doc Photo Boccom LES DOSSIERS DE nostra Le mot de psychocinèse fait invariablement évoquer Uri Geller (à droite) et Jean-Pierre Girard. Les attaques se sont multipliées contre eux. Ils sont loin d'être les premiers, en fait, à susciter ces sortes de polémiques. LA PARAPSYCHOLOGIE EN ACCUSATION L ADRUP MONTBARD A parapsychologie n'a jamais autant fait parler d'elle, au point que pour le grand public, son existence même n'est plus mise en cause. Articles divers dans des publications qui ne sont pas spécialisées comme Nostra, livres publiés, collections qui lui sont consacrées chez la plupart des éditeurs, il ne se passe guère de mois sans qu'on en entende parler. Par contrecoup, ce succès explique les violentes attaques dont elle est l'objet de la part d'hommes de science engagés à détruire ce qu'ils considèrent comme un danger menaçant le rationalisme qui est pour eux le garant d'un progrès scientifique. C'est à l'analyse de ces attaques qu'est consacré le présent dossier de Nostra. En fin de compte, la nature des critiques proférées à l'encontre de la parapsychologie s'est transformée au fur et à mesure qu'elle se développait. Un bref rappel historique est nécessaire pour comprendre comment nous en sommes arrivés là aujourd'hui. La parapsychologie, ainsi que nous l'avons souvent dit, plonge ses racines dans l'histoire. Aussi loin que l'on remonte dans le temps, nous trouvons en effet des témoignages sur des pouvoirs psi. Cependant, dans l'état embryonnaire de la science, on n'y voyait que des manifestations magico-religieuses d'abord, puis, par Nestra 519 18/24 Mars 1982 PARA doc Guy puh. ADRUP MONTBARD OUI, C'EST VRAI, DE NOMBR la suite, des pratiques occultes. Ce n'est qu'au siècle dernier, en 1847, avec la fantastique aventure des soeurs Fox, que fut donné le coup d'envoi au spiritisme avec le succès que l'on sait. Peu de temps après, la fondation à Londres de la Society for Psychical Research, avec la caution d'un savant incontestable comme sir William Crookes, devait développer l'étude des phénomènes paranor- maux. Cependant, bien vite, une scission sépara ce mouvement en deux courants. Il y eut d'une part les << Sir William Crookes et son medium préféré, Florence Cook, qui devait avouer plus tard quelques duperies. spirites, pour qui ces phénomènes avaient pour origine des «< esprits » et, d'autre part, les « métapsy- chistes >> (expression forgée par le professeur Charles Richet) qui s'intéressèrent avant tout aux faits, sans prendre position sur l'existence de ces esprits. L'Institut métapsychique international (I.M.I.), fondé en 1919 par Jean Meyer, fit faire des progrès considérables à cette recherche, mais, pendant des décennies, de nombreux savants refusèrent de la prendre au sérieux à cause de ce nom de métapsychi- que qui impliquait une reconnaissance de l'âme et donc un choix philosophico-religieux. Ce sont peut-être des discussions futiles, mais c'est un fait. Le terme « parapsychologie », emprunté par Rhine à des auteurs allemands, qui ne s'est imposé que depuis un quart de siècle, a contribué à améliorer la situation tout en traînant comme un boulet l'héritage du spiritisme. C'est pour cette raison que les parapsy- chologues des pays de l'Est ont proposé, à la conférence de Moscou de 1968, d'adopter le nom de psychotronique, dont le but est de << compléter l'éventail des lois qui régissent le monde animé et inanimé par des connaissances physiques, psychi- ques et biologiques que permet l'étude de certaines manifestations extraordinaires du psyché humain >>. doc Astory Au cours de cette histoire, du métapsychisme à la parapsychologie proprement dite, les chercheurs ont travaillé successivement dans le domaine de la communication spirite, puis, jugeant les résultats plutôt décevants, sur les phénomènes divers se rattachant à la perception extrasensorielle, et enfin à 20 20 des phénomènes plus étranges comme la psychoci- nèse, ou action de la pensée sur la matière. Mais le point nouveau, depuis des années, c'est le nombre grandissant de physiciens modernes, marqués comme tous ceux de leur génération par les théories einsteiniennes de la relativité et par la mécanique quantique. Sans pour autant négliger totalement la recherche parapsychologique expérimentale, leur préoccupation dominante a été de chercher à dé- montrer que les bases théoriques de la physique pouvaient justifier la parapsychologie. Il n'est donc pas étonnant que les critiques des ennemis des pouvoirs psi aient suivi ce cheminement. Durant la période métapsychique, ils se sont attachés à démontrer l'imposture des médiums. Puis, lors de la recherche statistique sur la perception extrasensoriel- le, ils ont tenté de prouver que les calculs des spécialistes manquaient de rigueur et qu'on pouvait attribuer au hasard les résultats obtenus, sans mettre Den cause leur honnêteté intellectuelle. Pour ce qui se rapporte à la psychocinèse, ils ont mis en avant le fait que lorsque des protocoles rigoureux d'expérimenta- tion étaient adoptés rien ne se passait, n'hésitant pas à revenir sur le type d'attaque contre le spiritisme, à savoir la tricherie des manipulateurs. L'offensive contre les physiciens partisans du psi est plus subtile. Leur notoriété, leurs compétences scientifiques ne pouvant être mises en cause, le débat demeure essentiellement théorique, portant avant tout sur la possibilité ou non d'extrapoler à des phénomènes macrophysiques des paradoxes s'appli- quant avant tout à la microphysique. Ce sont ces divers types de critiques adressées à la parapsycho- logie que nous allons passer en revue. << En quoi la parapsychologie est-elle différente de l'ancienne métapsychique, que nous apporte-t-elle de nouveau ? demandait en 1964 René Pérot dans une magistrale étude historique sur la parapsychologie. Elle nous apporte quelque chose de fort important: une nouvelle méthode d'évaluation des résultats basée sur l'utilisation des mathématiques. « La métapsychique contrôlait directement les faits De g. à d. Paul Langevin, Charles Richet, Eugène Osty doc 55loret ADRUP MONTBARD EUX MEDIUMS ONT TRICHE qui se présentaient à son attention et souvent des actions faibles ou secondaires lui échappaient faute de moyens sûrs pour les détecter. La parapsychologie utilise les statistiques, la loi des grands nombres et le calcul des probabilités, tous éléments essentiellement scientifiques. On peut ainsi mettre les problèmes en équation et déceler facilement des faits qui, sans cela, nous échapperaient complètement. << Lorsqu'on dispose de << grands sujets >> comme en eurent les docteurs Celey et Osty, on peut se livrer à des études approfondies directement. Comme le disait Bergson: « Dans l'observation, le cas unique suffit pourvu qu'on le prenne avec tout ce qu'il contient. » Mais il est difficile d'avoir à sa disposition de tels sujets et d'éliminer avec certitude les fraudes possibles. > >> Des fraudes incontestables Et il faut bien reconnaître que ces fraudes ont été légions dans l'histoire du métapsychisme. Kathie Fox elle-même fit scandale à la fin de sa vie en reconnaissant avoir triché. « Le spiritisme est du commencement à la fin une duperie, déclara-t-elle en effet. C'est la plus grande tricherie du siècle. Maggie et moi nous nous lançâmes là-dedans comme des enfants, trop jeunes, trop innocentes pour savoir ce que nous faisions. Notre sœur Leah était notre aînée de plus de vingt-trois ans. Lancées dans cette voie de tromperie et encouragées par elle, nous avons continué. >> Cet aveu est clair et net. Et, pourtant, s'il embar- rassa les spirites à l'époque, il ne les convainquit pas. Selon eux, Kathie Fox avait été obligée de se rétracter par son directeur de conscience sous peine d'excom- munication. Cet argument s'appuie d'ailleurs sur de fortes présomptions et ne manque pas de valeur. D'autres fraudes, elles, sont vraiment incontesta- bles. Même un savant affirmé comme William Crookes ne fut pas à l'abri des supercheries. En 1910, son médium préféré, Florence Cook, qui jouissait alors d'une retraite dorée et n'avait plus rien à perdre, qui s'intéressèrent à divers titres au pouvoir des mediums. doc Guy 741 F-hand! coll. Personnel. Eusapia Palladino faisant mouvoir une table près de Camille Flammarion (barbe). Y a-t-il alors tricherie ? révéla qu'elle avait souvent triché. Mais elle n'en soutenait pas moins avoir été une vraie médium. << Si j'ai triché, dit-elle, c'est parce que je me trouvais malade et que je ne voulais pas avouer que j'étais temporairement privée de mes pouvoirs. >> << Autre médium sujette à caution, Eusapia Palladino, avec qui Charles Richet pratiqua de très nombreuses expériences. Un jour, le physicien Paul Langevin, ami de Richet, mais adversaire déclaré du spiritisme, réussit à la démasquer. « Pour moi, il fut clair qu'elle avait un truc pour libérer une de ses mains et << travailler »>, raconte-t-il dans des souvenirs. Avant la séance suivante, j'ordonnai secrètement d'enduire de colle tous les objets qu'elle devait toucher. D'abord, tout alla comme sur des roulettes. Mais, soudain, Eusapia entra dans une très grande agitation. Elle se mit à jurer comme un charretier et elle bondit hors de la salle. La lumière s'alluma. Richet accourt et déclare : « Je ne sais pas ce qui arrive à Eusapia, elle est bouleversée et elle déclare qu'elle a perdu provisoirement ses pouvoirs. » Je me mis à rire et je montrai les nombreuses empreintes de doigts d'Eusapia sur la table enduite de colle. A quoi donc Richet attribua-t-il ce qu'il voyait ? Eh bien, il dit : << II est évident que les substances collantes possèdent une mauvaise influence sur la force du médium. >> Quoi qu'il en soit, il semble avéré qu'Eusapia Palladino était un cas sortant de l'ordinaire. Elle perdait une quinzaine de kilos par séance, ce qui l'obligeait à les espacer. Par ailleurs, l'évocation des esprits déclenchait chez elle des réactions érotiques. 21 ADRUP MONTBARD Ainsi, des observateurs ont affirmé qu'elle parvint à plusieurs reprises à l'orgasme sans avoir un quelcon- que contact physique avec les participants. Ses défenseurs affirment que, s'il lui est arrivé de tricher, c'était, comme Florence Cook, lorsqu'elle ne se sentait pas en état d'effectuer ses expériences avec des chances de succès. La véritable naissance de la parapsychologie, en tant que science, peut être située en mars 1934 avec la publication par Joseph B. Rhine d'Extra Sensory Perception. C'est en 1927 que les responsables de l'université Duke, à Durham, en Caroline du Nord, offrirent au professeur Mac Dougall la direction du département de psychologie. Quelques mois plus tard, cet éminent universitaire d'origine britannique engagea Joseph Banks Rhine et sa femme Louise, leur proposant de créer un laboratoire de parapsycho- logie. Les Rhine s'étaient d'abord orientés vers la biologie avant d'être séduits par le spiritisme au cours d'une conférence prononcée par sir Arhur Conan Doyle. A l'université Duke, leur mission primitive fut de faire le point, d'une manière scientifique, sur les diverses hypothèses spirites et en particulier sur la sorte de sixième sens pouvant être éventuellement, comme certains le soutenaient, l'agent de transmission entre les vivants et les morts. Mais, bien vite, ils se rendirent compte que le spiritisme devait passer au second plan et que seul ce sixième sens pouvait être approché scientifiquement. Dans toutes ses expériences, Rhine chercha avant tout à ne pas donner prise à la critique. C'est pour cela qu'il se dirigea très tôt vers la recherche statistique. Les premières expériences eurent lieu avec de simples cartes à jouer ou avec des cartes numérotées de 1 à 10. Sa méthode est simple: il s'agit de prouver que tout homme est capable d'obtenir certaines informations par des moyens autres que les cinq sens dont il est normalement doté. Pour ce faire, l'assistant de Rhine remet à chacun des cobayes une enveloppe cache-. tée. «Elle contient, leur explique-t-il, une carte portant un numéro entre 0 et 10. C'est ce numéro qu'il leur faut deviner. >> Si l'on se réfère aux notions de probabilités, les jeunes gens ont une chance sur 10 de trouver la bonne réponse. Cinq jours de suite, Rhine fait présenter à ses élèves de nouvelles enveloppes. Soit en tout 495 enveloppes soigneusement cachetées. Selon les lois du hasard, les élèves doivent en tout trouver au moins 49,5 réponses justes. Ils en totalisent 60, ce qui est à peine supérieur à la moyenne espérée. Rhine est un peu déçu car il cherche en réalité un bon sujet » qu'il voudrait ensuite étudier tout à loisir. << L'un d'eux, le jeune Linzmayer, semble avoir des résultats supérieurs aux autres. Rhine le soumet alors, seul, à des tests plus élaborés qui confirment largement cette hypothèse Linzmayer a vraiment des dispositions dans ce domaine. Les expériences avec lui vont se poursuivre pendant plusieurs années, mais la preuve est faite avec toute la rigueur scientifique nécessaire que la perception extrasen- sorielle existe bel et bien. - LES EXPER NAISSANCE Rotorz A g. le professeur Joseph B. Rhine testant, en rec Par la suite, Rhine perfectionna sa méthode grâce à des cartes spéciales, inventées par le docteur Zener, l'un de ses assistants, et qui depuis portent son nom. Il s'agit d'un jeu de vingt-cinq cartes réparties en séries de cinq portant chacune un symbole différent : étoile, croix, lignes sinueuses, carré, cercle. << Une expérience normale consiste à deviner cinq séries de ces cartes soit vingt cartes au total. L'examinateur » s'asseoit dans un coin d'une pièce sans que le « sujet » puisse voir les manipulations auxquelles il se livre il prend les cartes l'une après l'autre en notant dans quel ordre. Tandis que le sujet, à l'autre bout de la salle et lui tournant le dos de préférence, devine et note, lui aussi, au fur et à mesure dans quel ordre elles se présentent. On peut raisonnablement penser que le « cobaye >> a des dispositions dès lors que les résultats obtenus sont supérieurs à ceux que l'on pourrait espérer du hasard. Soit, pour une série de vingt-cinq cartes, plus de cinq réponses justes. Mais il convient naturelle- ment de reproduire des tests plusieurs dizaines de fois pour en avoir confirmation. Malgré toutes les précautions prises par Rhine et ses collaborateurs, les attaques contre sa méthode statistique n'ont pas manqué. L'un de ses principaux ennemis est Persi Diaconis, professeur assistant de statistiques à l'université de Stanford. « La plupart des critiques ont attaqué par le côté statistique, c'est-à- dire sur le calcul des probabilités ; c'est là surtout que la bataille a fait rage, écrit à ce sujet le parapsycho- logue américain Carington. Leur choix ne s'est pas avéré des plus heureux. Peu d'entre eux sont à même de se faire une idée du sujet et ce ne sont pas d'ordinaire les plus braillards. Il est évident depuis le début que, quelle que puisse être la cause des résultats obtenus par Rhine, on ne saurait les attribuer au seul effet du hasard, à des erreurs de calcul 22 PRICA CHASTMONS ADRUP MONTBARD ENCES DE RHINE OU LA UNE NOUVELLE SCIENCE proses doyo ant à des dés à jouer, la faculté de télékinésie d'un sujet. A d. : une expérience basée sur les cartes de Zener. appréciables, à un choix préférentiel des données, à une perte des résultats écrits ni à rien d'analogue. Les agresseurs se sont vus rejetés sur leurs positions de départ pour y panser leurs blessures et se repentir de leur ardeur combative. Dans l'ensemble, les positions de la défense restent telles qu'elles ont été définies en 1937 par le professeur Camp, président de l'institut de statistiques mathématiques : « Si les recherches de Rhine peuvent être raisonnablement attaquées, ce n'est certes pas sur le terrain mathématique. »> Mais Joseph B. Rhine n'était pas au bout de ses peines. Lorsqu'il prit sa retraite en 1965, il avait confié la direction de son laboratoire à son ancien collabora- teur J. Lévy. Ce dernier poursuivait sur des rats des expériences psychocinétiques. Il cherchait en effet à démontrer que ces animaux pouvaient influencer un générateur électronique de nombres aléatoires. La perception psi chez les sujets normaux En 1977, le docteur Lévy claironna qu'il avait obtenu des résultats probants. Or, une contre- expérience effectuée par des étudiants montra qu'il n'en était rien. Pressé de questions, Lévy reconnut qu'il avait triché en omettant de tenir compte des résultats négatifs. << On l'avait bien dit! » déclarèrent avec jubilation les adversaires de la parapsychologie. En fait, la preuve de l'imposture du docteur Lévy avait été apportée par des chercheurs formés à la discipline de Rhine et en appliquant des règles de contrôle qu'il avait lui-même édictées. Loin d'amoindrir ses travaux précédents, cette mésaventure prouve au contraire que les expérimentateurs de l'université Duke sont dignes de confiance, que des brebis galeuses peu- vent tricher une fois, mais pas deux. Et, en tout état de cause, les fraudes patentes commises au début du siècle par le biologiste autrichien Kammerer et en 1974 par l'immunologiste William Summerlin ne mettent pas en question la biologie, pas plus que les statistiques faussées de Cyril Burt n'amoindrissent la psychologie ou que les travaux douteux de Lyssenko ne permettent de jeter la suspicion sur la génétique. Joseph B. Rhine et ses élèves choisirent de prouver non pas l'existence de la perception extrasensorielle, mais sa fréquence chez des sujets normaux. Que ce soit à l'aide des cartes de Zener ou avec tout autre protocole d'expérience, ses travaux sont essentielle- ment mathématiques, statistiques. Or, en dehors même des cas qui sont rejetés parce que l'on peut raisonnablement soupçonner des parti- cipants de tricherie, c'est sur la manière dont Rhine a traité les chiffres que portent les critiques de ses détracteurs. Toutefois, les ennemis de la parapsychologie n'abordent jamais le domaine des expériences médi- cales ou psychiatriques. Ainsi, les travaux, pourtant tout aussi passionnants, du docteur Karagoula ne sont pas mis en doute. Se rendant compte qu'il serait difficile de les contester, un certain nombre d'ennemis de la parapsychologie préférèrent mentir par omission en n'en parlant pas. Titulaire de la chaire de perception supérieure à I'U.C.L.A., la prestigieuse université de Los Angeles, et directeur de la H.S.P.R. Foundation (Higher Sense Perception Research Foundation, c'est-à-dire fonda- tion pour la recherche d'un sens supérieur de la perception), installée à Beverly Hills, un quartier d'Hollywood, Shafica Karagoula est née en Turquie, de parents chrétiens. Elle fit ses études au Liban avant d'entrer à l'université américaine de Beyrouth où elle reçut en 1940 le diplôme de docteur en ⚫ médecine. 23 doc Gur 7 Jouhand ADRUP MONTBARD QUAND D'AUTHENTIQUES SAVANT A gauche : le professeur Jean-Yves Lignon qui multiplie, à Toulouse, les expériences et travaux de parapsychologie. A d. le chercheur Olivier Costa de Beauregard, l'un des éminents participants du colloque de Cordoue en 1979. Attirée par la psychiatrie, elle décida d'aller étudier cette spécialité en Ecosse, au Royal Edinburgh Hospital, sous la direction du professeur David Henderson, un psychiatre de réputation mondiale. Elle y fit scandale en publiant une monographie sur l'électrochoc concluant que cette thérapie était prati- quement sans effet notable, ce qui ne l'empêcha pas de recevoir les plus grandes qualifications britanni- ques en matière de médecine et de neurochirurgie. Au fil des années, le docteur Karagoula se passionna pour des aberrations mentales comme les hallucinations d'origines les plus diverses, ce qui, à la longue, devait la conduire à aborder la parapsycholo- gie. En 1952, elle devint assistante du neurochirur- gien canadien Wilder Penfield qui poursuivait à l'université McGill de Montréal des expériences sur les hallucinations provoquées par des électrodes implantées dans le cerveau. Quatre ans plus tard, Shafica Karagoula acquit la nationalité américaine et fut nommée professeur de psychiatrie à l'université d'Etat de New York. C'est là que, à l'instigation d'un ami, elle lut un ouvrage consacré à Edgar Cayce, le plus grand visionnaire d'Amérique. Ce fut réelle- ment un délice, reconnaît-elle, le point de départ d'un intérêt constant pour la parapsychologie. « L'idée de base du docteur Karagoula, c'est d'aborder ce domaine d'une manière scientifique en cherchant à déceler les lois qui le régissent. Après huit ans de recherches incessantes, elle publia le résultat de ses expériences dans un livre qui eut un succès retentissant outre-Atlantique, Break throught to Creativity (aperçus nouveaux sur la créativité). Peu après, elle s'installe en Californie, s'occupant des instituts scientifiques mentionnés plus haut et se livrant à de nombreuses recherches sur la perception extrasensorielle, en collaboration avec Viola P. Neal. Elle eut la chance de rencontrer un sujet exception- nel, Dora van Gelder, qui avait le pouvoir de discerner sans aucune espèce d'appareillages l'aura de toutes les personnes qu'elle rencontrait et de connaître ainsi leur état de santé. Ce sujet exceptionnel a permis au 24 24 docteur Karagoula de définir les grandes catégories de la perception extrasensorielle en démontrant qu'elles se rattachent aux sens normaux dans une certaine mesure. Ainsi, certains sujets soutiennent qu'ils perçoivent certains faits en les lisant sur une sorte d'« écran mental ». En revanche, le sens de la vision est lié au pouvoir psi de Dora van Gelder. C'est par le canal du système rétine-nerf optique-cerveau qu'elle parvient à voir et à interpréter les champs d'énergie. L'aspect le plus important de l'E.S.P. la psychométrie Certaines recherches du docteur Karagoula ont également porté sur l'étrange domaine de la psycho- métrie qui recouvre les échanges sans doute produits par des radiations entre un sujet et son environne- ment. L'un des sujets les plus connus en psychomé- trie est sans aucun doute Peter Hurkos, que nous avons déjà présenté à nos lecteurs. Rappelons simplement que ce Hollandais âgé de soixante-six ans fut un homme tout à fait normal jusqu'à la trentaine. En 1943, il tomba d'une échelle alors qu'il travaillait comme peintre en bâtiment. C'est sur son lit d'hôpital, en sortant d'un coma prolongé, qu'il eut la révélation de son nouveau don. Dès qu'il parlait à quelqu'un, il découvrait aussitôt la vérité sur lui. Les travaux du docteur Karagoula sur le cas Hurkos l'ont conduite à penser qu'il n'y avait pas une seule forme de perception extrasensorielle, mais plusieurs. La psychométrie serait en définitive une sorte de synthèse de tous ces pouvoirs. << Je suis persuadée que la psychométrie est l'aspect le plus important de l'E.S.P., déclara-t-elle en 1973 à James Grayson, un enquêteur de la revue Psychic, parce qu'elle met en œuvre quatre compo- santes: la vue, le toucher, l'ouïe et l'intuition. Certains clairvoyants qui parviennent à distinguer le champ d'énergie n'entendent pas les sons ou ne ressentent ADBUD S ADMETTENT LE PARANORMAL pas les émotions ou n'ont pas d'intuition. Ceux qui ont des pou- voirs de psychométrie parviennent à une syn- thèse. << Il y a des millions et des millions de cellules dans notre cerveau et nous ne savons pas grand-chose sur leur rôle. Il est probable que nous n'utilisons que 10% de nos neurones, ce qui en laisse une énorme quantité dont nous ne savons que faire. Bientôt, j'en suis persuadée, nous sau- rons enfin lesquelles de ces cellules sont responsables des pouvoirs psychi- ques qui nous étonnent tant chez certains individus. >> BARD Brian D. Jospehson (à gauche), autre participant de ces travaux de Cordoue, en 1973, à la remise de son prix Nobel de physique qu'il partageait avec I. Giawer et L. Esaki. Le cas du docteur Karagoula n'est pas une exception. Des chercheurs travaillent depuis quel- ques années avec tout le sérieux scientifique possible dans un organisme au-dessus de tout soupçon, comme le laboratoire de psychotronique et de bio- information de l'Institut physique de la terre de Moscou, ainsi que les chaires de parapsychologie des universités de Prague, de Fribourg et d'Utrecht. Tous ces organismes se sont livrés à des travaux remar- quables qui ont fait faire de grands progrès dans un domaine très controversé. Dans ce dossier, nous passerons très rapidement sur les querelles qui ont secoué le petit monde de la psychocinèse au cours des dernières années quant au sérieux de sujets tels que le célèbre Uri Geller et son homologue français Jean-Pierre Girard. De nombreux illusionnistes, parmi lesquels le Britannique James Randi, du Comité pour l'investigation scienti- fique des phénomènes prétendus paranormaux (C.S.I.C.P.), affirment que ces << sujets psi » sont en fait des illusionnistes. Mais leurs démonstrations ne sont pas toujours concluantes. << Les expériences réalisées sur ces sujets par des experts scientifiques sont, elles aussi, loin d'emporter la conviction. Les résultats positifs sont des plus minces. Jean-Pierre Girard le reconnaît spontané- ment en laissant entendre que ce sont les conditions mêmes des tests et la présence hostile d'ennemis de la parapsychologie qui l'empêchent d'user comme il le voudrait de ses pouvoirs. Rappelons, dit-il à ce propos, que l'acte de psychocinèse ne peut se produire que s'il existe au fond de soi un désir de l'effectuer. Une volonté trop formelle, en revanche, l'inhibera, ainsi, bien sûr, que des contingences de temps et d'attitudes agressives, des défis lancés par des incrédules, par exemple. La différence entre volonté et désir est parfois ténue. La volonté cons- ciente permet un contrôle de tous les gestes. Mais un simple désir latent de réussite dans un état de détente psychique peut laisser la place à des gestes incontrô- lés. Quand je parle de fraude, c'est à de tels gestes que je pense, par des pressions musculaires involon- taires exercées par la main pour tordre une fourchette quand la volonté de le faire par la pensée est trop forte. » En ce domaine, nous en sommes revenus bien en arrière à l'époque du spiritisme. En effet, dans cette dernière discipline, comme dans la psychocinèse, les attaques des adversaires ne portaient pas sur la nature du phénomène, mais sur les conditions dans lesquelles il était mis en œuvre. doc Keystone Dans un autre domaine, toutes les querelles actuelles découlent d'une polémique qui a opposé, au lendemain de la Première Guerre mondiale, Einstein, attaché au déterminisme, au principe de la causalité qui, pour lui, est le fondement même de la science, à Niels Bohr et ses disciples de l'école de Copenhague. Max Born, en 1926, a porté à certaines théories anciennes un coup dont elles se relèveront difficile- ment en démontrant que la physique quantique ne peut pas prédire les événements, mais seulement postuler leur probabilité. En d'autres termes, c'est le principe même de causalité, tel qu'il était admis depuis Newton (si un phénomène A se produit, une conséquence B en découle nécessairement) qui est mis en cause. C'est sur ces bases que l'on a pu voir des scientifiques dont nul ne peut contester la valeur, tels Olivier Costa de Beauregard, le professeur Mattuck, le prix Nobel Brian D. Josephson, Fritjof Capra et Harold Puthoff, se réunir en octobre 1979 à Cordoue, à l'occasion d'un colloque organisé par France- Culture, et affirmer qu'ils admettaient le bien-fondé de la parapsychologie non pas en terme de croyance, mais comme conclusion logique de leurs connais- sances scientifiques. Quel tollé ! << L'imposture de Cordoue », titrait alors Michel Rouzé dans Science et Vie (janvier 1981), préludant à une série d'articles dénonçant << les charlatans en blouse blanche ». Pour sa part, Jean- 25 ADRUP MONTBARD LA PARAPSYCHOLOGIE EN ACCUSATION Louis Vigier, ancien collaborateur des physiciens Louis de Broglie et Frédéric Joliot-Curie pour qui il a dessiné les plans de la première pile atomique française, lève le drapeau de la causalité, qu'il défend avec acharnement (Le Monde du 24 octobre 1979), suivi en cela par Yves Farge, directeur de recherches au C.N.R.S., affirmant : « La parapsychologie n'est pas anodine. >> (Le Monde du 14 mars 1980.) Et les retombées du colloque de Cordoue n'ont pas fini de se faire sentir. Dans Le Monde, qui en cette occasion s'est fait, avec des magazines de vulgarisation comme Science et Vie et Science et Avenir, l'avocat d'une science apeurée par ces coups de sape, Jean-Claude Pecker, professeur d'astrophysique au Collège de France, continuait, le 26 avril 1981, à s'en prendre à la «< fausse science ». << Que peuvent en penser les lecteurs qui, comme nous-mêmes, ne possèdent pas les titres prestigieux de ces hommes de science? Tout simplement que ces derniers s'affolent parce qu'ils se rendent bien compte qu'il existe des phénomènes inexplicables. Et que valent leurs titres en cette occasion ? A un prix Nobel contre, il se trouve maintenant un prix Nobel pour, à un académicien contre, un académicien pour, à un directeur de recherches du C.N.R.S. contre, un directeur de recherches pour. C'est cela le fait nouveau, c'est cela qui prouve qu'en son état actuel la science ne peut ni confirmer ni infirmer la parapsycho- logie. Mais qu'il y a anguille sous roche. POUR EN SAVOIR PLUS Jean-Luc BERAULT Robert Amadou, la Parapsychologie (éditions Denoël) Dominique Aubier, la Synthèse des sciences (éditions du Mont-Blanc) Hans Bender, l'Univers de la parapsychologie (éditions Dangles) Rémy Chauvin (pseud. Pierre Duval), la Science devant. l'étrange (éditions C.A.L.) Rémy Chauvin, Nos pouvoirs inconnus (éditions Planète) Rémy Chauvin, les Surdoués (éditions Stock) Rémy Chauvin, la Guerre parapsychologique (éditions France-Empire) Rémy Chauvin, Certaines choses que je ne m'explique pas (éditions C.A.L.) Rémy Chauvin, Quand l'irrationnel rejoint la science (éditions Hachette) Olivier Costa de Beauregard, la Physique moderne et les pouvoirs de l'esprit (éditions du Hameau) Bernard d'Espagnat, A la recherche du réel (éditions Gauthier-Languereau) Camille Flammarion, l'Inconnu et les problèmes psychiques (éditions Flammarion) Paul Husson, Testez vous-même votre perception extra- sensorielle (Presses de la Renaissance) Aldous Huxley, les Portes de la perception (éditions du Rocher) Aldous Huxley, l'Homme à la découverte de son âme (éditions Payot) Arthur Koestler, les Racines du hasard (éditions Calmann- Lévy) 26 Mattew Manning, le plus célèbre sujet psi anglais, se prête docilement aux contrôles des scientifiques. Stanley Krippner, les Energies de la conscience (éditions Tchou) Jacques Lantier, le Spiritisme (éditions C.A.L.) H. Larcher et Patrick Ravignant, les Domaines de la parapsychologie (éditions C.A.L.) Henri Marcotte, la Télésthésie (Presses de la Renaissance) Sheila Ostrander et Lynn Schroeder, Fantastiques Recher- ches parapsychiques en U.R.S.S. (éditions Robert Laffont) Sheila Ostrander et Lynn Schroeder, Nouvelles Recherches sur les phénomène psi (éditions Robert Laffont) Eugène Osty, la Connaissance du supranormal (éditions F. Alcan) Eugène Osty, les Pouvoirs inconnus de l'esprit sur la matière (éditions F. Alcan) Joseph B. Rhine, la Double Puissance de l'esprit (éditions Payot) Joseph B. Rhine, le Nouveau Monde de l'esprit (librairie Adrien-Maisonneuve) Louise Rhine, Introduction à la parapsychologie (presses de la Renaissance) Louise Rhine, les Voies secrètes de l'esprit (éditions Fayard) Docteur Scott Rogo, la Parapsychologie dévoilée (éditions Tchou) Milan Ryzl, Votre perception extrasensorielle (éditions C.H. Godefroy) René Sudre, Traité de parapsychologie (éditions Payot) Russel Targ et Harlod Puthoff, Aux confins de l'esprit (éditions Albin Michel) Robert Tocquet, les Pouvoirs secrets de l'homme (éditions J'ai Lu) Lyall Watson, Histoire naturelle du surnaturel (éditions J'ai Lu) Colin Wilson, l'Occulte (éditions Albin Michel) Collectif, Science et conscience, le colloque de Cordoue (éditions Stock) LA SEMAINE PROCHAINE Le prochain dossier de Nostra abordera le problème des rapports qui existent entre les plantes et l'occul- tisme. Passionnant et vaste domaine qui va de la médecine à la magie en passant par l'astrologie et la parapsychologie.