Antarès No 112 Fevrier 1988 LA LEGENDE, Parmi les figures LES CYCLOPES ET LES les plus curieuses de toute la mythologie grecque, laquelle n'en manque pas, on évoque fréquemment les fa- meux géants dotés d'un œil unique au cen- tre du front: les Cyclo- pes. Bien qu'on ait sou- vent parlé, à leur pro- pos, d'affabulation EXTRATERRESTRES poétique, s'il faut en croire l'Odyssée d'Ho- mère racontant les aventures d'Ulysse de- puis la chute de Troie jusqu'au moment où il redevient le maître de sa principauté d'Itha- que, les Cyclopes sont représentés comme des bergers de Sicile, qui s'appelait alors l'île d'Aea. On serait donc tenté de considérer ces braves géants, fils de Poseidon, comme assez pacifiques malgré leurs animosité manifeste envers Ulysse et ses compagnons. Il reste 44 que le héros grec, prison- nier de l'un d'eux, Poly- phème, réussit à lui échap- per en lui crevant son œil unique et inquiétant, à l'aide de son épieu lé- gendaire. Euripide a repris le thème pour en faire une tragédie. Théocrite et Ovide ont également été inspirés par ce sujet. Pourtant, d'autres ver- sions existent: celle de Vir- gile prétend que nombre de Cyclopes, défigurés par un troisième ceil, seraient des ouvriers de Vulcain, forgerons particulière- ment habiles travaillant dans les profondeurs de l'Etna, en Sicile justement. LA GÉNÉALOGIE DES DIEUX La presque totalité des légendes grecques archaï- ques affirment cependant que les Cyclopes sont les enfants du Ciel-Uranos et de la Terre-Gaïa. C'est Hésiode, un contemporain d'Homère, qui a présenté la première synthèse my- thologique. Elle a pour nom Théogonie. Cette généalogie des dieux ne manque ni de superbe ni de poésie: avant tout fut Abîme, puis Terre aux larges flancs, assise sûre, à jamais offerte à tous les vivants; et Amour, le plus beau parmi les dieux im- mortels. D'Abîme naquit Erèbe et la noire Nuit. Et de Nuit, à son tour, sortirent Ether et Lumière du jour. Terre, elle. enfanta d'abord d'un être égal à elle-même, capable de la couvrir tout entière, Ciel étoilé, qui devait offrir aux bienheureux dieux une assise sûre à jamais. Elle engendra aussi les hautes montagnes, plaisant séjour des déesses, les Nymphes, habitantes des monts vallonnés. Elle mit aussi au monde la Mer inféconde, aux gonflements furieux. Ensuite, avec le Ciel, elle donna Océan aux tourbil- lons profonds, Csios, Crios, Hypérion, Japet, 45 Théia, Rhéia, Thémis et Mnémosyne, Phoebé cou- ronné d'or et l'aimable Thétys. Le plus jeune, en- suite, vint au monde: Cronos, le dieu aux pensées fourbes, le plus redoutable de ses enfants, et Cronos, d'ailleurs, prit en haine son florissant paternel. Elle mit encore au monde les Cyclopes au cœur violent, à l'âme bru- tale: Brontès, Stéropès et Arghès, en tout semblables aux dieux, si ce n'est qu'un œil unique était placé au milieu de leur front. Dans tous leurs actes, on re- trouvait la même force, une vigueur et une adresse semblables. Etudiée de plus près, cette généalogie des dieux de la Grèce antique res- semble à un scénario de film, style La Guerre des étoiles. En fait, ce ne sont que luttes obstinées oppo- sant des entités aux consi- dérables pouvoirs sur un champ de bataille spatial. LA FOUDRE EN RÉCOMPENSE Les Cyclopes, comme leurs frères les Titans, avaient un droit d'aînesse sur les dieux de l'Olympe.. Pourtant, c'est à ces der- niers que les pouvoirs su- prêmes échurent. Cela ne manque pas de révolter les Cyclopes qui furent préci- pités dans le Tartare, puis délivrés par les Titans, in- surgés eux aussi. Enchaînés à nouveau, ils sont délivrés par Jupiter à qui la foudre est donnée en récompense. Finalement, ils sont vaincus par Apol- lon, voulant venger la mort d'Esculape, foudroyé par Jupiter, avec l'arme reçue des Cyclopes. Quant aux Titans, ils ne réussissent pas davantage à s'emparer du Ciel. C'est en entassant le mont Ossa sur le mont Pélion et l'Olympe sur l'Ossa qu'ils tentèrent de donner l'as- saut au trône de Jupiter, mais ils furent finalement 46 46 vaincus, leur entassement s'étant écroulé. Dans la plupart des mythologies, on trouve de semblables lé- gendes: d'anciens dieux ou des demi-dieux, nés du croisement d'entités céles- tes et de Terriens sont vain- cus par de nouvelles divi- nités, venues on ne sait d'où. Dans presque tous les cas, les dieux vaincus se cachent sous terre et de- viennent ce que les histo- riens des religions appel- lent des divinités chtho- niennes. De vieilles légen- des attestent que ce mythe était ancré profondément, enraciné dans l'esprit des Babyloniens. Chez les Celtes, on note le combat inexpiable du dieu-roi Nu- da contre les Fir Bolg, les hommes-foudre. Chez les Scandinaves et les Ger- mains, c'est la guerre des Ases contre les Vanes. Se- lon les récits tibétains anté- rieurs au bouddhisme, la Terre était le théâtre d'une guerre permanente et sans merci entre les dieux de la Lumière et les puissances des Ténèbres. Des mes- sagers étaient chargés de la liaison entre les dieux de la Lumière et les hommes. Ensuite, ce fut l'avène- ment sur Terre de l'âge d'or. D'unions entre dieux et humains naquirent des représentants d'une race nouvelle jusqu'à une sorte de cataclysme. Des enva- hisseurs célestes apparu- rent et, à la suite d'un af- frontement cosmique, les dieux ailés et les humains furent écrasés. L'âge d'or était à son terme. Des ca- tastrophes, des séismes secouèrent la Terre tandis que des civilisations dis- parurent totalement. Seuls, quelques survivants échappèrent à la mort pour trouver refuge dans des villes souterraines. La Bible donne des détails curieux. Selon la Genèse, il y aurait eu sur Terre, avant le Déluge, des géants issus de croise- ments entre des mortels et des entités divines. Une 47 PEINTURE SAHARIENNE DE TASSILI telle constante dans les ré- cits mythologiques, au-de- là des civilisations et des continents, est pour le moins étonnante et curieu- se. Parmi les historiens des religions, une tendance prévaut généralement: celle de donner une expli- cation historique et socio- logique à ces guerres des dieux, comme à l'origine des divinités chthonien- nes. Quand un peuple en soumettait un autre, af- firment-ils, il lui imposait la croyance en ses propres dieux, en sa mythologie particulière. Mais les dieux ne pouvant être rayés d'un coup de baguette magique, ces récits de guerre entre divinités étaient inventés, afin de trouver une justification à leur disparition. Mais ce n'est qu'une thèse, d'au- tant plus discutable que: l'on trouve des légendes d'affrontement entre Ti- tans dans des civilisations 48 n'ayant pas connu la sou- mission. Quelques chercheurs, dont l'archéologue Erich von Däniken, donnent une autre explication de ces diverses légendes. Ils sont même formels et n'hési- tent pas à affirmer que ces guerres de dieux sont, en fait, des affrontements entre voyageurs de l'espa- ce entrés en contact avec les Terriens et d'autres êtres dotés de technologie supérieure, venus des confins spatiaux. Il y aurait eu encore, selon eux tou- jours, des combats achar- nés entre les premiers ex- traterrestres et leurs en- fants, issus des Terriennes, parmi lesquels se trouvent des créatures fabuleuses, tels le Minotaure de Crète, les Ases scandinaves, les Titans et les Cyclopes. Ces métis, puisqu'on ne voit guère comment les appeler autrement, au- raient été plus que las de la tutelle exercée sur eux par leurs procréateurs, et no- tamment de leur refus de leur donner "le feu du ciel", c'est-à-dire l'arme nucléaire. L'exemple type est le cas du Titan Promé- thée qui encourut une ven- geance implacable de la part de Jupiter pour avoir subtilisé ce "feu du ciel❞ afin de le donner aux hom- mes. L'aventure de Phaëton, "fils" d'Apollon, dont la légende affirme qu'il vou- lut conduire le char du So- leil, est bien connue: les chevaux divins s'emballé- rent, dit-on, tandis que le char embrasa le Ciel et la Terre. Jupiter le foudroya alors, et le précipita dans l'Eridan. Une interpréta- tion différente est donnée par J. Borg: le fils d'un ex- traterrestre s'empare à son insu du vaisseau spatial paternel, mais ne sachant pas le conduire convena- blement, provoque une ex- plosion du système de pro- pulsion nucléaire, mena- çant toute vie sur Terre, à tel point que le responsable 49 des voyageurs de l'espace est contraint d'abattre le vaisseau. LA GLANDE PITUITAIRE Le chercheur américain Otto O. Binder assure que les êtres humains sont des hybrides. "L'humanité, écrit-il, est apparue si sou- dainement sur la Terre, à l'échelle de l'Histoire, parce qu'elle est hybride, résultat d'un croisement entre une race d'êtres su- per-intelligents venus du Ciel et des hommes-singes n'ayant pas encore atteint le stade de l'intelligence". Pour un exposé plus large, il s'appuie sur les travaux d'un autre chercheur ayant passé la théorie de l'évolu- tion darwinienne au crible fin de la critique et qui finit par se poser cette question: "Le cerveau humain a-t-il été importé d'ailleurs?" Il y a à cette thèse une unique présomption de preuve, il est vrai, mais chacun de nous la porte en lui. Comment? Sous forme du lointain héritage de l'oeil fantastique des Cy- clopes: la glande pituitaire, située au-dessus du sinus nasal. En tant que glande, elle est pratiquement inuti- le, mais elle a la particula- rité d'être reliée à l'hypo- thalamus par une tige ayant une structure sembable à celle de l'ensemble de la rétine. Est-ce le vestige d'un œil dont l'homme au- rait été doté dans des temps reculés, hors de toute mé- moire déduite, un œil aux extraordinaires pouvoirs? Certains y voient encore le troisième œil qui, selon la tradition bouddhique, permettrait aux lamas de déceler l'aura qui flotte au- tour de chacun de nous. Cette thèse aboutit en tout cas à une conclusion pi- quante: ce serait alors la glande pituitaire qui, via les Cyclopes, nous relierait à des ancêtres lointains ex- traterrestres... Y.V. 50