VOILA EUROPE MAGAZINE REVUE HEBDOMADAIRE No 505 TRAHISON EN CHAINE BARANES A REUILLY SEMAINE DU 17 AU 23 OCTOBRE 1954 40 DANS CE NUMERO: LE MYSTÈRE DES SOUCOUPES EST RESOLU M. AURIOL EN LIBERTÉ FR ETC., ETC. SOUPE AUX CANARDS un de ses collaborateurs. Mais en regardant de plus près on pouvait distinguer une étrange me dans les yeux de Malenkov a mome où il écoutait les discours et les asts de Khrouchtchev. » Comme le note Pan, hebdoma- daire satirique bruxellois, cette re- grettable indiscrétion grille malheu- reusement une des plus précieuses armes des Occidentaux contre les Russes. Il y a plusieurs mois en ef- fet que les Occidentaux avaient pu se procurer le code interprétatif, ri- goureusement secret, des lueurs ocu- laires de M. Malenkov. Dès à pré- sent, M. Malenkov ne se montrera plus en public qu'avec des lunettes à verres fumés. »> L'ENVERS VAUT L'ENDROIT « Le projet de M. Eden, écri- vait Carrefour en un malicieux bil- Schweppes TONIC WATER let, comme s'ouvrait la conférence de Londres, me paraît génial. Déjà les grands tailleurs, las de retourner les manteaux de leurs clients fauchés, avaient inventé le pardessus réversible. M. Eden in- vente le pacte réversible. On fait un traité pour vingt, cin- quante ou cent ans, dont l'objet est d'empêcher le réarmement allemand. Quand, au bout de cinq, dix ou quinze ans, le réarmement allemand devient désirable, on invite l'Alle- magne à s'associer au traité, dont l'objet devient son réarmement. C'est simple comme l'oeuf de Chris- tophe Colomb. Encore fallait-il y penser. Ainsi ce que Richelieu ní Talley- rand n'avaient atteint le traité éternel sera réalisé, grâce à la ré- versibilité de ses mérites. » AVANT LE DELUGE Les J. 3 tragiques » continuent d'occuper, dans la sensibilité popu- laire et les manchettes de journaux, une place hors de toute proportion avec la valeur significative de quel- ques faits-divers arbitrairement gros- sis. C'est ce que souligne dans L'Express, en termes excellents, un des plus brillants avocats français, M Georges Izard : «Je lis chaque jour des récits de crimes commis par des adultes. Quand il arrive qu'ils aient des jeunes pour auteurs, ils bénéficient d'une publicité spéciale et on les baptise monstrueux. On pourrait soutenir cependant que les folies. même coupables, de la jeunesse, mé- ritent quelque indulgence et que l'expérience et la sagesse qui vien- nent avec l'âge rendent plus mons- trueux les forfaits des hommes mûrs. Mais nous avons pris de la jeu- nesse une conception puritaine : elle est le temps de l'innocence et de la pureté. Nous avons oublié que Ju- lien Sorel est un jeune assassin. L'adolescence n'est pas hors de la vie, il est naturel qu'il y ait la même proportion de héros et de dé- voyés dans la jeunes que dans la maturité. Et à toutes les époques. > Et puisque voici donc une occa- sion de complimenter L'Express, ne manquons pas de rétablir l'équilibre en citant cette prophétie péremptoire que publiait le même numéro : « Ces consultations ne laissent pas de doute sur le verdict du Con- grès de Scarborough: une solide ma- jorité travailliste est hostile au réar- mement allemand. »> Heureusement, on le voit, que P. M. F., en traçant ses plans, n'écoute pas ses 41 conseillers >>. Pour l'extra-lucidité, il serait mieux. servi chez Mme Blanche ou chez cette Mme Ariane dont, soit dit en passant, je trouve le nom dans Elle, en une publicité qui vante ses talents de « medium aux visions co- lorées. » AVEC LES POM-POM... Le chroniqueur de Paris-Presse, Jean-François Devay, se montre dé- cidément curieux de tout. Il a feuil- leté un document d'aspect rébar- batif que peu de ses confrères au- raient l'idée d'ouvrir la Statistique des interventions du régiment des sapeurs-pompiers de Paris. Il n'avait pas tort. Grâce à lui, nous. saurons désormais qu'en un an ce régiment d'élite a récupéré quarante-cinq chats qui s'étaient ré- fugiés dans les arbres et (croyez-le ou non), quatre boeufs, de beaux gros boeufs qui s'étaient fourvoyés dans des excavations de la région pari- sienne. N'oublions, dans ce tableau d'honneur, ni les cinquante-huit ci- toyens bloqués dans les ascenseurs, ni les six autres particuliers qui s'étaient pris le pied dans une lunet- te de W. C. et furent sortis de cette position embarrassante grâce à l'in- tervention des pompiers sans que, précise la statistique, aucun d'entre eux y « perdit la vie ». Si l'on ajoute à ce rapport les trois somnambules délogés de leur corniche, les cinquante-six essaims d'abeilles écartés du chemin et quel- ques autres services plus obscurs, on trouvera bien remplie la vie des sa- peurs-pompiers parisiens. On au- rait tort d'oublier, toutefois, qu'ils trouvèrent également le loisir d'éteindre quatorze mille huit cent trente-quatre incendies et feux. Comrades in Arms Sir: There must be some mistake! The picture of Gina Lollobrigida . looks more to me 29 United Press MALENKOY GINA (AGED I) like Georgy Malenkov. Please check. This comes as quite a blow. JOSEPH LAROSA Un lecteur de « Time» a été frappé par une ressemblance, qui, en effet, est saisissante ! LE MYSTERE « DES SOUCOUPES >> EST RESOLU PETER POURQUOI J'Y CROIS? Pourquoi y croire ? C'est la première question à poser. Parce qu'on les a vues. Des mil- liers de gens en attestent et, chaque jour, de nouveaux témoins se pré- Appelons-les « soucoupes volantes » (ou même « cigares volants ») puisque c'est la termino logie à la mode et partons du principe qu'il n'est pas plus insolite d'y croire que de n'y pas croire. J'y crois. Cela n'empêche, évidemment, que beaucoup d'inconnues subsistent ou subsis- taient. C'est de cela que je vais vous entretenir. sentent. Je ne vais pas passer mon temps et vous faire perdre le vôtre à rap- peler par le menu le détail des dépê- ches que les journaux publient à tout instant, en provenance des pays les plus divers, signalant avec force détails l'apparition d'un de ces monstres volants. PAR Chaque fois, on dit qu'il s'agit « probablement » de quelque méfait de l'imagination, d'une hallucination (fût-elle collective). Mais on n'en étudie pas moins les symptômes et on constate que si beaucoup de cas signalés peuvent s'expliquer par des causes naturelles, il en reste qui de- meurent totalement inexplicables. C'est même pour cela que des pays qui ne sont pas absolument démunis de bon sens ont créé des services et des observatoires char- gés de tirer, si possible, la chose au clair. Il y a d'ailleurs un mot qui est entré dans la langue nouvelle inter- HAY MES nationale et qui s'écrit UFO (Uni- dentifiable Flying Object, objet vo- lant non identifiable) qui dit, à lui seul, qu'on ne peut tout expliquer. qu'il reste donc un mystère. Ce mystère, comme beaucoup d'autres, s'expliquera un jour. J'ai « mon » explication, elle va suivre. Car il serait audacieux de prétendre d'ores et déjà qu'il s'agit-là d'un phénomène quelconque, naturel ou sans intérêt. quand rien ne permet de l'affirmer. montré Il est vrai que rien non plus ne permet d'affirmer le contraire, et que l'on peut fort bien aussi ne s'en te- nir qu'à ce qu'on a vu, de ses yeux vu. et n'admettre que ce qui est dé- et expliqué valablement. C'est une position qui en vaut une autre. Mais il sera permis de dire que si l'on ne s'en tenait qu'à ce qu'on a réellement vu et compris, le monde ne serait pas loin, bien des croyances s'effondreraient. C'est pourquoi on peut bien croire parfois à l'incroyable, ouvrir la por- te au mystère. Il faut faire confian- ce au mystère. Sauf quoi, on res- terait singulièrement démuni. on n'avancerait pas beaucoup. POURQUOI PAS MIEUX AILLEURS QU'ICI? L'homme qui se croit l'être le plus évolué et le plus intelligent qu'on puisse concevoir est tout naturelle- ment porté à douter de la réalité des « soucoupes ». Pourquoi? Pour la seule raison que ce n'est pas l'hom- me, semble-t-il, qui les a inventées. parce qu'au surplus, il n'y a rien là qui soit explicable à notre mesure. Quant à admettre qu'elles puissent venir d'une autre planète, l'immen- se majorité des gens s'y refusent ab- solument. On a beau avoir fait déjà beaucoup de plaisanteries et de sup- positions quant à Mars ou Vēnus, il faut bien dire que si l'existence de ces planètes est indéniable, et que si même il peut s'y trouver une certaine forme de vie, l'homme or- gueilleux que nous sommes ne se ré- soud pas à accepter que cette vie puisse être « intelligente ou sup- portable. Evidemment, non, elle ne serait pas supportable pour un être hu- main, mais pourquoi ne le serait-elle pas pour un Martien ou un Vênu- sien? Et pourquoi le Martien n'au- 8 rait-il pas une intelligence à lui, dont nous ne saurions évidemment avoir la moindre idée, mais qui pourrait fort bien être supérieure à la nôtre ou avoir évolué dans des domaines qui ne nous sont même pas pensables? Dans ces conditions, il n'est pas exclu qu'il fasse bon vivre dans Mars, pour autant qu'on soit Mar- tien, bien entendu! Et il n'est pas. exclu davantage que le Martien moyen soit mille fois plus heureux que l'économiquement faible de nos charmants pays. TOUT EST POSSIBLE Si l'on admet cela. on peut ad- mettre aussi que ces êtres inconnus peuvent être plus avancés, plus in- génieux. plus habiles que l'homme. Et. dès ce moment, on doit tout ad- mettre. Déjà d'ailleurs. à notre petite échelle humaine, on ne voit plus de limite à l'invention et au progrès. Nous parlons calmement d'aller dans la lune bientôt, et on ne tient plus pour des fous ou des rêveurs. < Un Martien m'a donné l'accolade >>, nous dit, avec le plus grand sérieux M. Mazaud, cultivateur dans la Corrèze. ceux qui s'attachent à cette réali- sation. Donc, tout est possible. On s'en rend davantage compte chaque jour, et il devient urgent de nous débar- rasser de ce scepticisme congénital qui nous porte à toujours nier ce que nous n'avons pas vu ou que nous ne comprenons pas. Au sur- plus, le passé est là, pas très loin- tain, pour nous donner des leçons de modestie: quelqu'un du moyen âge aurait cru à la télévision, il au- rait été brûlé en place publique; même plus tard, il suffisait d'affir- mer que la terre est ronde pour que ça ne tourne plus rond pour l'auda- cieux qui proférait de telles héré- sies. Aujourd'hui, heureusement, le supplice n'est plus de mise pour ceux qui croient à l'existence de « soucoupes > venues d'autres pla- nêtes; on se borne à tenir ces gens- là pour des farceurs ou des illumi- nés. Pour moi, je crois qu'on peut tout imaginer et prédire, même le plus audacieux et le plus impensable, on sera toujours en deçà de ce qui sera un jour la réalité, on ne pêchera ja- mais que par excès de réserve. La seule chose qui me ferait dou- ter que les « soucoupes viennent d'une autre planète, c'est ceci, qui est très simple, qui tombe sous le sens, et dont nul, me semble-t-il, ne s'avise. Il s'agit d'engins volants qui s'apparentent plus ou moins aux avions. Nos premiers avions n'ont même pas soixante ans. Il n'a donc. fallu qu'un demi-siècle pour en faire ce qu'ils sont aujourd'hui, presque capables de concurrencer les « sou- coupes ». Si ces « coupes» ve- naient d'autres planètes, il serait vraiment stupéfiant que, dans l'in- fini des âges, elles apparaissent exac- tement au moment où l'homme ne semble pas loin de les réaliser lui- même. Il y aurait là une telle coïn- AV e Åle Quelques plaisantins milanais parvinrent à faire évoluer (à l'aide de petites fusées) une véritable soucoupe de métal. cidence d'évolution de deux planètes (dans un temps qui peut fort bien être d'un million d'années) qu'elle est proprement inimaginable. Mais, nous le disions, tout est pos- sible. M. Jean Fontaine, d'Avesne, un passionné d'aviation a réalisé un engin volant circulaire (muni d'un petit moteur à essence de type classique) qui vole parfaitement. QU'EST-CE QU'ON NOUS VEUT? ResVoir ce que ces incon- nus du viennent faire dans nos parages? Il y a plusieurs hypothèses. On a dit qu'ils venaient nous surveiller pour voler nos secrets. Quels secrets aurions-nous à livrer? S'ils ont la « soucoupe », ce sont eux qui sont en avance sur nous. Nous observer pour voir où nous sommes? Ce serait déjà plus plausible. Admettons qu'ils soient doués d'intelligence (ou ce que nous appelons ainsi) et de moyens d'ob- servation et de perception qui nous échappent. Ils savent en ce cas que notre monde, s'il a des mérites, a aussi la manie de se détruire luj- même et d'être perpétuellement en guerre. S'ils sont réellement très in- telligents, ils ignorent la guerre, évi- demment, ou à tout le moins ne la pratiquent pas. Ils peuvent croire que c'est un jeu, ce à quoi nous nous livrons, un jeu cruel dont le sens leur échappe. C'est peut-être de cela qu'ils viennent s'informer? en Voici l'aspect approximatif de l'en- gin qui permettra à l'homme, dans un avenir déjà prévisible, d'attein- dre la lune. Rien ne dit, en effet, qu'ils soient animés de mauvaises intentions. Tout tendrait plutôt à prouver le contraire, puisque, pour autant qu'on sache, ils n'ont jamais fait de mal à une mouche et à un homme non plus. (Quelques aviateurs se sont tués, il est vrai, en allant leur faire la chasse, mais tout donne à penser que si leurs avions ont fait explosion en plein vol, c'était dû à eux et non aux « soucoupes. ) On peut aussi éliminer, à coup sûr, l'hypothèse que les Martiens ou ce qui en tient lieu viendraient pren- dre des leçons chez nous. Il y a tant de choses qui vont mal, et à quoi on pourrait remédier avec un minimum de sagesse et de bonne vo- lonté, qu'il est douteux, si la vie existe dans d'autres mondes évolués au point d'avoir inventé la « sou- coupe », qu'on veuille suivre nos exemples. A moins que ce ne soient précisément pour se rendre compte de ce qui n'est pas à faire ? Cela, c'est déjà plus vraisemblable. Mais la vérité doit être que ces visiteurs inconnus sont des curieux et des farceurs. Apparemment gen- tils, ils s'amusent à nous faire peur.. Disposant de loisirs, ils passent sans doute le temps à explorer l'espace sidéral et à nous sidérer. Pour s'a- muser. Réflexion faite, oui, ce sont cer- tainement des farceurs. Il y en a décidément partout !