TINTIN N°313 21 octobre 1954 Les Martiens existent-ils ? Les planètes sont-elles habitées ? C'est une question que les Terriens se posent depuis longtemps. Galllée fut le premier à énoncer le pro- blème d'une manière vraiment scientifique. Dans ses célèbres « Dia- logues », il fait dire à l'un des interlocuteurs : « Y a-t-il sur la lune ou dans d'autres planètes des plantes et des animaux semblables aux nôtres ? Je ne le sais ni ne le crois... et moins encore qu'elles soient habitées par des hommes. » Quelques années plus tard, Huyghens, père de la théorie ondulatoire de la lumière, exprimait une opinion contraire à laquelle se rallialent, entre autres, Fontenelle et Kant. L'imagination populaire qui, jus- qu'alors, avait vu dans les phénomènes célestes des manifestations de la bonté ou de la colère divine, trouvait un nouveau domaine où satisfaire sa fantaisie. DEPUIS quelques semaines, un peu partout dans le monde, on voit sans cesse des « Martiens ». Du moins de nombreux témoins disent- ils qu'ils en ont vu! Certains en ont même embrassé ! Ces scènes at- tendrissantes sont fort suspectes, les sol-disant témoins n'ayant jamais de preuves de ce qu'ils affirment! Ce sont à peu près à coup sûr, ou des mythomanes, ou des plaisantins. Au surplus, quel plaisir de voir son nom dans les journaux!... Chose curieuse d'ailleurs, les descriptions qui sont faltes des « Martiens » et de leurs « soucoupes volantes » correspondent toutes à l'image que nous ont proposée, depuis quelques années, les romans et les films d'anticipation ! En 1877, l'astronome italien Schiaparelli observa une série de lignes très fines sur la surface de la planète Mars. Leur régularité géomé- trique fit croire à plusieurs savants qu'il s'agissait de l'oeuvre d'êtres doués d'Intelligence, hypothèse qui se trouva renforcée quelques an- nées plus tard, quand Schiapparelli découvrit que certaines de ces lignes se doublaient de lignes parallèles qu'il appela « canaux ». L'idée fit son chemin et le grand astronome américain, Percival Lowel, émit l'avis que les fameux « canaux de Mars» avalent été construits par des ingénieurs dans des buts d'irrigation. Certains spécialistes se rallièrent aux idées de Lowel, d'autres hésitèrent ou, comme Comas Sola, nièrent catégoriquement l'existence d'êtres humains sur Mars. Le mystère des « canaux martiens » continua cependant à stimuler le débat entre astronomes. UNE VIE VEGETALE TRES PRIMITIVE. Depuis, les progrès de la science ont permis de serrer le problème de plus près et, aujourd'hui, l'astrophysique nous fait connaître avec une précision accrue la composition physique des planètes. Deux nou- velles branches de la science, l'étude de la géographie » - si l'on peut dire des corps célestes et « l'astrobiologie » qui recherche la possibilité de certaines formes de vies sur les planètes sont éga- lement susceptibles d'apporter sur ce problème des données intéres- santes. L'un des facteurs déterminants de la vie est la température ». Celle de la Lune varie quotidiennement de 155 centigrades au-des- sous de zéro, à 100 C au-dessus. Il est impossible de concevoir la vie dans ces conditions, du moins une forme de vie que nous connaissions. Sur Vénus, la température oscille entre 250 et + 1100 environ; sur Mercure, elle dépasse 400; tandis que d'autres astres ont une tem- pérature inférieure à 150° au-dessous de zéro. Si l'on songe que, sur la Terre, les minimum et maximum ne dépassent pas 59 et + 60°, ces données, à elles seules, suffiraient à nier l'existence d'une forme de vie quelconque sur les autres planètes. Il convient de faire une exception pour Mars, où les écarts de température sont seulement de l'ordre de cent degrés centigrades (- 69 à +29°). Un autre facteur important pour la vie, est la présence d'oxygène » dans l'atmosphère. L'absence complète d'atmosphère sur la lune et les éléments qui la composent sur les autres planètes viennent confirmer les observations basées sur la température. Encore une fols, dans le cas de Mars, la question reste en suspens. Dans un récent ouvrage intitulé « La planète rouge et verte », un savant américain, le professeur Hubertus Strughold, analyse l'hy- pothèse de la présence d'êtres vivants sur Mars. A la suite d'une étude sur le rôle joué dans la vie par l'oxygène gaz qui n'existe pas dans l'atmosphère de Mars et en tenant compte de facteurs tels que la température, l'éloignement du Soleil, la pression atmosphérique, etc., Strughold conclut à l'impossibilité sur cette planète d'une vie animale ou végétale d'un ordre supérieur. Il n'écarte cependant pas l'existence de plantes possédant une atmosphère interne », comme des lichens et des variétés de mousse très primitives. L'étude des structures mi- croscopiques des tissus de ces plantes permet d'affirmer, écrit-il, que du point de vue physiologique, il n'y a pas d'objection Insurmon- table à l'existence sur Mars d'une végétation d'un certain type ». Strughold envisage également la possibilité dune vie microbienne très primitive, celle de bactéries, par exemple. Mais il qualife de chimère l'idée de a visiteurs martiens » !...