: Référence: Noir & Blanc nᵒ1239 26 décembre 68 au 1er janvier 1969 APRÈS LA LUNE, QUOI ? DES MILLIONS D'ÊTRES VIVENT DANS L'ESPACE SIDÉRAL Faisant à l'équipage et au matériel d'« Apollo 8 » une confiance totale, les « patrons » de la N.A.S.A. ont persisté dans leur projet, en dépit des craintes manifestées par bon nombre d'experts. A l'heure où ces lignes sont écrites, le grand départ reste fixé au 21 décembre. On avait même cru un moment que les Soviétiques tenteraient de prendre de vitesse leurs rivaux américains. Bref, tous les éléments se sont trouvés réunis pour que le suspense dure jusqu'à l'ultime seconde... Les techniciens de la N.A.S.A. ont mis de leur côté toutes les chances: équipage magnifique, supérieurement entraîné, matériel d'une exceptionnelle qualité, mis au point avec une minutie irréprochable. Mais ce défi au Cosmos reste tout de même un coup de poker qui, durant les journées de Noël, va tenir en haleine la Terre entière. Bien que cette prodigieuse aventure- la plus téméraire que l'homme ait jamais tentée se situe déjà à l'extrême pointe de l'audace, NOIR ET BLANC a voulu aller plus loin encore, et s'est posé la question: « Quoi, après la Lune?» L'époque viendra, en effet, où la « blonde Séléné »> - pour parler comme les poètes ne sera plus que la banlieue de la Terre, et où les explorateurs de l'espace partiront à la conquête d'autres astres, situés à des distances littéralement effarantes. Quelle idée peut-on se faire des mondes inconnus, mais peut-être habités, qui peuplent le Cosmos, et comment se présente le problème des relations interstellaires, d'après les données les plus récentes de la science ? Pour aborder ces problèmes d'une extrême complexité, qui parlent à l'imagination autant qu'à l'esprit, nous ne pouvions mieux faire que de recourir à la compétence d'un éminent spécia- liste. Vous trouverez dans ces pages les enseignements que nous avons retenus pour vous de ses précieuses recherches. Il peut exister actuelle ment dans la Galaxie (1) quelque 500 000 sociétés intelligentes, dont l'im- mense majorité posséde sur l'espèce humaine une supé- riorité scientifique et tech- nique se chiffrant par mil- lions ou même par milliards d'années, > Cette stupéfiante affirma- tion, nous la trouvons sous la plume, non pas d'un au- LE LANGAGE MARTIEN PAR ÉTUDE ANALYTIQUE DE LA GENÈSE D'UNE LANGUE DANS EN CAS DE GLOSBOLALIE SOMNAMBULIQUE VICTOR HENRY PRAMENIT teur de « science-fiction », mais bien d'un savant, M. Pierre Guérin, maitre de recherches à l'Institut d'as- trophysique de Paris, sous la direction duquel a été rédigé le volume Plane- tes et satellites », récente publication de la fameuse collection in-4" Larousse (2). Le dernier chapitre de cet ouvrage est consacré à PARIS Y GRAMMAIRE COMPARE LAURES 1-KunorisxNG A L'UNIT PARIS 1. MAISONNEUVE, LIBRAIRE-EDITEUR 6, RUE DE MEZIERES ET NUE MADAMX, 25 D. SCOTT S'ENTRAINE DEJA AVEC APOLLO 9, QU'IL PILOTERA EN 1969 VERS LA LUNE. Plus tard, vers Mars et les grosses planètes, l'aventure sera encore plus prodigieuse. 1901 DES 1901, LE LANGAGE EN USAGE SUR MARS ÉTAIT ÉTUDIÉ PAR UN EMINENT PROFESSEUR. Quant à cet aspect des Martiens (à dr.), il a été inspiré par La Guerre des Mondes ». « la vie dans l'univers ». C'est le seul qui traite de questions ne pouvant être résolues avec certitude, car la science ne dispose pas encore des données d'ob- servation directes et indis- cutables qui lui permet- traient de lever tous les doutes. Mais, déjà, on peut estimer scientifiquement : 1" que la vie existe en dehors de la Terre : 2 que le Cosmos ren- ferme un nombre considé- rable de planètes peuplées d'êtres technologiquement très supérieurs à l'homme. Il y a là, ne craint pas (1) Définition de Galaxie (du gree galaxias, voie lactée) donnée par le Grand Larousse encyclo- pédique > stellaire : Système affectant la forme d'un disque avec un bulbe central, contenant une centaine de milliards d'étoi- les, parmi lesquelles figure le Soleil, et qui, vu par la tranche, se tradui pour un observateur terrestre, par une trainée bril- lante qui n'est qu'un fourmille- ment innombrable d'étoiles (Voie lactée). de déclarer M. Pierre Gué- rin, une probabilité qui équivaut presque à une cer- titude: le problème de la vie dans l'univers a cessé d'appartenir à la pure spé- culation pour entrer dans le domaine de la science positive. L' « habitabilité des mondes » est devenue un objet de recherche, après n'avoir été, pendant des siècles, qu'un prétexte méditations philosophi- à ques. UNE CROYANCE A REJETER Pour envisager correcte- ment le problème, il faut, d'abord, se débarrasser de la croyance instinctive que l'homme est le centre de l'univers, croyance contrai- re au véritable esprit scien- tifique. Pour certains spécialistes. comme pour le profane, la seule question qui se pose est, en effet, la suivante : telle ou telle planète pré- sente-t-elle ou non des favorables au (2) PLANETES ET SATEL- LITES Mondes de l'espace. (Préface de J.-F. Denisse, direc- teur de l'Observatoire de Paris.) conditions 3- topeng PE Што бора développement ou à la re- production des espèces ter- restres? Or, si cette ques- tion représente un premier pas dans la recherche, on ne doit absolument pas en rester là, car rien ne s'op- pose à ce qu'il existe ail- leurs d'autres formes de vie que celles qui existent sur la Terre. Il y a peu d'années en- core, on disait couramment qu'aucune végétation n'avait jamais pu naitre et se dé velopper sur planète Mars. puisque les plantes (sous-entendu : terrestres) créent de l'oxygène à par- tir du gaz carbonique de l'air. Or. l'atmosphère de Mars ne contient aucune trace d'oxygène libre. Done, concluail-on, il n'y a pas de végétation sur Mars... Raisonner ainsi, e'est rai- sonner de travers, affirme M. Pierre Guérin: on ne peut enfermer la vie dans les limites de notre expé- rience de Terriens. Ce n'est pas se comporter en savant que de traiter de la vie (possible) sur Mars en se servant de critères exclusi- vement terrestres. A des milieux différents peuvent correspondre des manifes tations de vie différentes. Il convient de se défier également d'une autre ten- dance, tout aussi dange reuse celle des romans de ... qui est un abime, il suffit de se rappe- ler qu'entre le chien et le singe, par exemple, ou entre le singe et l'homme, il n'y a pas seulement une diffé rence de degré dans le psychisme, mais bien une brisure, une discontinuité impossible à franchir. Cer- raisonnements élé- mentaires, dont le singe est capable, sont à jamais inac- cessibles au chien. De la même façon, le psychisme de l'homme n'est pas le psychisme du singe perfec- tionné, extrapolé, c'est un autre psychisme, fondamen- talement plus complexe. C'est ce qui explique que nous puissions nous mettre au niveau du singe, et que le contraire soit impossible. lains AUX TERRIENS DE JOUER... sent > différemment de nous el possèdent des facul- tés intellectuelles auxquelles nous ne pouvons prétendre de par la constitution même de notre cerveau. Conclusion: si des êtres point supérieurs à nous existent, mais ne ma- nifestent aucune envie de frayer avec la bande d'at- tardés que sont les Ter- riens, c'est à nous qu'il appartient de jouer. Si nous y parvenions, ce serait la plus fracassante révolution de toute l'histoire humaine. Alors ? Peut-on raisonna- blement espérer réussir, un Les savants ou les phi losophes qui ne conçoi- vent un être supérieur à l'homme que sous les espè- ces d'un homme porté à la niême puissance, commet- tent done une grave erreur : scientifiquement, rien s'oppose à ce qu'il existe aujourd'hui dans l'Univers (ou.. après-demain sur la LE PROBLEME DES VOYAGES puisse l'atteindre... Quatre ans environ seraient néces- saires pour rallier Proxima Centauri. Si l'on se donne pour objectif la planète la plus proche du Soleil où il y 11 chance de trouver une civilisation scientifi- que, c'est par dizaines. voire par centaines d'an- nées qu'il faudrait chiffrer la durée de l'aller-retour ! A la vitesse de nos fusées actuelles, il faudrait plus de 100 000 ans pour nous propulser jusqu'à Proxima Centauri, l'étoile la plus proche du Soleil. Impossible d'accroitre cette vitesse en se servant de carburants chimiques. Mais avec les carburants nucléaires ? Le probléme ne serait pas, pour autant, réglé... Selon la théorie de la relativité, la vitesse limite pour un corps matériel est la vitesse de la lumière dans le vide. C'est là une vitesse dont on ne peut que se rapprocher, sans jamais l'atteindre. Sup- posons, quand même, qu'on Les romanciers d'antici- pation ont imaginé de faire hiberner les cosmonautes pour leur permettre d'arri- ver à destination dans un bon état de fraicheur... encore, le ou de peupler les vais- « bon sens» (et pas mal seaux spaliaux de véritables de savants) répugne à ces Certes. A plus forte raison, si nous considérons des espè- ces n'appartenant pas (comme le singe et l'hom- me) à la même série évolu- tive, mais à des séries différentes, comme les in- EN FORME DE DISQUE, CETTE NÉBULEUSE, RÉPLIQUE DE LA VOIE LACTÉE, EST A 300 000 ANNÉES-LUMIERE DE NOUS. sectes et les mammifères. Les multiples points blancs sont des étoiles, autour desquelles gravitent des planètes qui sont peut-être habitées. la situation se complique bien plus encore. Le singe jour, à atteindre, grâce au sociétés humaines: les anticipations qui paraissent rer à quoi peut ressembler le monde extérieur véhicule intersidéral atent comme nous le voyons nous ne cessons de rêver, te'est la qualité intrinsèque le sol de ces lointaines pla- de notre cerveau qui fait netes? auteurs de toute notre supériorité), au de certains insectes, telles les abeilles, il demeure in- capable de comprendre leur psychisme, d'analyser qu'ils ressentent, Quant à l'insecte, la question de communiquer avec l'homme ne se pose même pas pour lui... d'Einstein, comptent, eux. sur la contraction du temps aux très grandes vitesses : la Terre aurait vieilli, dans l'intervalle, d'une centaine d'années (3). Des calculs plus poussés ont établi que, dans un ave- nir... indéterminé. l'explo- ration de l'Univers entier pourrait être réalisée au cours d'une vie humaine... à condition de disposer d'un carburant aux capaci- tés énergétiques suffisantes. Plus on va vite, moins on vieillit. » Somme toute, un engin ultra-perfectionné pourrait prendre des rac- courcis à travers le temps. et, tandis que les Terriens vulgaires continueraient de vieillir au rythme ordi- naire, les passagers de cet engin resteraient jeunes beaucoup plus longtemps. Les calculs démontrent que, si une fusée pouvait aller dans la Lune et en revenir à une vitesse très proche de celle de lumière dans le vide, ses occupants ne vieilliraient, pendant que de quelques années, tandis que leurs contemporains demeurés sur le plancher des vaches seraient morts depuis longtemps, puisque voyage, UNE PHYSIQUE TOUT AUTRE netre que desacroba- ties de théoriciens. Mais M. Pierre Guérin nous met en garde contre ces limites arbitrairement assignées au progrès de la science. Qu'on songe à tous les « para- doxes qui, au cours des siècles, sont devenus des réalités ! Il est de fait que la bombe atomique réalité doit concrète, s'il en est son existence à des calculs qui semblaient purement abstraits... « espace à quatre dimensions fit scandale. Il a aujourd'hui droit de cité dans l'univers scienti- fique. Pourquoi demain... ou après-demain, n'en irait- il pas de même avec Iespace à cinq dimen- sions ou plus? Ne crions pas trop vite à l'utopie! Par conséquent, s'il est ridicule d'affirmer, dès maintenant, que les voyages interstellaires seront possi- bles un jour, il est pré- somptueux (et antiscientifi- que) de déclarer qu'ils ne le seront jamais. Tout dépend, non pas du perfectionne- ment de notre physique actuelle, mais de l'avène- ment d'une autre phy- sique, renouvelant les don- nées du problème, comme Einstein l'a fait avec la physique traditionnelle, il y a plus d'un demi-siècle. A quoi ressembleront ces le appareils à explorer Cosmos, s'ils doivent exis- ter un jour ? Nous ne pou- vons rigoureusement rien en savoir. Nous ne pouvons pas plus les concevoir que nous ne pouvons nous figu- (3) Voir Noir et Blane n 1185, pages et 1. Tout ce que nous pou- vons dire avec certitude. c'est que ces engins ne seront des pas fusées xx siècle, dotées de tous les perfectionnements pos- sibles et imaginables. Ce seront d'autres machi- nes, essentiellement diffé- rentes, et, quand elles pourront être mises en Galaxie, les plus gigantes- service sur la ligne Terre- ques cigares dont l'espèce humaine s'enorgueillit aujourd'hui n'apparaitront plus que comme de vieux ustensiles it remiser magasin des. accessoires. Plus prestement encore que ne le furent les diligences quand le cheval de feu se mit à hennir sur ses rails. Jean BAYEN