10 CIGARE VOLANT (suite) Pour A gauche, la célèbre V2, n'était qu'un projectile-fusée, lancé une fois pour toutes et non récupérable, et comportant un appareillage sommaire de guidage automatique. A dr., dernier-né de l'US Navy, le Convair XFY-1, avion à hélice décollant sur la queue, quer ni la reproduire... > Nous avons tenu parole. «Ma grande marotte des bureaux d'études depuis quelque temps, énonce l'ingénieur en souriant, c'est de libérer l'avion des servitudes croissantes du ter- rain. C'est ainsi que sont nés en France le Baroudeur, qui décolle n'importe où grâce à un chariot larga- ble, et qui se pose au retour n'importe où sur le ventre; et le Convair américain XFY1, chasseur à hélice qui démarre carrément posé sur la queue. Mais ces deux appareils ont l'inconvénient d'être lourds et coûteux. > J'ai pensé que le cigare volant devait être avant tout simple et léger, ce qui le rendrait à la fois bon marché et capable de hautes performances. Simplicité et légèreté > Simplicité et légèreté... D'habitude, on conçoit un modèle qui, en construction, s'alourdit progressi- vement d'une multitude d'améliorations techniques destinées à pousser ses performances: tels les réser- voirs en bout d'ailes pour augmenter le rayon d'ac- tion. décoller « Mon coléoptère (dit le professeur Zborowski, qui n'aime pas l'expression « cigare volant »), vole horizontal mais décolle et se pose ainsi. »> à la verticale l'avion. Le remarquable « tuyau de poële» volant de René Leduc possède encore de courtes ailes, monte à la verticale, mais ne peut décoller seul. Le statoréacteur, son propulseur de conception révolutionnaire, est utilisé par Zborowski pour atteindre 2.300 km-h. > J'ai cherché obstinément à simplifier l'avion. L'un des éléments de complication, ce sont les ailes, et toutes les servitudes qu'elles impliquent. Suppri- mons-les!... ou, plus exactement, enroulons-les autour de l'appareil... > Et il déplie devant nous bleus et croquis d'où se dégage la stupéfiante silhouette présentée dans ces pages et sur notre couverture. «Le simple anneau est d'un poids très faible et de construction facile, car il supporte un minimum d'efforts. Il sert simultanément à soutenir le cigare, à caréner le propulseur et à guider l'air vers la com- bustion; enfin, son épaisseur sert de réservoir à car- burant. Quadruple usage qui amène une économie de 20% sur le poids total. > Le carénage annulaire ne résoud pas tout. Une autre idée lui est indissolublement liée. Il est de tradition, depuis que l'aviation existe, qu'un cons- tructeur bâtisse une cellule, et qu'il cherche alors seulement quel moteur loger dans cette carrosserie pour la mouvoir dans les meilleures conditions. C'est ainsi qu'on voit d'habitude un modèle d'avion ou plus exactement une cellule adopter successive- ment, après des tâtonnements expérimentaux, divers propulseurs de plus en plus puissants, lourds et coû- teux. Tout au contraire, j'ai pensé préférable de choisir un moteur et de l'habiller ensuite d'une car- casse, la plus simple possible. > Notre surprise lui donne un contentement discret. Du geste il arrête nos questions. Et, ouvrant le dos- sier Tourisme », il décrit le voyage d'affaires ou de vacances des années à venir : «Le Coléoptère vous attend dans la cour de votre usine, dressé sur ses quatre pieds; le nez pointant vers le ciel. Les voyageurs prennent place dans des fauteuils superposés. Les turbo-propulseurs (j'en ai prévu deux pour la sécurité) se mettent à rugir. L'appareil, poussé par la ruée des gaz et tiré par la double hélice qui vrombit à l'intérieur de l'anneau, quitte lentement le sol. A quelques dizaines de mè- tres, le pilote amorce le basculage vers l'horizon- tale. Pendant ce basculement, les sièges basculent aussi. L'un derrière l'autre cette fois, les voyageurs filent à 500 à l'heure jusqu'à 1.000 kilomètres de distance s'ils le veulent. L'atterrissage peut se faire sur une place ou dans un jardin. > Cigares dans le ciel Construit en petites séries, ce « taxi » devrait, paraît-il, coûter seulement le double d'une belle voi- ture, et s'avérera plus commode à conduire. Rapide comme l'avion actuel, moins fragile qu'un héli- coptère, aussi souple d'emploi qu'une voiture per- sonnelle, il répondra exactement (souligne, Zbo- rowski en souriant) à ce concept de liberté indivi- duelle qui est proprement français. La version « autobus> pourra emmener douze per- sonnes. Quant à l'intercepteur, il réunit des perfor- mances qui semblaient jusqu'ici inconciliables. Sa légèreté même lui permet des allures stupéfiantes pour une énergie relativement faible. Zborowski sem- ble briser à son profit le cercle vicieux qui impo- sait à ces appareils de plus en plus lourds à qui l'on demande l'aller de plus en plus vite des réacteurs de plus en plus pesants. Le nouvel engin décolle sous la poussée d'une réac- teur classique. Une fois lancé, il utilise le stato- réacteur conçu par le Français Lorin en 1907 et patiemment mis au point depuis des années par René Leduc pour son « tuyau de poêle volant ». On sait (voir Semaine du Monde du 18 décembre dernier) que l'étonnante vertu du statoréacteur est que, plus il va vite, et plus il acquiert de puissance. - Ce double moteur ne va-t-il pas consommer terriblement ? - Une consommation n'a de sens qu'en fonction du temps. Parvenu à 20.000 mètres en 120 secondes, cet intercepteur n'aura besoin de tenir l'air au com- bat que quelques minutes. Nous limitons provisoire- ment la vitesse à 2.300 kilomètres: au-delà se pose- ront des problèmes de refroidissement... > Nous avons prévu une version sans pilote. Non pas un engin robot, que l'adversaire peut dérégler, mais un appareil pourvu d'un oeil de télévision. Ainsi, un pilote, commodément installé au sol, le mancu- vrera pratiquement sans risque de brouillage, et pourra le ramener au sol mission accomplie. > Malgré le ton paisible de conférencier du profes- seur il nous restait un doute : CES CONCEPTIONS REVOLUTIONNAIRES, NE CRAI- GNEZ-VOUS PAS QU'ELLES COMPORTENT QUELQUES MECOMPTES AU COURS DES PREMIERS ESSAIS ? AVEC UN IMPENETRABLE SOURIRE, IL A REPONDU : - NE PENSEZ-VOUS PAS QUE LES PERFORMANCES QUE JE CITE SOIENT SEULEMENT LE RESULTAT D'EQUATIONS AU TABLEAU NOIR ET D'ESQUISSES SUR CALQUES. - Devons-nous conclure que déjà des essais... Mais la comtesse de Zborowski pénétrait dans le bureau, précédée des deux charmantes fillettes Almut et Isolde. C'était l'heure de lever notre verre (l'index pointé verticalement vers le ciel, à la mode de l'équipe créatrice du Coléoptère), et de boire à l'incrédulité de ceux qui auront vu foncer dans le ciel ou se plan- ter sur son derrière, filant comme un obus ou évolant comme un oiseau, cet étonnant Cigare volant. Constantin BRIVE, J.-C. SOUM DANS NOTRE PROCHAIN NUMÉRO : Des documents excep- tionnels sur les soucoupes volantes