DEUX-DH -Mercredi 26 juillet 1978 Nos frères Un du cosmos par CARL SAGAN 000 suite de la page 1 Après de longs et complexes calculs, le professeur Sagan et nom- bre de ses collègues ont établis que dans notre seule galaxie - la Vole lactée il doit normalement y avoir environ un million de civill- sations. Pour Sagan, il est nécessaire que nous en communication avec ces frèr montre comment cela est aujourons tout pour entrer possible et à peu de frais. qu'il pourrait en résulter pour l'humanité un bouleverse- ment et un enrichissement tels qu'elle n'en a sans doute jamais connus. P ENDANT toute notre Histoire, nous avons re- les étoiles gardé et nous nous sommes de- mandés si l'espèce hu- maine est unique ou si, quelque part dans l'im- mensité du ciel nocturne, il y a d'autres êtres qui rêvent, eux aussi et qui se posent les mêmes ques- tions que nous, des compagnons de pensée cachés dans le cosmos. De tels êtres, s'ils exis- tent, doivent se considérer et considérer l'univers de façon totalement diffé- rente de la nôtre. Quelque part, il existe peut-être d'autres vies, d'autres: techniques, d'autres socié- tés. Quelles perspectives extraordinaires ouvrirait contact avec so- ciété profondément diffé- rente de la nôtre Dans une perspective. cosmique, plus vaste et plus étendue dans le temps que la compréhen- sion humaine normale, nous sommes tout petits, solitaires et nous nous in- terrogeons sur la signifi- cation, s'il en est une, de notre si chère et si petite planète bleue, la Terre. La recherche d'une intelli- gence extra-terrestre, c'est la recherche d'un contexte cosmi- que généralement que espèce humaine. acceptable pour son sens le plus profond la re- cherche d'une intelligence extra-terrestre, c'est la recher- che de nous-mêmes.. Jusqu'à une époque récente, une telle recherche était im- possible. Aussi grande que solt notre préoccupation, aussi in- tenses que soient nos efforts, nous ne pouvions qu'effleurer la surface du problème. Mais au cours des dernières années, dans la millionième partie du temps de notre existence sur planète, nous avons conçu une possibilité technolo- gique extraordinaire qui nous de rechercher d'autres parons situées à des dis- civilisations tances inimaginables, même si elles ne sont pas plus puissan- Nouvelle fenêtre Cette possibilité s'appelle la radio-astronomie. Ce sont des radiotélescopes isolés ou en batterie, des détecteurs radio ultra-sensibles, des ordina- teurs très sophistiqués qui peuvent traiter les données reçues et aussi l'imagination et l'habileté de savants tout de- voués à cette recherche. Dans la dernière décennie, la radio-astronomie a ouvert une nouvelle fenêtre sur l'uni- vers physique. Si nous sommes assez sages pour le décider, elle peut aussi jeter une lumière éclatante sur l'uni- vers biologique. Parmi les savants travaillant sur les problèmes de l'intelli- gence extraterrestre, quelques- uns, dant je suis, ont tenté d'évaluer le nombre de civilisa- tions de notre galaxie, la Vole Lactée, possédant une techno- logie avancée. De telles éva- luations ne peuvent être que rudimentaires. Pour effectuer un tel calcul, il faut chiffrer un certain nombre de données; le nombre et l'âge des étoiles, ce que nous connaissons bien, le nombre des systèmes planétal- res et la probabilité pour qu'une vie y soit née, ce que nous connaisssons moins blen; la probabilité de l'évolu- tion d'une vie intelligente et la durée d'une civilisation techno- logique, ce que nous connais- sons vraiment très mal. Quand nous faisons ce calcul, le nom- bre auquel nous parvenons, d'en- viron un million de civilisa- tions dans notre seule galaxie. C'est un chiffre stupéfiant et il est grisant d'imaginer la diver- sité de ces millions de mondes, leurs styles de vie et ce qui se passerait s'ils communiqualent entre eux.... Aucune preuve Mais il y a peut-être 250 mil lerds d'étoiles dans la Voie Lactée. Même s'il y a un mil- liard de civilisations, cela si- gnifie que moins d'une étolle sur 250.000 aurait dans son système une planète habitée par une civilisation évoluée. Puisque nous n'avons qu'une faible idée des étoiles qui ris- quent de porter une telle civili- sation, il faut que nous en exa- minions quantités considérables. C'est pouquol, la recherche d'une intelligence extra-terrestre exige des ef- forts importants. Malgré ce que l'on raconte astronautes qui au- jadis, visité notre pla- nète et sur les Objets Volants Non Identifiés (OVNI), 11 n'existe aucune preuve des vi- sites que nous auraient ren- dues d'autres civilisations. Nous en sommes donc réduits à rechercher des signaux venant d'ailleurs. an to T De toutes les techniques à notre disposition, la meilleure est la radio. Un radio-télescope est relativement bon marché, Les signaux radio voyagent à la vitesse de la lumière, plus rapidement que n'importe quel autre objet ou vibration. En outre, l'utilisation de la communication radio n'est pas une activité anthropocen- triste la radio couvre une grande partie de la gamme électromagnétique et n'importe quelle civilisation technique, où qu'elle se trouve dans la ga- laxie, aura découvert la radio comme nous l'avons fait nous- mêmes. Des civilisations très évoluées peuvent fort bien uti-1 liser d'autres moyens de communication avec leurs égaux en technologie, des rayons que, peut-être, nous ne découvrirons pas avant des siècles. Mais si elles veulent communiquer avec des mondes moins évolués, elles ne disposent que de peu de méthodes et la principale est la radio. La première tentative sé- France-Soir 26 juillet 1978 In million de civilisations aloldans notre galaxie ST9in manifestations ? Réfléchissez aux progrès réalisés par notre propre technologie depuis 10.000 ans et imaginez ce que produiraient ainsi de tels pro- grès poursuivis pendant des millions ou des milliards d'an- nées. S'il est des civilisations beaucoup plus évoluees que la nôtre, comment est-il possible qu'elles n'aient pas créé de techniques, d'engins ou même produit des cas de pollution in- dustrielle d'une importance telle que nous les aurions dé- tectés ? Pourquoi ces créatures ructuré la n'ont-e conformé alaxie tout en ment à leurs propres désirs ? Et pourquoi n'existe-t-il pas de preuves définitives de la venue d'extra-terrestres sur notre globe ? Dans un laboratoire d'Ottawa, des techniciens rassemblent des informations venues de l'espace. rieuse pour écouter les éven-I lancées dans un avenir asacz tuels signaux radio émis par proche. d'autres civilisations a s a été mise sur pied à l'Observatoire de radioastronomie de Green- bank, en Virginie de l'ouest, en 1959. Cette entreprise dirigée par Frank Drake qui est main- tenant à l'université Connell, fut baptisée projet Ozma, d'après la princesse imaginée par L. Frank Baum dans son livre d'enfants célèbre en Amérique, Le Pays d'Oz, un lointain et difficile à at- ondre. Drake examina de étoiles prochos, Epsilon Eridani et Tau Ceti pendant quelques et il obtint des résul- aut Le contraire aurait été sur- prenant puisque, comme nous l'avons vu, selon les estima- tions les plus optimistes, il examiner des centaines de mil- Hiers d'étolles avant d'avoir une chance de succès. Depuis le Projet Ozma, il y a eu six ou huit programmes semblables aux ambitions plu- tôt modestes, aux Etats-Unis, au Canada et en U.R.S.S. Aucun d'eux n'a obtenu de ré- sultats positifs. Le nombre total des étoiles examinées à ce jour est inférieur à 1.000. Nous avons accompli environ le dixième du centiéme de l'et- fort nécessaire. Cucloves 1500 antennes à l'écoute de l'espace 250.000 Une étoile sur the etoile sur 250 oloUne étoile aurait dans son système une civilisation évoluée Pourtant, certains indices laissent prévoir que des tenta- tives plus sérieuses vont être Jusqu'à ce jour, tous les pro grammes n'ont mis en jeu que de petits o bien un grand de radioté- ou nombre de petits télescopes. Dans une étude importante réalisée par la NASA et dirigée par Philip Morrison du Massa- chusetts Institute of Techno- logy (MIT), la possibilité et l'intérêt d'une recherche plus systématique ont été puissam- ment ment soulignés. « Oserons-nous attendre encore ? » L'étude contient quatre conclusions principales (1) 11 est maintenant souhaitable et réalisable de commencer la re- cherche sérieuse d'intelligences extra-terrestres: (2) Un pro- gramme important permettant d'obtenir des bénéfices indi- rects appréciables, peut être entrepris un mo- deste; (3) De grandes unités de radiolelescopes à grande puls- sance peuvent être construites sans difficulté: (4) Une telle recherche est intrinsequement une entreprise internationale à laquelle les Etats-Unis pour- raient donner le signal de dé- part. L'étude comprend une pré- face rassurante du R.P. Théo- dore Resburgh, de l'Université « Ratisser >> les espaces Nous avons déjà lancé des véhicules interstellaires lents et modestes Pioneer 10 et 11. Voyager 1 et 2 qui contien- nent de petites cartes de voeux en or de la Terre, destinées à une civilisation déjà parvenue au stade du voyage spatial et qui parviendrait à intercepter ces capaules. Une société plus évoluée que la nôtre, devrait être capable de ratisser les espaces interstellaires avec ef- ficacité et peut-être avec une devenue: Oserons-nous encore ?. Dans le rapport Morrison, un grand nombre d'options tech- niques sont mentionnées, depuis les nouveaux et coûteux télescopes géants installés sur terre, jusqu'aux radiotélesco- Mais pes placés sur orbite. Fétude souligne aussi que des progrès essentiels peuvent être réalisés à petits frais par le teurs radio ultrasensibles et de 1 Les théories des extra-terrestres Au cours de leurs millions d'années de développement, de telles civilisations auraient dü étable des colonies qui, elles- mêmes, devraient pouvoir lan- cer des expéditions spatiales. Pourquoi aucune d'elles n'es- telle parvenue jusqu'à nous? est tentant de conclure qu'il n'existe au maximum qu'un très petit nombre de ci- vilisations extra-terrestres évoluées, soit parce que nous sommes l'une des toutes pre- mières sociétés à avoir appri voisé la technique, soit parce qu'il est écrit dans la destinée d'une telle civilisation, qu'elle se détruit immanquablement avant d'aller beaucoup plus loin. France Soft 26 juillet 78 nieux. O et spirituel- catholique de Notre-Dame, qui| systèmes informatiques ingé- | grande facilité pour capturer affirme qu' une tolle recherche nos vaisseaux. avec nos va- En URSS, a une commis 5, Ilyau leurs sion d'Etat chargée d'organiser les: Le problème mérite l'at- la recherche d'une intelligence tention adsleuse et prolongée extra-terrestre et le grand ra- de beaucoup de professionnels diotéléscope Ratan 600 que Appartenant à un large éven- T'en vient d'achever dit de cons- tl de disciplines anthropolo- truire dans le gues, artiste, kvocats, poliiti- être consacré à cette täche. ciens, philosophes, théologiens et, plus encore, la considéra tion de de toutes les personnes ré- fléchies, qu'elles soient ou non des spécialistes. Chacun de nous doit penser à ce qui résul- tera de cette quête. Cette re- cherche, nous le croyons, est réalisable. Sa conclusion, quelle qu'elle soit, est impor- tante. Oserons-nous commen- cer 7 Pour nous qui écrivons ci, ce n'est plus le problème. est La question, petit à Patten En même temps que la tech- nologie de la radio connaissait des progrès spectaculaires, nous avons assisté à un respect grandissant des scientifiques et du public pour les théories concernant la vie extra-terres- tre. C'est ainsi que les missions Viking sur Mars, furent en grande partie consacrées à la recherche de la vie sur une autre planète. Bien sûr, tous les scientifi- ques n'acceptent pas l'idée de l'existence d'autres civilisa- tions. Plusieurs, qui ont réflé- chi dernièrement à ce pro- blème, posent des questions: al l'intelligence extra-terrestre existe sur un nombre important avons-nous pourquoi n'en faelle de reconnaitre les mani- Il nous semble que cette atti- tude pessimiste est prématu- rie. La valeur de ces argu- ments dépend de notre faculté à deviner correctement les in- tentions d'être beaucoup plus évolués que nous et quand on les examine de près, je pense que ce mode de pensée est l'ex- pression de la vanité humaine. Par exemple, pourquoi nous attendons-nous à ce qu'il soit de pas encore vu les festations des civilisations très évoluées ? Notre situation n'est-elle pas assez proche de celle de tribus isolées de des l'Amazonie qui instruments pour émissions de radio et de télévi- sion dont les ondes les entou- rent ? Il y a, en astronomie, un grand nombre de phénomènes que nous ne comprenons qu'in- complètement. La modulation Pulsars ou l'énergie des quasars pourraient- elles avoir une origine techno- logique ? Ou bien peut-tre existe-t-il une loi galactique de non-interférence dans les affaires des civilisations a sar- riérées ou en vole de dévelop- pement... des Peut-être une période d'épreuve est-elle de régle avant qu'un contact soit jugé souhaitable de façon à nous laisser une chance de nous dé- truire nous-mêmes si tel est notre penchant. Peut-e toutes les sociétés plus évoluées que la nôtre ont- elles réussi à atteindre le stade personnelle et de l'immortenvie de courir la à travers l'univers. prétenourrait bien être une Ce qui velléité typique des civilisa- tions adolescentes. Peut-être des civilisations mares refu- sent-elles de polluer le Cosmos... Une recherche systématique On pourrait dresser une lon- gue liste de ces peut-être. dont nous ne sommes guère en a vraisemn- mesure d'apprécier blance. Le problème des civilisations extra-terrestres me semble en- tièrement ouvert. Personnelle- ment, je pense qu'il est beau- coup plus difficile de dans lequel nous serions la ou l'une des soulos civilisa- tions technologiques, plutôt comprendre un univers- que ouillon giner un Cosmos de vies Intelligen tes. Heureusement, beaucoup d'aspects du problème peuvent être vérifiés expérimentale- ment. Nous pouvons recher- cher les planètes des autres étolles; chercher des formes de vie rudimentaires sur des planètes aussi proches que Mars, Jupiter ou la Lune de Sa- turne, Titan: réaliser des études en laboratoires, plus approfondles, sur la chimie de l'origine de la vie. Nous pou- vons enquêter plus sérieuse- ment sur l'évolution des orga- nismes et des sociétés Le problème exige une re- cherche systématique à long terme, libre de tout préjugé, avec la nature pour seul árbl- tre de ce qui est ou n'est pas vraisemblable, Copyright France-Soir et Sithonian Prochain article: Des messages dans l'espace