De Mars à Brocéliande Le nouveau mythe с E fut amusant pendant quelque temps, ce carrousel de vaisselle volante... Mais il est bien connu que les histoires sont d'autant meilleures qu'elles sont plus courtes. Et pour être devenue universelle et quotidienne, l'affaire a beaucoup perdu de sa saveur. Parce qu'ici notre métier nous interdit de l'ignorer, elle nous a main- tenant saturé l'esprit de commentaires, de témoignages, de démentis, d'hypothèses. Elle nous fait, au long des jours, harceler de questions, subir la théorie personnelle du monsieur qui contrebat effronté- ment les prudents propos d'Ananoff ou d'Oberth. Elle nous jette au cour d'une psychose dont nous sentons sur nous-mêmes la menace. Parce que nous appartenons en- par ailleurs, ils avaient surtout les core à la décroissante catégorie de enchanteurs et les fées, les lutins ceux-qui-n'ont-rien-vu , ne et les elfes. Et tout ce monde soyez pas tentés de croire que nous n'était que práce, et bonté, et cherchons dans ces lignes l'erutoi- beauté. Les bois et les ruisseaux, re d'une rancceur. Nous ne dési les fleurs et les fontaines, les clai- rons pas tellement en voir rières baignées de clair de lune, avant que l'on sache, que l'on sn- tel était leur domaine. che vraiment, si elles sont et ce qu'elles sont ». Nous craignons trop de perdre en ce domaine une objectivité que nous tenons pour un bien fort précieux. Mais rolci que nous venons de découvrir, dans le fatras des infor- mations sur le mystère du siè- cle », une dépêche ainsi libellée Une soucoupe s'est posée près d'Auxerre, le temps de laisser une trace sur la TOBIC... > Une trace sur la rosée... Enfin une touche de poésie! Egarée dans l'insipide et parfois terrifiant ma- térialisme qu'exige, semble-t-il, le sujet, cette note pastorale prend, par contraste, la vigueur d'une ré- relation. Le mythe moderne, brodé sur le fragile canevas d'une probable réa- lité, est à base de machines et de montres. En ce milieu de vingtiè- me siècle, le merveilleux n'a plus pour cadre la forêt de Brocéliande, ni les landes bretonnes. Il a émi- gré dans les espaces interstellaires. un crapaud en jeune prince su- La baguette de la fée changeait perbe. Elle couvrait Cendrillon de splendides atours. Le rert de la nouvelle myhologie, lui, paralyse à cent pas.. lutte multiséculaire entre l'hom- Dans le duel manichéen, dans la me du dieu bon et l'homme des puissances ténébreuses », la féerie moderne n'a guère qu'un Superman yankee, un héros de comics, à opposer à ces hordes de Martiens» hideur. Piètre consolation... mythe contemporain est dépour- Et, sans doute parce que le ru d'âme, parce qu'il n'y a place pour aucun idéal dans la fantasti- que épopée qui se dessine, nous continuerons de préférer Chrestien de Troyes à Wells et les naifs lais bretona aur romans de science- fiction. Nous souhaiterons tou- jours rencontrer la fée Viviane entourée de korrigans en ronde, plutôt que des Martiens » en Les personnages sont devenus panne de rayons gamma. des êtres difformes, des nabots claudicants et velus, des cyclopes chetifs... Nous savons bien que les temps passés ont eu leurs mauvais génies et leurs sorcières. Lesquelles di- raguaient déjà dans le ciel, che- rauchant un balai pour se rendre aur sabbats. Les véhicules ont changé, eux aussi... Mais les temps passes avaient En créant, volci huit ou neuf siècles, les étres au pouvoir ma- un univers de réve, à travers sa gique, l'homme transposait dans dualité interne, son désir de voir triompher le Bien. Le vide affreux du merveilleur moderne nous in- quiéte bien plus que l'hallucinante perspective d'une guerre des mondes... Bd R. (