Sur quelques cas dramatiques de disparition/destruction d’archives ufologique

(Paru dans le Bulletin du SCEAU no. 7 – 2003-2004)

Dans la lettre d’accompagnement de notre questionnaire, qui est souvent le premier lien avec nos sociétaires potentiels, nous faisons état, pour renforcer notre argumentaire, « des exemples dramatiques de pertes ou de destructions d’archives », sans détails, tout en ayant à l’esprit des cas bien précis et ô combien douloureux…

De Charybde en Scylla
Aujourd’hui des faits nouveaux viennent renforcer nos craintes sur le devenir de certaines archives ufologiques quand leur sauvegarde n’a pas été ouvertement envisagée. Ce nouvel exemple est tout aussi dramatique que, le fut en son temps, la disparition/démantèlement des archives de Marc Thirouin, pionnier (et l’un des fondateurs) de l’ufologie française.

A cette occasion nous souhaitons vous entretenir de ce cas, et vous rappeler ces exemples passés qui nous ont amené à créer leSCEAU/Archives OVNI ainsi que ces incidents qui émaillent assez régulièrement le quotidien de l’ufologie. Comme nous le signalons ci-dessus, la destruction quasi totale, dans les années 70, des archives de Marc Thirouin, fondateur en 1951 de la Commission d’Enquête Ouranos, est le cas le plus connu de ce type d’atteinte au patrimoine ufologique. Heureusement la CE Ouranos ayant survécu, une partie des archives fut reconstituée. Par ailleurs, l’ « Association des Amis de Marc Thirouin » (AAMT) œuvra également dans ce sens. Cependant, l’ensemble du courrier ufologique de Marc Thirouin, ainsi que de nombreuses enquêtes semblent avoir été irrémédiablement perdus. En parcourant les réponses à notre questionnaire, nous trouvons également quelques cas d’autodafés d’archives jugées « insignifiantes » ou « sans grand intérêt » par leurs propriétaires. S’ils sont seuls juges de leur acte, cette attitude est cependant regrettable et nous laisse dans l’expectative, car ce que peut signifier “sans intérêt” pour les uns, peut être d’un tout autre ordre de valeur pour les autres (et là nous pensons aux historiens et aux sociologues).

Posons-nous la question : existe-t-il des archives insignifiantes…? en guise de réponse j’irai rechercher un exemple cruel dans le milieu associatif, hors ufologie, mais demeurant proche de nos préoccupations. Lors du déménagement, dans les années 70, des archives de la très fameuse association créée par Gaston Tissandier et Camille Flammarion, la Société Astronomique de France, qui allait rejoindre ces locaux actuels de la rue Beethoven, il se noua un drame que personne n’aurait imaginé un seul instant. La SAF avait fait appel à certains de ses bénévoles pour effectuer la mise en cartons de ses collections. Ceux-ci étaient pour la plupart de jeunes membres enthousiastes. Dans ce cas ils le furent un peu trop…car voyant le volume imposant de documents à manipuler, il leur vint l’idée insensée d’en faire le tri préalable pour alléger leur tâche. Un postulat des plus arbitraires fut adopté : tout ce qui était antérieur aux années 50 fut jugé « vieilleries sans valeur et insignifiantes« , donc sans intérêt et fut systématiquement offert à l’appétit insatiable des poubelles de la Ville de Paris ! collections de revues anciennes (même une partie des Comptes Rendus des séances de l’Académie des Sciences), milliers de lettres reçues depuis 1885, éphémérides d’observateurs du ciel, croquis d’observations à la lunette, &c… tout disparut. Cet acte fut commis sans en référer aux responsables de l’association et sans avoir obtenu le moindre aval de quiconque

Aujourd’hui encore, des courriers de certains grands savants et astronomes, tels Le Verrier, Arago, Herschel, Tissandier, Flammarion, et bien d’autres, ainsi que les observations d’amateurs anonymes, font défaut aux chercheurs et ce de façon irréversible ! Le conservateur en parlait encore dans les années 1980 avec une grande émotion. Ainsi même ces associations institutionnelles, et alertes centenaires, ne sont pas à l’abri de tribulations causées par des membres qui ne voient pas beaucoup plus loin que le bout de leur nez et qui s’octroient des pouvoirs décisionnaires qui ne leurs sont pas acquis. Ici nous serions en présence de jeunes gens immatures au jugement plus qu’incertain. Mais certaines personnes pensent que nous pourrions être en face d’un détournement d’archives, à des fins mercantiles, dissimulées derrière une soi-disant “fatale erreur de jugement”. Restons donc toujours vigilants aux dérives possibles et n’hésitons pas à superviser même ce qui semble aller de soi. En 1994, Jocelyn Morel, qui venait de réactiver l’association nordiste GNEOVNI, lança un cri d’alarme: les archives de l’association avaient disparu ! Selon son témoignage, ces dernières étaient entreposées depuis des années dans un local prêté à l’association par la municipalité. Lors du changement de destination de l’immeuble dont elle se séparait au profit d’un propriétaire privé, ce dernier n’aurait eu cure de cet amoncellement de paperasses au contenu exotique et en fit don aux déchèteries locales.

Mais l’affaire qui a motivé cet article est la suivante. Nous avons été informés, dernièrement, de la disparition des archives d’un chercheur/enquêteur (dont nous conserverons l’anonymat), très actif il y a quelques années dans sa région et qui avait depuis environ une décennie cessé toutes recherches sur les OVNI. Ces archives viennent d’être détruites à son insu ! C’est un cas particulièrement dramatique, car ces documents furent « purifiés » par le feu sous l’emprise d’un « mystique » exalté qui convainc l’un des proches de l’ufologue que cette documentation était de nature « diabolique« . C’est toute une bibliothèque qui semble être parti en fumée, mais également l’ensemble des rapports d’enquêtes et les divers travaux effectués par cet enquêteur et le groupe dont il avait présidé la destinée. C’est une perte irréparable. Aujourd’hui cet ufologue a décidé de redevenir actif et a demandé l’aide de la communauté pour reconstituer sa documentation.

Cette mésaventure est à rapprocher d’un cas qui m’a été rapporté au printemps 2002 par une personne “accro” (sic) des OVNI dans les années 1970, ayant une bibliothèque d’une centaine de titres, une collection de coupures de presse des années 1960/1970, des revues (LDLN, GEPA, GEOS). Cette personne était totalement indépendante, mais localement active en Essonne. Au cours des années 1980, en période de déprime, elle fut approchée par une groupe religieux à tendance sectaire. Sans épouser totalement sa doctrine, elle se plia à certains de ses préceptes et cessa presque du jour au lendemain de s’intéresser au Phénomène OVNI et au paranormal, convaincue dès lors de la futilité de ses recherches. Elle fit disparaitre ses archives, partiellement au grenier, dans les braderies de livres, et jeta le reste. Ce qui pouvait subsister disparût au fur et à mesure de ses déménagements successifs.

Dans la même veine, un cas est parvenu à ma connaissance à été 2004 lors de recherches dans le cadre de l’enrichissement de notre Répertoire ufologique. Après avoir contacté quelques personnes en Bretagne, je fus aiguillé par l’un de mes interlocuteurs vers le frère de la personne que je recherchais. Celle-ci m’apprit que son frère, enquêteur pour LDLN dans les années 1970, s’était donné la mort à 17 ans pour avoir, selon mon correspondant, “approché de trop près le paranormal extrême”. Traumatisée, la famille détruisit l’ensemble de sa documentation.

Avis de recherche !
Aujourd’hui nous ne savons pas ce que sont devenues les archives de nombreuses associations actives il y a 2 ou 3 décennies, telles que celles de VERONICA, à Nîmes, c’est d’autant plus inquiétant que sont fondateur Charles Gouiran est décédé en 2001 ; il en va de même pour celles duGLRU de Langeac ; du CEMOCPI dans la Loire, ou encore de l’AAMT en Drôme/Ardèche. Celles du GREPO ont été dispersées au gré des changements de responsables…toutefois la légende courre qu’un lot de documents dormirait encore quelque part dans un local, au coeur d’un joli village provençal, gravement inondé en septembre 2002. Cependant le SCEAU en a récupéré une partie, par le biais de ses sauvegardes (DonsBenoît Rousset & Isabelle L.).

Nombreuses aussi sont les archives de certains Cercles LDLN des années 1960/1970 qui ont échappé à l’équipe dirigée, à l’époque, par RaymondVeillith, disparues avec les délégués qui en démissionnant oubliaient de transmettre leur patrimoine à l’archiviste de l’association. Une partie des archives de cette docte revue a disparu, pour n’avoir pas été conservée dans de bonnes conditions.

Que sont devenues les importantes archives du CERPI de Saintes, que j’ai eu l’occasion de voir en 1982, elles étaient, à l’époque, conservées dans un local (prêté par la municipalité – bis repetita) saturé d’humidité et ponctué de fuites, situé dans les combles d’un immeuble pittoresque, mais vétuste, d’un vieux quartier historique de Saintes. Nous avons tenté de contacter les anciens responsables de ce groupe, très actif dans les années 1970/1980 et co-fondateur du CPCGU, pour qu’ils nous confirment qu’une procédure avait été mise en oeuvre dans l’optique de préserver ce patrimoine. Les réponses reçues de quelques membres ne nous ont pas permis d’en apprendre plus.

Je reviens maintenant sur un sujet évoqué dans un paragraphe précédent et je m’alarme des effets désastreux des nombreuses catastrophes naturelles subies par la France ces vingt dernières années, lesquelles touchèrent de nombreuses villes ufologiquement connues pour regrouper quelques ufologues encore actifs ou ayant été le siège d’une célèbre association : Cuxac d’Aude, Sommières, Sorgues, L’Isle sur la Sorgue,Vaison-La-Romaine, Buis-les-Baronnies, Nîmes, Alès sont de celles-ci. Ne doutons pas qu’ici où là des archives ufologiques ont eut à souffrir de ces débordements climatiques.

Antiquités, brocantes… et OVNI
Cependant, il est des “ennemis” pernicieux des archives, impitoyables, sournois, tapis au cœur des villes, des stades, des pelouses herbues, des centres commerciaux : les brocantes et vide-greniers. Quoique qu’ils soient ambivalents, car ils peuvent aussi nous pourvoir en documents, quand le hasard nous donne à découvrir au fond d’un carton des revues ufologiques, quelques livres ou autres trésors (le SCEAU en a aussi profité).

Mais ne nous voilons pas la face, les brocantes sont un implacable vecteur de dispersion des archives ufologiques. Dans le courant des années1980, un brocanteur rencontré aux puces de Montreuil par un membre du CIGU s’avéra être un ancien ufologue qui “fourguait” ses archives à “dix balles le bout”.

Plus récemment, en août 1997, c’est lors d’une brocante à Etampes (91), que je fus interpellé par une “chineuse” qui me proposait la collection de livres OVNI de son père décédé, lequel avait été un ufologue très actif dans les années 1960/1970. Elle me confirma, sans ambages, que tous les autres documents (enquêtes, revues, &c.) avaient été détruits ou dispersés. Je ne pus savoir qui était son père, elle préféra ne m’en rien dire et promit de reprendre contact avec moi pour les livres. J’attends toujours !

Vers la même époque, je fus contacté sur la brocante de Montlhéry (91) par un ancien membre de la SPEPSE, il avait conservé un lot de livresOVNI, il semblait prêt à les céder au SCEAU. De retour chez moi, je trouvais un message sur mon répondeur où il se ravisait et demandait 500 Frs pour se séparer de ses ouvrages, tous très classiques.

Quelques mois plus tard, en 1998, j’ai également fait la connaissance, à la brocante “Art de Vivre”  de Corbeil-Essonnes (91) d’un futur ex-ufologue du Val-de-Marne se séparant de ses derniers souvenirs dans ce domaine. Il ne lui restait plus que quelques numéros de LDLN et trois livres de Jean-Claude Bourret, rien que de très commun me direz-vous, mais quand même. Le meilleur était déjà parti… enquêtes (dans l’Oise), comptes-rendus de réunions (d’un groupe informel d’ufologues “sans étiquette”), revues brésiliennes (anciennes et rares), &c. Il n’est absolument pas certain que ces documents aient été achetés par des ufologues actifs. Ayant navigué dans ce milieu quelque peu interlope, au titre de brocanteur semi-professionnel, je crains que des antiquaires peu scrupuleux soient tombés sur certaines pièces rares (vieux livres, revues anciennes) qui finiront sur les quais à Paris où dans les salons de “vieux papiers”, à prix d’or… pour des “collectionneurs” …!

Mais tout ne va pas si mal après tout…
En Poitou-Charentes, nous sommes en mesure de vous rassurer sur les archives du CPCGU/GREMOC (co-fondé par Pascal Grousset) : elles ont été récupérées par Frédéric Dumerchat.

Autre bonne nouvelle !
Les archives de Bernard Heuvelmans (co-inventeur de la cryptozoologie) ont été déposées dans leur intégralité au Musée de Zoologie deLausanne (Suisse), soit 50.000 documents. Ce musée serait le premier à s’ouvrir à cette discipline controversée, qui confine, selon certains, au paranormal (Athena N° 156, déc.1999, p.173). Voici un signe positif de sauvegarde : pas de dispersion des documents, institution reconnue et fiable, fonds facilement identifiable. Le SCEAU a toujours milité dans ce sens, car il est à redouter que, dans le cas de petits fonds ufologiques “anonymes” ceux-ci ne puissent être déposés aux AD, s’ils l’étaient ce serait de façon indépendante, donc anonyme, ceux-ci demeureraient confidentiels et finiraient “noyés” dans la masse, sans titre et sans identification spécifique, alors que déposés dans les Fonds Documentaires Ufologiques (FDU) du SCEAU, ils trouvent un titre “FDU SCEAU / + nom du donateur” et une cote. Ils deviennent ainsi faciles d’accès et aisément consultables.

Évitons le démantèlement ou la destruction du patrimoine ufologique, par insouciance, négligence ou mépris pour ses propres recherches. Anticipons ! par une sauvegarde préventive, en contractant avec le SCEAU ou en transmettant régulièrement le fruit de nos travaux au SCEAU qui les déposera dans l’un de ses Fonds Documentaires Ufologiques.

Le SCEAU, c’est le label de traçabilité des archives ufologiques.
Notre discours a été entendu, il a séduit l’ensemble de nos sociétaires, mais il doit encore et toujours convaincre plus d’ufologues (ou ex-ufologues), car il est des trésors qui dorment à l’intérieur de vos classeurs à leviers ou de vos chemises à sangles et nous ne saurions imaginer que votre but est de les abandonner au fond de votre cave ou de votre grenier et de ne pas en faire profiter l’ensemble de la communauté ufologique et bien d’autres chercheurs.

Nombre d’ufologues prônent la levée du secret.

  • Ufologues actifs, il vous revient de prouver à tous qu’il n’y a pas de secrets dans ce milieu et que signer un contrat avec le SCEAU vous engage à donner un avenir à vos archives afin d’offrir, à terme, l’information au plus grand nombre.
  • Anciens ufologues, confiez-nous vos archives, vous les valoriserez et apporterez votre pierre à la sauvegarde du patrimoine ufologique. Il y a quelques années la recherche sur les OVNI vous a passionnée, permettez à d’autres, aujourd’hui, de se passionner pour l’ufologie au travers de vos travaux, vos enquêtes, vos recherches. Même si vous n’avez que quelques revues ou quelques livres, vous contribuerez à enrichir les Fonds Documentaires Ufologiques.

Gilles DURAND, Athis-Mons/Brunoy, 2001/2009

* Remerciements à Madame Natalie Béraud pour son aide, ses relectures et ses corrections.