LA VIE CATHOLIQUE ILLUSTREE No-248 16 avril 1950 DES DISQUES EN FORME DE SOUCOUPE Le 24 juin 1947, un aviateur civil américain, nommé Keneth Arnold, declara que, tandis qu'il volait à environ 3.000 mètres d'altitude, des disques en forme de soucoupes lui étaient apparus pendant deux ou trois minutes, filant à une vitesse considérable. Depuis cette date, des phénomènes du même genre auraient été observés des centaines de fois et par des milliers de témoins, princi- palement aux Etats-Unis, mais aussi au Mexique, en Argentine, au Chili, en Océanie, en Afrique et en Europe (notamment en Espagne, en Italie, en France)... Sur la nature ou même l'existence de ces mystérieux engins, on a émis diverses hypothèses que nous allons rapidement passer en revue. FAUT-IL SOURIRE DE L'AFFAIRE ? Il existe même encore actuellement, des gens de bon sens pour traiter par le sourire l'affaire des soucoupes volantes. Il est un fait que les mystérieux engins n'ont guère trouvé de partisans que parmi les journalistes et que les journalistes je le dis à notre honte n'ont généralement pas la réputation d'être omniscients, objectifs, ni même toujours sérieux. A notre époque, ils jouent un peu le rôle d'amuseurs publics et, pour ne parler que de leurs blagues conscientes, on sait que depuis le « canard au ballon d'Edgar Poe, ils ne se sont pas privés de lancer les plus extra- vagants canulars. A la décharge de mes confrères, je voudrais pour- tant citer un fait qui s'est déroulé le 7 janvier 1948, en Amérique. Ce jour-là, précisément à 13 h. 30, la police militaire de Madison- City appela la tour de contrôle de l'aérodrome militaire de Godman Field, à 150 kilomètres de là. Allô! Un objet circulaire d'environ 100 mètres de diamètre vient de nous êtres signalé. Il semble se diriger vers vous. En effet, un quart d'heure plus tard, on aperçut l'engin au-dessus du terrain. L'Etat-Major fut alerté et, deux heures durant, paraît-il, tous purent voir planer la pseudo-soucoupe. Soudain, une esca- drille de chasseurs rentrant à la base surgit à l'horizon. Aussitôt l'ordre est donné aux avions d'aller reconnaître l'apparition. L'escadrille est commandée par le capitaine Mantell, qui a fait ses preuves pendant la guerre. C'est un dur, qui ne s'en laisse pas accroire. Mantell, qui reste en contact radiophonique avec la tour, se met en chasse. Il repère l'engin et tente de le poursuivre à la vitesse A Cleveland, un compresseur géant, actionné par des moteurs totalisant 87.000 CV peut faire passer dans la souffleric, en une minute, 566.360 m3 d'air. de 575 km.-heure. A 15 h. 15, on capte son dernier message. Je monte à 6.000. Si je ne me suis pas rapproché, je reviens. On attendit Mantell en vain. Dans la soirée, on retrouva dans les environs les débris de son appareil éparpillés sur le sol. Le malheu- reux pilote était monté trop haut; faute d'oxygène, il avait perdu connaissance et son avion s'étaiti disloqué en plein vol à une altitude élevée. LES FOULES ONT PARFOIS DES VISIONS Puisqu'il paraît difficile de mettre toute l'affaire sur le compte de T'imagination déployée par les journalistes en mal de copie, on invoque l'hypothèse de l'hallucination collective. On a constaté ce phénomène assez fréquemment dans le passé pour qu'on ne s'y arrête pas. L'aberration dont furent victimes, il y a quelques dizaines d'années, tous les habitants d'une ville française, doit nous montrer avec quelle prudence il faut interpréter des événements de cette sorte. Au début de notre siècle, les habitants de Cherbourg furent mis en émoi par l'apparition d'un disque rouge, qui s'élevait au large, chaque soir, à la même heure. Les autorités s'en mêlèrent et l'amirauté décida l'envoi d'un torpilleur, ayant à bord une commission chargée d'observer ce redoutable et fan- tastique « ballon ». Or la commission découvrit, tout sim- plement, qu'il s'agissait de la planète Vénus... On sait quels ravages peut causer en ce domaine cette maladie contagieuse, qu'on nomme l'espionite. Hélas ! APPARAISSENT PARTOUT DANS LE CIEL l'espionite continue à semer ses germes nocifs dans notre monde écartelé entre la guerre et la paix. LES MARTIENS SONT MIS EN CAUSE Mais à notre époque, les piqués d'espionite ont lu Wells et, d'internationalé, leur maladie est devenue interplané- taire. Jules Verne avait bien prévu le sous-marin; pourquoi Wells n'aurait-il pas prédit la guerre des mondes? Et j'ai entendu des gens, que j'aurais volontiers cru sérieux, exprimer l'opinion que nos fameuses soucoupes étaient envoyées par les Martiens. On connaît actuellement Mars presque aussi bien que la face de la lune, qui nous fait vis-à-vis. Or, Mars nous apparaît comme une planète refroidie où il règne une température glaciale (de +15° -55"). Mars est presque dénuée d'eau et les seules traces de vie qu'on y a décelées jusqu'alors appartiennent à une végétation infé- leure, de l'espèce des algues. On ne voit pas bien comment des Etres qui, au mieux, ressembleraient à des sous-escargots (et c'est encore une hypothèse hardie), auraient pu construire les engins perfectionnés qu'on nous décrit. METEORITES OU ETOILES FILANTES? Certains journalistes se sont appuyés, pour démontrer la nature nterplanétaire des soucoupes volantes, sur le témoignage d'astro- nomes qui ont déclaré avoir relevé sur leurs photos d'observation éleste des traînées, probablement laissées par des corps en mou- ement au voisinage de la terre. Les témoignages des astronomes sont certainement authentiques, omme l'identification aux soucoupes volantes est certainement rronée. Depuis longtemps, les astronomes ont observé ces traces t ils savent qu'elles proviennent de ce qu'on appelle les météorites. Les météorites sont des blocs de matière plus ou moins férugi- euse, qui proviennent probablement d'astres éclatés ou effrités. Ces orps s'enflamment généralement par frottement au contact des autes couches de notre atmosphère et ils se dissipent habituelle- ment en poussière (ce sont les « étoiles filantes »). Plus rarement heureusement pour nous !) ils tombent sur terre en conservant une ertaine masse. Le poids de ces bolides varie de quelques grammes vingt tonnes, PS-530-A On étudie, dans la soufflerie géante de Cleveland imesurant 12 m. 20 sur 24 m. 40), le comportement des avions et engins à réaction supersoniques. AUX U.S.A., ON FABRIQUE DES FUSEES Enfin, nous en arrivons à l'ultime hypothèse : les soucoupes volantes seraient des engins terrestres radioguidés. Ce n'est un secret pour personne que des laboratoires travaillent secrètement, aux Etats-Unis et en U.R.S.S., à la mise au point d'engins propulsés par réaction et télécommandés. Le rideau de fer est presque hermétiquement, tiré sur l'U.R.S.S., mais divers renseignements filtrent d'Amérique encore que le secret recouvre parfaitement le détail des travaux. On se souvient que, peu de temps avant sa mort tragique, M. James Forrestal avait révélé dans son rapport annuel au Congrès en tant que secrétaire à la Défense, que les savants amé- ricains travaillaient à l'élaboration d'engins téléguidés, projetés hors du champ d'attraction terrestre (1). Il est certain que depuis la fin de la guerre, les recherches en ce domaine ont sensiblement progressé. On sait qu'aux U.S.A. on expérimente des fusées et précisément dans la zone où l'on a constaté en plus grand nombre les appari- tions de soucoupes. Il n'est donc pas audacieux de prétendre que certains des témoins, sinon tous, ont réellement vu ces engins en vol. PAS DE QUOI FOUETTER UN CHAT! Tout le mystère, pensons-nous, vient de ce que les autorités tiennent à garder le secret. Cette situation laisse la porte ouverte à la folle du logis: hallucinés, crédules et fumistes s'en donnent à cœur joie. On croit voir, on a vu, on précise que, on décrit ceci et on décrit cela, on brode consciemment ou non... En fait, ceux qui voient réellement des engins ne doivent pas distinguer grand-chose. Il semble se confirmer, à l'heure où nous mettons sous presse, que les fameuses soucoupes sont effectivement des engins à réaction, mais, non téléguidés. Cependant, les autorités restant muettes, on en est encore réduit aux conjectures. Il se peut que les spectateurs soient, par exemple, victimes d'une illusion; cette illusion aurait pour ori- gine les ondes de choc, reflétant de façon concentrique les flammes qui s'échappent de la tuyère tout comme dans un avion àréaction. Notons qu'on a surnommé certaines de ces fusées: bouteilles de lait. En somme, dans cette histoire de soucoupes et de lait, pas de quoi fouetter un chat! Pourvu qu'on ne casse pas la vaisselle, tout ira bien. Sylvain ROCHE. (1) Voir nos numéros 184 et 219.