tes depè les 57 CONFERENCE Incroyable, mais vrai : to Mars 1982 l'ancien préfet Pierre-Jean Moatti annonce à Dijon l'Apocalypse Une grande première, hier soir à Dijon. A la Chambre de commerce, devant une cin- quantaine de personnes ré- unies par l'amitié ou la poli- tesse, un ancien préfet de la région et du département est venu parler des extra-terres- tres et annoncer l'Apocalypse pour 1984... ou une date approchante située entre 1984 et 1999. Nuance utile: il ne s'agit pas de la fin du monde, mais de la fin d'un monde. Enfin, la sagesse des hommes peut éviter le chaos. M. Pierre-Jean Moatti est de- venu écrivain. Pas dans le genre « souvenirs de la pré- fectorale ». Non, très sérieu- sement, il a appris l'hébreu et s'est mis à lire la Bible, dans le texte. lly a vu des extra-terrestres partout. Les anges, bien sûr ! De là à prévoir l'Apocalypse, il n'y avait qu'un pas. Donnant à l'avance beaucoup de tra- vail à M. Haroun Tazieff, nom- mé Commissaire aux risques naturels, M. Pierre-Jean Moatti publie actuellement aux Editions de Civry, à Dijon, un troisième livre. Avec un courage certain, il en soutient la thèse en public. Peu de monde hier, il est vrai, et encore moins de questions. Aujourd'hui, après l'accueil de bonne volonté, il va sur le campus affronter à 19 h 30, ce qui aurait donné autrefois un abominable chahut. La proxi- mité des élections cantonales a évité hier à l'actuel préfet, le devoir pénible de présider un débat sur l'Apocalypse... Seul, M. Jurien de la Gravière, ancien président du conseil général, s'était déplacé par courtoisie. Imperturbable, légèrement amusé quand on lui demande s'il ne serait pas lui-même un extra-terrestre tant son infor- mation semble précise et mystérieuse (il ne dit pas non...), M. Pierre-Jean Moatti n'est pourtant pas Morris West. Son roman est bon, mais il ne vaut pas « Les Bouffons de Dieu »>. « Je vous ferai la réponse de Jésus... >> Mais au fait, posons-lui la question qui nous brûle les lèvres Pierre-Jean Moatti, êtes-vous un Elohim, l'un de ces extra-terrestres ? « Je vous ferai la réponse de Jésus devant le Sanhedrin. On lui demanda Es-tu Dieu ? Il répondit: Si tu le dis... >>. Le teint rose et frais, en plein forme, la moustache britanni- que, portant ses 70 ans com- me s'il avait un demi-siècle de moins, l'ancien préfet se dé- fend d'avoir voulu écrire un ouvrage de science-fiction. « Je ne m'occupe que qu'éxé- gèse biblique, dit-il simple- ment. Personne ne m'a con- tredit. Je transcris pour le monde moderne la prophétie d'Ezéchiel, la guerre de Gog et Magog. Encore faut-il sa- voir lire la Bible... La science- fiction? Non, vraiment, je n'ai pas la formation scientifique qu'il faudrait... et je respecte toutes les croyances, toutes les religions >>. Un canular? Pas du tout. Les réactions au sein du corps préfectoral? « Admiratives », assure-t-il. M. Pierre-Jean Moatti n'en Jean-Pierre Moatti; « a transcrit pour le monde moderne la prophétie d'Ezéchiel. Encore faut-il savoir lire la Bible...». suit pas moins avec attention les ventes de ses livres. Chez Laffont, «La Bible et les Extra-Terrestres >>> a atteint 14 000 exemplaires, y compris une traduction en portugais. Tiré à 5 000 exemplaires et déjà épuisé, le nouveau volu- me édité par Alain Schrotter était mis hier en réimpression par Darantière à Quétigny. Compagnon de Nostradamus Le mois prochain, M. Pierre- Jean Moatti participera au 5e Symposium ésotérique orga- nisé au Québec, en compa- gnie de M. J.-C. de Fontbru- ne, l'auteur fortuné du « Nos- (Photo Didier Mandritch). tradamus » de l'été dernier. Il y parlera de l'Apocalypse: << une révélation sur le sens du Nouvel Age et de la Vraie Vie ê. Hier, comme s'ils voulaient s'excuser d'être venus enten- dre citer paraboles abracada- brantes, les spectateurs di- saient à leurs voisins : « Vous savez, les gens aiment ça... ». Quant à l'ancien préfet, ravi de revoir « cette bonne ville de Dijon » et tout à son nouveau métier, il parlait avec un plaisir non dissimulé de sa passion: expliquer au monde comment il faut lire la Bible - ce que personne, estime-t-il, n'a fait avant hier de façon exacte et convaincante. Un préfet comme on n'en fait plus... Préfet de la région de Bourgogne, de 1967 à 1973, également chargé de la Côte-d'Or, M. Pierre-Jean Moatti a laissé ici le souvenir d'un administrateur de grande classe et d'un personnage hors du commun. Avec du panache et un caractère impossible. Ses anecdotes rempliraient un livre... Venant de Nice où il était resté 13 ans dans un quasi proconsulat, il arriva à Dijon en faisant la grimace. Le tiel gris s'accommodait mal à son uniforme blanc des Alpes-Maritimes et des soirées à Monte Carlo. If mit aussitôt un terme aux «< bals de la préfecture » du préfet Chapel, les jugeant ridicules. Et il interdit aux hauts fonctionnaires de s'attarder jusqu'à 17 h à d'interminables banquets, ce qu'ils faisaient volontiers à cette époque heureuse où l'on mangeait sans fin entre élus et fonctionnaires. Passionné par les autoroutes, il en voulut partout. Son action fut souvent décisive, et certainement clairvoyante. Sans doute, Pierre-Jean Moatti eut-il le tort de s'engager dans une querelle dérisoire entre Beaune et Dijon, par leaders 'politiques interposés. Au reste, qu'est devenu le projet de « port terrestre ê? Celui de la « grande rocade côte-d'orienne » ? En manoeuvrant habilement, Pierre-Jean Moatti attira cepen- dant à Beaune, plutôt qu'à Chalon, l'autoroute de Mulhouse. En revanche, il se désintéressa complètement des télécommu- nications et du TGV. Il échoua dans son idée d'informatique administrative régionale. Mais quel homme ! On se rappelle les comptes rendus qu'il donnait des séances de la Commission de développement économique régional en disant, auprès d'un président désespérément muet: « Ma Coder... >> On se rappelle Alain Peyrefitte qui présidait à Dijon une réunion d'information sur la réforme régionale de 1972-1974, et le préfet Moatti répondant aux questions et coupant à un ministre de plus en plus agacé... On se rappelle Pierre-Jean Moatti décochant des traits terribles sur les uns ou les autes, montrant les potiches de son salon en remarquant: « Vous voyez, il n'y a pas que celles du conseil général... » Foudroyant un fonctionnaire qui osait prendre ta parole en sa présence. Faisant servir le champagne à l'intention de deux journalistes au bord d'une autoroute, le chauffeur ayant enfilé une veste blanche et sorti du coffre de la DS une table et des chaises pliantes, la bouteille et les verres. La tête des automobilistes en découvrant la scène : un film de Fellini ! Pierre-Jean Moatti écrivait lui-même des textes de 80 pages qu'il faisait remettre à la presse. Il était toujours incroyable, mais vrai... Un préfet comme on n'en fait plus. Heureusement? Pas si sûr... Les Bourguignons ont besoin qu'on les tire, qu'on les pousse, qu'on les secoue, qu'on les mette en avant. Un préfet sûr de lui et dominateur pouvait jouer ce rôle irritant et utile. Pouvait, en effet ! En un temps où la fonction préfectorale est reléguée dans l'ombre au profit des nouveaux « seigneurs de village », on s'apercevra bientôt qu'il manquera souvent à la région et au département, un « grand patron » comme l'ont été, parfois, certains préfets. Capables de prendre des mesures impopulaires, en visant le long terme. Réveillant la région en la serrant par le cou et en lui donnant de grands coups de pied dans le derrière... Nos futurs présidents en seront-ils capables? Ils penseront plutôt à leurs électeurs, à leurs partis, à leurs voix. Pierre-Jean Moatti, privé de l'Etat, s'est adressé à Dieu. Lui seul pouvait dialoguer avec lui. Sa démarche est aussi invraisemblable que logique. 219 740 Supe