QUAROUBLE: J'ai vu une soucoupe volante et ses passagers D EPUIS une semaine, les soucoupes volantes ont pris le ciel du Nord pour champ d'en- traînement. En quarante-huit heures, on en a aperçu deux à Amiens et dans la région de Valenciennes. La nouvelle passerait sans grand intérêt si les témoins des exhibitions de ces mystérieux engins ne fournissaient des détails très copieux et qu'il est difficile de ne pas croire quand on a la bonne fortune de cueillir ces impressions de la bouche même des intéressés. On savait que les « soucoupes » avaient une forme ovale, légèrement écrasée. Mais jamais, dans notre région du moins, il n'avait été possible de faire la connaissance, même très rapide, des mem- bres de leur équipage, si équipage il y a. C'est maintenant chose faite, si l'on en croit M. Marius Dewilde, ouvrier habitant la petite commune de Quarouble, à six kilomètres de Valenciennes. Les soucoupes volantes ont leur histoire. Elle a été écrite par un journaliste impartial qui a recueilli un peu partout, et surtout en Amérique, les témoignages des aviateurs et autres ayant rencontré ou cru voir un engin bizarre dans le ciel ou sur la terre. On a précisé à une certaine époque qu'un appareil inconnu avait pu être capturé dans le désert du Mexique, en même temps que les cadavres de deux petits hommes qui consti- tuaient son équipage. Le « black-out» le plus complet fut aussitôt fait sur cette affaire, et l'information n'eut jamais de suite. Etait-elle d'ailleurs valable? Le sau- rons-nous jamais? Pourtant, l'aventure survenue à M. Dewilde nous oblige à rappeler ce court épisode d'une histoire qui n'est pas achevée et qui ne le sera peut-être que dans des dizaines d'années. Ce vendredi soir, vers 22 h 30, M. Marius Dewilde, qui était rentré fourbu de son travail de désableur aux aciéries de Blanc-Misseron, lisait tranquillement dans la cuisine de la maisonnette qu'il habite en bordure d'une voie ferrée inutilisée, au poste 79. Depuis un cer- tain temps, son chien, en liberté à l'extérieur, aboyait. Sans doute avait-il aperçu un lapin en promenade noc- turne. M. Dewilde ne prêta guère attention d'abord à cette agitation, jusqu'au moment où il décida de sortir. A cet instant, le chien fit preuve de nervosité. Intrigué, l'ouvrier regarda aux alentours et s'aperçut avec sur- prise que, à quatre mètres de lui, une forme bizarre, ressemblant tout d'abord à une charrette de foin aban- donnée, stationnait sur la voie ferrée. Dans la nuit, la forme était difficilement définissable. Mais ses yeux s'accoutumant à l'obscurité, M. Dewilde devina un ovale plus marqué. Le chien aboyant de plus belle et des pas se faisant entendre, il pivota sur place pour apercevoir, passant à deux mètres de lui, deux êtres qui venaient de derrière sa maison. M. Dewilde se précipita, et le rayon de sa torche élec- trique frappa une surface vitrée ou de plastique, puis- que l'éclair se trouva renvoyé. La seule image qui s'in- crusta dans l'esprit du témoin fut celle d'hommes petits, engoncés dans une combinaison les déformant et leur donnant une carrure étonnante. La tête, ronde comme une boule, ne pouvait être abritée que par un sca- phandre. Durant plus d'une heure, j'ai interrogé M. Dewilde. J'ai renversé mes questions, enchevêtré les descriptions. Jamais l'ouvrier, reconnu consciencieux et probe, ne tomba dans un piège. - Ma première idée, voyez-vous, fut intéressée. Je savais d'emblée que quelque chose d'extraordinaire m'arrivait. On parlait soucoupes depuis des mois, et cette aventure prenait corps subitement à mes yeux. Je me suis dit que si j'arrivais à saisir un de ces gars bizarres, ma fortune était peut-être faite. Mais, au moment où, dans la nuit, j'ai voulu me précipiter vers eux, un éclair violent venu de la soucoupe, puisqu'il faut l'appeler ainsi, m'a stoppé. Est-ce de l'hypnotisme? J'ignore. Mais, jusqu'à ce que s'éteigne ce rayon, j'ai été incapable de bouger. J'ai voulu crier, et je n'ai pas pu le faire. Je sais que tout cela est fou, mais j'ai deux gosses et une situation stable, croyez-vous que j'inven- terais de telles balivernes ? Je n'ai pas eu peur, mais je fus très bouleversé. C'est seulement quand l'engin s'est soulevé du sol que j'ai retrouvé mes réflexes. Il était trop tard. J'ai couru sur la voie ferrée et j'ai senti le souffle provoqué par la fumée s'échappant du dessous de l'appareil. Celui-ci est monté verticalement de quel- que vingt mètres, je pense, et, brusquement, a accentué sa vitesse en même temps qu'il prenait une teinte rouge. Il disparut dans la direction d'Anzin. Le fait que M. Dewilde se soit précipité à toute allure, en pleine nuit, vers la gendarmerie distante de plusieurs kilomètres, prouve qu'il tenait à mettre les autorités au courant de son aventure dans les délais les plus brefs. Il eut d'ailleurs du mal à se faire recevoir à la gendar- merie et raconta son histoire à la police. Le lendemain, on venait faire des premières constatations sur place, et c'est la police de l'air qui découvrit sur les montants. de bois de la voie ferrée des traces qui auraient pu être laissées par la « soucoupe ». Elles consistent en éraflures régulières qui sembleraient faites par des crampons ou des griffes. Des cailloux qui se trouvaient également à l'emplacement présumé de l'engin ont été saisis par les enquêteurs pour subir des examens chimiques. M. Dewilde dit-il la vérité? Il serait difficile de croire une telle déclaration si d'autres témoignages n'étaient venus précéder celui-ci. Les deux personnes qui, dans la région amiénoise virent une soucoupe se poser en plein jour et disparaître sans le moindre bruit seraient- elles donc ensemble des illuminées ou des hallucinées ? L'intérêt subit porté par les autorités à cette affaire semble de nature à renforcer une certaine crédulité. Il est certain que les soucoupes » ne constituent plus un mythe à la longue. Mais faut-il accorder à leur exis- tence ces caractères de « science fiction »? L'avenir nous l'apprendra. De toute façon, M. Dewilde est persuadé de ce qu'il a vu, mais aussi de la visite des étranges voyageurs de l'engin dans son jardinet. Les deux portes des barrières, fermées tous les soirs, ont en effet été retrouvées ouvertes. Perdu dans une nature qui n'appartient qu'aux vaches et aux arbres, le lieu d'atterrissage était rêvé pour des aéronautes discrets. Mais il apparaît qu'ils sont passés bien près des fils électriques, et qu'une voie ferrée n'a jamais été un lieu de repos idéal. Dans toute la région, on parle, bien entendu, de la « vision de M. Dewilde. Les sceptiques disent : « C'est un Parisien », comme si tous les Parisiens étaient des blagueurs ! Les autres assurent : « C'est un homme posé, et qui ne pourrait inventer une chose pareille. > Avec le calme et l'assurance des gens sûrs d'eux, M. Dewilde a dessiné pour nous ce qu'il a vu. Il affirme sa sincérité la plus absolue et ne regrette qu'une chose : n'avoir pas été le premier à pouvoir se saisir d'un pas- sager de soucoupe. Alors... sa fortune était faite, comme il l'a dit. Guy SALIGNON (Photos LEMPEREUR) Marius 0 Dewi