MAZINGARBE L'usine-mystère fabrique-t-elle des soucoupes volantes? Q U'ON veuille ou non le traiter sur le plan humoristique (Martien ô mon ami, fais-toi donc reconnaitre), le problème des S.V. (comprenez Soucoupes Volantes dans le langage elliptique du xx siècle) ne s'en pose pas moins avec une acuité grandis- sante et nul, parmi les habitants de Mazingarbe, ne s'étonnera de ce que nous ayons songé à les rapprocher de l'usine-mystère aux détonations in- quiétantes. Des commissions scientifiques extrêmement sé- rieuses ont tenté de trouver une solution plausible autant que rationnelle à l'interrogation qui figure sans doute au premier plan de nos préoccupations actuelles. L'Air Technical Intelligence Centre (ou police technique de l'air en Amérique) a mené une enquête très serrée et extrêmement sérieuse abou- tissant à la conclusion précise que dans 80% des cas élucidés, il s'agissait de ballons météorologiques. L'enveloppe de ceux-ci est faite en effet de polyé- thylène, matière nouvelle ayant, parmi de nom- breuses propriétés, celle d'avoir au soleil de beaux reflets argentés et encore celle de s'iriser de ma- nière remarquable au couchant, gardant même, alors que la terre est plongée dans l'obscurité, de beaux reflets rougeoyants. Un produit miracle Sous le nom commercial de plastylène, le premier polyéthylène français est fabriqué dans l'usine de Mazingarbe. Usine-mystère s'il en fût qui semble se ressentir encore des interdits farouches 'pesant sur la fabrication du polythène pendant la der- nière guerre. Instrument principal de la victoire des ailes anglaises, en permettant à la R.A.F. d'équiper Le Polyéthylène a, pour point de départ, le gaz d'éthylène qui se trouve dans les gaz des fours à coke à une teneur de 1 à 2 %. Le traitement de ces gaz pour en retirer l'hydrogène servant à la fabri- cation de l'ammoniaque donne un résidu contenant de 30 à 40 % d'éthylène, appelé mixtures éthyléniques » et qui était autrefois utilisé pour le chauffage des fours à coke. Aujourd'hui l'atelier de concentration permet de retirer l'éthy- lène de ces mixtures. 70 kilomètres de tuyauteries amènent le gaz du Bassin à l'atelier dont la tâche bien définie a pour objet l'élimination des divers gaz autres que l'éthylène. Pour cela on liqué- fie les mixtures, et on distille le liquide obtenu. C'est dans cette partie des Usi- nes de Mazingarbe qu'au mois de mai de cette année trois ouvriers, un contremai- tre et un surveillant furent mortellement intoxiqués... un petit voyant de verre, permettant de surveiller l'opération en cours, ayant sauté et les ayant plongés ainsi dans une atmosphère viciée. Le port ses avions de radars extra-légers et résistant aux intempéries, ce matériau nouveau (alors ignoré des Allemands), continue à être fabriqué dans le plus grand secret. Les industries chimiques de l'Empire britannique (I.C.I.) possèdent l'exclusivité du pro- cédé pour une période de dix années et les trois usines de polythène fonctionnant en Europe tra- vaillent sous sa licence. Matériau original aux multiples possibilités, le plastylène réunit en effet des propriétés existant rarement toutes à la fois dans les autres matières thermo-plastiques et son extrême intérêt vaut cer- tes que son secret de fabrication soit bien défendu. Extrêmement élastique et très résistant aux chocs, il est idéal dans le domaine de l'électroméca- nique et aussi pour la fabrication de tubes semi- rigides, en vue de l'adduction d'eau et encore pour les pièces industrielles demandant une certaine élasticité. Avec lui les bricoleurs peuvent s'en don- ner à cœur joie tant il est facile à utiliser. Les campeurs et les ménagères connaissent la légèreté et la solidité des objets usuels moulés en plastylène et les jolies voyageuses apprécient tout spécialement la commodité des flacons réalisés en ce plastique flexible et... résistant aux chocs. Sa nature paraffinique lui confère, d'autre part une grande inertie chimique lui permettant de n'être corrodé ni par les acides, ni par les sels et les alcalis, ce qui fait le revêtement idéal pour le bois, les métaux, le verre et le papier... Absolument imperméable à l'eau et à la vapeur d'eau, mais perméable à tous les gaz, le polyéthy- lène, tarte à la crème des matériaux plastiques », voit s'ouvrir devant lui des possibilités d'utili- sation pratiquement innombrables et au premier rang desquelles se situe le marché de l'alimenta- tion. Déjà en Amérique, il sert à envelopper le pain, du masque spécial est désormais obli- gatoire pour tous les ouvriers travaillant dans ces installations, car, le gaz d'éthy- lène est un gaz qui n'inspire la méfiance ni par son odeur (assez agréable) ni par les premiers symptômes qu'il peut provo- quer. Une fois obtenu, il est dirigé vers l'usine où, stocké dans des réservoirs, il est aspiré par des compresseurs qui lui oppliquent une pression de 1.500 kg par cm2. Le gaz comprimé est ensuite envoyé dans des tubes de réaction où, sous l'ef- fet de la température, il se transforme chimiquement en polyéthylène. Il s'agit, en quelque sorte, d'un resserrage des molécules et par conséquent d'une im- portante augmentation de la densité de l'éthylène. La matière ainsi obtenue est une matière thermoplastique, solide à froid et liquide à chaud. Elle est refou- lée par des pompes à travers un orifice rectangulaire et en sort en forme de ru- ban. Le ruban de plastylène est ensuite coupé en petits cubes pour être livré, sous cette forme, aux utilisateurs. les fruits (on cite même des vergers du Canada qui protègent leurs pommes des rigueurs de la tempé- rature à l'aide de petits imperméables en poly- thène), les fromages et la viande. De la viande... aux soucoupes Il est bien certain que la malheureuse expérience de viande conservée sous plastique, tentée dans no- tre région voici un an, n'eût pas échoué si ce plas- tique avait eu la perméabilité aux gaz du plasty- lène. La viande n'aurait pas alors subi une sorte de macération dans son propre jus et serait demeurée parfaitement agréable à l'odeur et au goût. L'usine de Mazingarbe, qui appartient à une société française associant les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, la Sté Péchiney et la Sté des Huiles et Goudrons dérivés, est en fonction depuis février 1954. Son existence a permis à la France de diminuer considérablement ses importa- tions de polyéthylène (qu'elle devait payer en dol- lars et en livres sterling) et de plus d'utiliser pour le mieux l'éthylène qui, auparavant, était brûlé pour le chauffage des fours à coke. Produit noble dont la teneur ne varie pas entre les températures extrêmes de 40 degrés et + 115 degrés, le polythène qui vaut environ 490 F le kilo, sort de l'usine sous forme de petits cubes transfor- més ensuite au gré de l'utilisateur. Le plus léger et le plus translucide des plastiques est-il réellement à l'origine de la plupart des visions «interplanétaires de nos contemporains ? Ceci est une autre histoire dont il ne nous appartient pas de vous fournir la conclusion. Thérèse LEDUC Photos R. FENET.