il vit comme un «viol de l'esprit»>.