Les verticaux et les horizontaux au siècle martien... U NE des joies les plus profondes de l'alpi- niste, lorsqu'il dépasse les 3000 joie sem- blable à celle qu'éprouve l'a- viateur c'est de se sentir, à ces altitudes désertiques, bien au-dessus du petit train- train de la vie quotidienne, très étranger à toutes les petites mesquineries qui cons- tituent son habituel horizon. Et Labiche se montre fin psychologue lorsqu'il affirme, par la bouche de son brave Perrichon Que l'homme me semble petit du haut de la mère de glace! > ... Oui, l'Homme est bien petit. Avouez que c'est tout de même humiliant cette histoire de soucoupes volantes! Nous qui sommes si fiers de nos inventions, de nos sa- vants, de nos institutions poli- tiques, sociales, économiques; nous, du XX siècle, qui nous disons évolués, qui avons l'eau courante, la bombe ato- mique et le rasoir électrique... et qui avons une peur tra- gique à la pensée qu'un petit martien poilu, avec son rayon de la mort et ses radars per- fectionnés, va peut-être bien- tt paralyser toute la vie de notre pauvre petite planète! Je n'écrirai rien contre les Martiens, c'est plus prudent, parce qu'au lendemain de notre libération Je pour rais avoir des difficultés avec les tribunaux martiens, repré- sentant l'autorité de ceux qui seront demain nos occupants, nos seigneurs et nos maltres ! Sur la question de l'invasion martienne, mon opinion est done très nette: pas d'his- 1oires! Je prends le mot oreiller de Montalgne, et par Max-René GODÉCHOUX j'attends dans la neutralité la plus complète. Si je prenais actuellement parti pour les Martiens, je serais peut-être accusé par les Terriens de faire partie de la cinquième colonne mar- tienne et les Terriens seraient capables de m'envoyer à la caserne de Reuilly pour être interrogé par le commandant de Rességuier. En ces temps troublés, c'est la sagesse même de rester attentiste ! Tréve de plaisanteries : ces mystérieuses histoires d'objets aériens non identifiés de- vraient, nous les petits hu- mains, nous faire réfléchir. Il y a peut-être une part de vérité parmi tous les témoi- gagnes recueillis, mais hysté- rie collective ou réalité, un fait est certain nous savons peu de choses sur l'univers qui nous entoure, l'infiniment grand, comme l'infiniment petit. Devant ces infinis que nous explorons à peine, un pro- bléme se pose à l'intelligence ces univers? de tout homme qui a créé Voltaire lui-même a af- firmé : « Je ne puis concevoir que cette horloge (l'univers) soit et n'ait point d'horloger.> Et que viennent faire les verticaux et les horizontaux dans ces histoires de soul- coupes volantes? Les verticaux, ce sont les gens à l'esprit vertical : ils ne voient toutes choses que par le petit bout de leur lorgnette. Leur univers est limité à leurs petits intérêts du moment. L'esprit de clocher, l'esprit de caste, la possession infail- lible de leur vérité, l'ignorance totale du point de vue d'au- trui, caractérisent les verti- caux. Et les verticaux sont nom- breux parmi les Terriens! Les horizontaux, ce sont cenx qui savent regarder au- tour d'eux et qui, tout en s'ef- forçant de conserver l'intégrité de la foi et de la morale, ac- cueillent avec sympathie les idées et les réalisations qui dépassent leur petit univers habituel. Je ne parle pas de ceux qui se retranchent der- rière un libéralisme confor- table qui n'a rien de cons- tructif. Etre horizontal, c'est s'ou- vrir à autrul ! Etre horizontal ce n'est plus juger à l'escabeau humain, mais à l'échelle martienne ! Etre horizontal... c'est être chrétien. ... Au siècle martien - et de- vant le péril ? laissons de côté nos petites vues souvent mesquines sur les hommes et les choses, étouffons nos luttes qui, du point de vue de Sirius, font sourire, et soyons hori- zontaux !