France-Soir 07 novembre 1970 LE DOSSIER DES Des Terriens EXTRA-TERRESTRES cosmos s'ils sont « congelés » Froluce soir + Nou. 70. F I n'y a absolument au- cune preuve, à l'heure ac- tuelle, que les objets volants non identifiés, « aperçus » par des millions d'hommes depuis vingt ans, soient les véhicules de visiteurs extra- terrestres. Mais l'hypothèse que des contacts puissent être pris entre les terriens et les civilisations d'autres planètes n'est pas exclue par les savants. C'est ce que vous expose en pré- publication dans France- Soir le livre de Fran- çois Biraud et Jean-Claude Ribes (à paraître le 9 no- vembre Editions Fayard): Le dossier des civilisations extra-terres- tres ». Dans un premier ar- ticle, vous avez lu les plus fantastiques récits de ceux qui ont rencontré soucou- pes, cigares et « martiens ». Aujourd'hui, vous allez ap- prendre comment les hom- mes pourraient rendre vl site à de lointains habitants de l'espace. aux L (Voir France-Soir du 6 novembre.) A durée des voyages cosmiques reste le han- dicap majeur auquel se heurte l'homme qui dé- sire explorer l'espace. Et il semble bien qu'il n'y ait que deux solutions pour « gagner du temps »: soit accélérer la vitesse, soit ralentir la vie. Cette seconde solution qui fai- sait sourire les amateurs de science fiction, il y a quelques dizaines d'années encore, peut maintenant être envisagée sé- rieusement, notamment depuis la découverte, puis l'utilisation devenue courante en médecine de l'hibernation. Le froid arrête la vie. Il ne la tue pas. Sur le plan des princi- pes, rien ne s'oppose donc plus au prolongement indéfini de la vie sous forme congelée. Les problèmes technologiques qui se posent pour parvenir à hiberner les hommes pendant de longues périodes demeurent, bien en- tendu, très nombreux, mais on peut raisonnablement espérer parvenir à les résoudre bientôt. Arthur C. Clarke imagine de façon très rationnelle cette ap- plication de l'hibernation. Dans l'un de ses ouvrages, en parti- culier (1), l'équipage du vaisseau spatial destiné à explorer les en virons de Saturne est hiberné par fractions. Si bien que, pen- dant les années de voyage qui séparent les astronautes de leur objectif, des tonnes de vivres peuvent être économisées et les hommes sont frais et dispos à leur réveil. Clarke confie la per- manence à deux astronautes seu- lement, assistés d'un robot. A eux trois, ils sont bien suffisants pour assurer le contrôle des ins- truments, un voyage aller-retour d'une quinzaine d'années peut être envisagé sans invraisem- blance. Le frère jumeau devient un vieillard Pour réduire la durée, au moins apparente, des voyages interstellaires, 11 faut tenir compte d'un phénomène pure- ment physique qui peut nous alder et qui est dů à l'effet rela- tiviste de contraction du temps. On le connaît sous le nom de * paradoxe du voyageur de Langevin... Il y a plusieurs façons d'abor- der la relativité. Comme nous ne voulons pas entrer ici dans des calculs ma- thématiques, disons seulement que le temps n'a pas la valeur absolue que nous sommes tentés de lui attribuer. Il dépend du pourront naviguer 15 ans dans le (1) A.-C. Clarke : 6 2201, l'odyssée de l'espace» (Ed. Ro- bert Laffont), 1968, d'après lequel a été tourné un grand film. Proxima du Centaure, comme il faudra toujours un millénaire pour faire un voyage de 500 an- nées-lumière. sera système dans lequel on le me- sure. Ainsi, le temps qui, pour moi, s'écoulera entre aujour- d'hui, midi, et demain, midi, ne pas nécessairement de vingt-quatre heures pour un au- tre. Il dépendra de ce que j'au- rai fait entre ces deux instants. De la même façon, le a ban- lieusard qui va tous les jours travailler à Paris trouve naturel que, le soir, sa montre indique la qui sont chez lui. Mais ce n'est qu'une illusion due au fait que la vitesse des trains de banlieue est sans com- mune mesure avec celle de la lumière En fait, sa montre a pris un très léger retard. Des placements scientifiques même heure que les pendules à très long terme Si un voyageur s'éloigne de nous en accélérant jusqu'à attein- dre une vitesse voisine de celle de la lumière, freine pour s'arrê- ter et revient ensuite de la mê me façon, le temps, pour lui, se sera écoulé bien plus lentement que sur la Terre. S'il a laissé à la maison un frère jumeau, il retrouvera, à son retour, un vieillard chenu alors qu'il sera encore lui-même dans la force de l'âge ! Pour illustrer cet exemple, supposons que notre voyageur soit animé, à l'aller comme au retour, d'une accélération cons- tante, égale à celle que nous supportons sur Terre, c'est-à-dire l'accélération d'un corps qui tombe: 10 mètres-seconde par seconde. S'il s'éloigne à 800 an nées-lumière de nous, son voyage aura duré vingt-sept ans. Mais la Terre et ses habitants auront, quant à eux, vieilli de plus de quinze siècles. Qu'il s'agisse done de la « contraction du temps ou de l'interruption par le froid de la vie de l'équipage, solutions qui rendent supportable la durée des voyages pour les passagers, il n'en reste pas moins que le temps écoulé pour ceux qui attendent sur Terre n'est pas raccourci pour autant. La théo- rie de la relativité permet d'ap- procher aussi près que l'on veut. de la vitesse de la lumière, sans l'atteindre, Mais il faudra tou- jours huit années terrestres pour effectuer un aller-retour à Dans ces conditions, il est évident que de telles aventures scientifiques n'exigeraient pas seulement une abnégation totale des cosmonautes, mais aussi celle des techniciens « au sol > qui n'auraient pratiquement au- cune chance de bénéficier des informations recueillies par les vaisseaux cosmiques qu'ils auraient envoyés. Ces entre- prises deviendraient affaires de générations, voire de siècles. Il s'agirait en quelque sorte de * placements scientifiques à très long terme, effectués par des hommes désintéressés et suffisamment organisés pour pouvoir prendre le relais de gé- nération en génération. Encore faudrait-il espérer que les Ter- riens n'auraient pas, au bout de quelques années, décidé de ne plus s'occuper de l'espace ou perdu toute ambition de le conquérir, abandonnant les congelés du cosmos à leur triste sort. Il se greffe là-dessus, un autre problème délicat. Si les Terrlens mettent en route leurs expédi- extra-terrestres quand tions leurs moyens technologiques sont encore rudimentaires, les voyageurs partis les premiers risquent d'arriver après ceux qui auront bénéficié des der- niers progrès techniques ! On imagine l'amertume, le déses- poir, de ces hommes réanimés après des dizaines d'années pour vivre enfin leurs rêves et accueillis sur place par les sou- rires goguenards de leurs arrière-arrière-petits-enfants...