Le Meilleur 19 janvier 1974 (part 02) de la presse surpris que le speaker s'exprime avec une telle aisance, dans l'état d'âme où il devait être. Sans même s'être concertés, ils avaient jeté dans leurs valises tout ce qui leur tombalt sous la main et, sans penser à éteindre le poste, ils s'étaient rués dehore. Partir... Vite I... Dans quelques minutes, 11 serait trop tard... Où ?.... On verrait... Male, déjà, leur immeu- ble était plein de galo- pades. Les interjections fusalent: Quelle horreur 1... Comment une telle chose a-t-elle pu arriver ?.... Jenny, tu n'as pas oublié Tom ? Je ne le vois pas... etc.. Ils mirent 5 mi- nutes pour descen- dre les 4 étages, car l'ascenseur était toujours en mouve- ment. PANIQUE Dehors, ils refle WEND ment, un feuve de voi- tures qui se poussaient du pare-chocs, et dont les conducteurs s'invecti- vaient de la voix. Le garage était proche, mais c'était un problème d'y arriver. In cebule, le me Que se passe- t-il donc ? demanda un passant ingénu qui ren- trait chez lui après un apéritif en ville. -Les martiens arrivent.... Sans plus réflé- chir, l'homme se mit à courir dans la rue, suivant la foule Les mar- tiens sont dans le Bronx L... » . Bulck en provenance de Central Park ». Tous les véhicules qui sul- valent vinrent s'emboutir les uns dans les autres avec un bruit de ferraille, bloquant tout. La fièvre atteignait son paroxysme. Quelques bobbies. envoyés d'urgence, après une rapide enquête de police, crlaient de toutes leurs forces : Toute la ville semblait prise d'hystérie, de ter- reur. Ce n'était pas 100, mals 10.000 voitures, de ces grosses bagnoles qui font si bien sur les auto- routes et si mal dans les Tues, 100.000 qui vou- laient à tout prix sortir de l'enfer imminent. New York était une chaudière bouillonnante de carburateurs angoissés. Le premier accident grave se produisit, natu- rellement, à l'intersection de Broadway et de la 5 Avenue. Une Olds- mobile. gavée d'une charretée familiale, venant de l'Est, coupa fit- téralement, une grosse . Vous êtes fous 1 Rentrez chez Vous I... C'est un bobard t On ne les entendait s'éloigner jusqu'à épuise- ment de ses forces... Les talons d'Ethel se cassè- rent et elle pleura. Mar- che sur tes bas !... com- manda Jérémy sans s'arrêter... Petit drame. Sous le regard de la . Liberté de pierre, la capitale vivait une tragé- die. Non seulement toutes les voies étaient irrémé- diablement bloquées, mais de plus, des milliers de drames se noualent UNE VILLE PRISE AU PIEGE DE LA TERREUR même pas. On poussait dans tous les azimuts. Un comme des bêtes pour mart, ayant appris la forcer le passage. Bien menace en ville, rentra entendu, faute d'y par- chez lui bien avant l'heure venir, un cow-boy surgit prévue. Il trouva sa d'un capot, sortit son femme trop près de son Colt et se mit à tirail- meilleur ami pas assez ler. ler, ne causant, par větu. Il les tua l'un et miracle, que des blessu- l'autre. Un cardiaque res peu graves. Quand il qu'on réveilla en sursaut eut vidé son chargeur, on Vite papa ... les mar- le lyncha. tiens arrivent.... eut un braf bref hoquet et trépassa. On laissa aux martiens le soin de l'enterrer. Au bord de l'Hudson, il y eut un accrochage entre deux autos. La fille était dense. Price. Il s'ensuivit que les deux véhicules furent projetés dans la rivière pour lais- ser le passage. On ne a occupait plus des détails. jusqu'aux petites heures | du jour. Quand on put faire le bilan de cette nuit dan- tesque, on comptabilise, à part les morts, plusieurs de blessés, centaines Serie trais cas de folie, plu- sieurs centaines de rup- tures conjugales (des maris qui avaient, en kantut fuyant, oublié leur épouse ou choisi leur maitresse). Un grand nomb nombre de cam- com briolages. Ce qui prouve con que quelques-uns avaient ya uch gardé la tête froide. Les compagnies d'assurance- auto perdirent d'un seul coup les bénéfices de trois ans d'exercice et durent augmenter leurs primes. Dix policiers étaient hospitalisés pour dépression nerveuse. Le bilan des faits extra- ordinaires fut aussi, à la fois puls riche et plus varié que n'en pouvait rêver aucun journaliste. Des dizaines de per- sonnes vinrent, spontané- ment, se présenter à la police pour affirmer avec la plus ferme conviction qu'elles avaient été pour suivies par des martiens, qu'elles les avaient vus, sentis, entendu leur souf- fle rauque dans la pour- suite. Aujourd'hui, il est le monstre sacré du cinéma En une heure un radio-reporter Ce cri prématuré n'était fait pour opaliser les fuyards inconnu s'acquiert la célèbrité Or, en fait, il était presque impos- sible de fuir. Les policiers à qui l'on avait expliqué ce qui se passait, haussaient les épaules, ce qui les faisait entrer dans de si violen- tes colères que leurs gar- diens se demandaient si, quelquefois... Dans un poste de police proche de Madison Garden, une femme écheve- lée pénétra en hur- lant, les yeux fous : «Je viens, affir- moit-elle, d'être vio- lée par des mar- tiens... Des brutes sadiques, des obsé- dés sexuels redou- tables... » Il va de sol que ces incroyables témoignages étaient immédiatement répercutés et grossis dans la masse des pani- quards. Les Smith, ayant réussi, à grand-peine à sortir leur Ford comprirent qu'ils n'iraient pas plus loin, tant l'encombrement était confus, malgré les sifflets des flics que nul n'écoutait plus. Une seule ressource fuir à pied, A tel point que, malgré les démentis officiels, un colonel prit sur lui de se diriger à la tête d'une colonne de Marines », tous volontaires Simples anecdotes... La affronter les féroces pagaille alla crescendo ennemis du genre humain. La semaine prochaine : le canular de la jambe greffée L'émission avait duré, d'un seul souffle, près d'une heure. Mais bien avant sa fin, les respon- sables de l'autorité avaient employé tous les moyens possibles pour démystifier l'opinion. Ce fut très difficile. Il y avait toujours dans cha- que groupe de citoyens en déroute quelqu'un qui avait vu, de ses yeux vu... Bien entendu, il n'y avait pas eu plus de martiens en Amérique que d'eau de Cologne dans la mou- tarde anglaise. UN NOMME ORSON WELLES Quand la frayeur fut dissipée, des centaines de dupes et de victimes se ruèrent aux studios. de la C.B.S. pour faire un mauvais parti à l'auteur du gigantesque canard. Heureusement pour lui, Il avait disparu. Caché dans une pro- priété de la banlieue de le capitale, il se deman- doit s'il devait rire ou s'inquiéter d'un succès dépassant toutes ses espérances. Il dirigeait alors une troupe théâtrale qui don- nait une pièce chaque semaine sur l'antenne de la C.B.S. L'idée leur était venue de monter une pièce adaptée de la Guerre des mondes », de H.-G. Wells. Les acteurs en avaient même commencé les répétitions, mais ils suivalent mal. C'est trop gros ! Le public ne marchera pas. Nous allons nous faire sif- fier, dirent-ils à l'auteur. Essayons quand même... avait dit le pro- ducteur. Et, sans annonce préa- lable, ils avaient joué en direct le premier tableau puis, enchainé. Quand ils apprirent lo tournure que pre- naient les événements, certains avaient pensé interrompre. Mais, al- lez donc arrêter le jeu de comédiens qui tien- nent un aussi total succès... On a, depuis, re- trouvé et pardonné, à la faveur du génie, le trop audacieux met- teur en scène. li se nommait, il se pour nomme toujours, Or- son Welles.